Sep 20, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 10 août) : Les gözleme d’Esra, Fethiye, le tombeau d’Amyntas
Bulletin météo de la journée (samedi) :
- 10h00 : 37.8°C / humidité : 29% / vent 7 km/h
- 14h00 : 43.1°C / humidité : 55% / vent 17 km/h
- 22h00 : 42.2°C / humidité : 81% / vent 6 km/h
Encore une journée qui s’annonce calme sous un soleil écrasant. Les températures sont simplement affolantes et dépassent largement les 40°C. La raison voudrait que je reste enfermé dans ma chambre semi-climatisée ou à l’ombre d’un parasol au bord de la piscine, mais rien n’y fait, je n’arrive pas à rester en place, même si je lézarde un peu en somnolant après un petit déjeuner copieux, à base de fromage blanc et de tisane de sauge.
Je reste en admiration devant ce petit appendice qui dépasse de la cuvette des toilettes, où que je sois passé depuis mon arrivée ici, sur la partie antérieure et qui propulse un jet d’eau puissant destiné à se nettoyer. Évidemment, le sujet est un peu délicat à traiter, mais je suis admiratif de ce procédé utile et efficace qui ne me laisse plus aucun doute sur l’hygiène de ce peuple qui a l’habitude des bains publics et des ablutions liées à la prière. Je rêve qu’un jour en France, dans ce pays qu’on dit aseptisé et hygiéniste, on puisse prendre autant soin de son hygiène corporelle, ce qui est loin d’être le cas.
Le midi, je retourne déjeuner chez Ezra avant de refaire un tour par l’hôtel pour lire un peu Amin Maalouf au bord de la piscine et piquer une tête dès que la température devient intolérable.
Cet après-midi, j’ai décidé de me rendre à Patara. Après tout, c’est le site le plus proche d’ici et je ne suis même pas allé le voir. En fait, quand on suit la direction du site (les sites archéologiques sont signalés par des panneaux écrits en blanc sur fond marron qui font penser à ceux qu’on trouve au bord des autoroutes françaises) qui se trouve au bout de la route qui traverse le village, on arrive à ce qui ressemble à un poste frontière. Je crois que c’est la première fois que je vois un site aussi bien gardé. Il se trouve que c’est également l’entrée d’un site très connu car il passe pour être la plus belle plage de la côte turque. J’avoue sans honte que je n’y suis pas allé de tout mon séjour, trouvant certainement qu’il y avait bien d’autres choses à faire que d’aller se baigner dans la Méditerranée. Cela dit, avec du recul, je regrette un peu, mais je m’en remettrai. Après la barrière, on arrive donc sur le site qui s’étend tout au long de la route. Dès lors que je commence à vouloir prendre des photos, je me rends compte que quelque chose ne va pas, mon appareil reste obstinément éteint. Je commence à angoisser en me disant que si mon appareil me lâche maintenant, je ne vais plus pouvoir garder d’images de tout cela ; c’est simplement inconcevable pour moi. En tentant d’établir un diagnostic, je me rends compte que la batterie est absente de son compartiment et en une fraction de seconde, je la revois dans son chargeur, bien au frais sur la table de la chambre d’hôtel. Je n’ai plus qu’à prendre des photos avec mon téléphone.


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Sep 18, 2013 | Histoires de gens, Livres et carnets, Sur les portulans |
Les Cahiers Dogons, d’Antonin Potoski, est un livre que j’ai découvert par hasard au détour d’un rayon de bibliothèque, comme un objet perdu ou intentionnellement égaré par un bibliothécaire malicieux. C’est un petit livre, une centaine de pages, aux éditions P.O.L, un objet littéraire étonnant, sans prétention, une simple histoire d’un homme qui aime aller au Mali et s’immerge dans l’écrasante chaleur de l’Afrique.
1999. J’ai dormi sur le toit, sans drap ni moustiquaire, tout habillé, pieds nus, sur un petit matelas posé sur une natte. J’ai la tête qui tourne à cause de la chaleur et du soleil que j’ai déjà trop pris. Il est là, à travers le feuillage du nim à l’ombre duquel j’écris, par petites taches brûlantes.
Ici tout respire la chaleur, ou plutôt ne respire pas. Les hommes dorment sous le toit épais de la togouna et notre narrateur lui, passe ses nuits sur le toit, tentant de se rafraîchir, baigné dans une torpeur assommante dont il a du mal à se dépêtrer, mais son amitié pour les gens de ce village au pied de la falaise du Bandiagara le fait rester, dans cette zone qui devient tellement touristique.
J’étais nu sur le toit, le vent soufflait un air plus chaud que mon corps, comme d’une sèche-cheveux. C’étaient d’énormes masses de chaleur qui passaient sur moi comme des vagues, comme à l’océan lorsqu’on joue à se caler le dos contre le sable pour se sentir léché, écrasé par les rouleaux et regarder, d’en-dessous, leur grand bouillon vert. Ici, je me cale face au grand bouillon étoilé de la nuit.

Photo © John Spooner
Dans ce pays qui devient célèbre pour la diversité de ses peuples et attire les nouveaux touristes, des nouveaux explorateurs en polo Lacoste qui n’admettent que difficilement trouver un blanc (un peu sale et puant) au beau milieu des dogons qu’ils espéraient sauvages, le narrateur ne justifie pas sa présence, il s’est simplement installé comme un cèpe au pied d’un frêne, admis, adopté, au point qu’on se demande où on voit un blanc chez eux, il n’y a qu’Antonin ici…
L’impression des Peuls qui arrivent de la plaine, de leur vie nomade, dans un village de la falaise doit être encore plus forte que la nôtre : ce doit être étrange, mystérieux, un peu effrayant, cette organisation, ce peuple qui parle autant de langues qu’il a de villages, qui consent à les embaucher pour qu’ils s’occupent de ses troupeaux, qui construit des cités bruissantes dans les éboulis alors qu’eux vivent dans le silence, le dépouillement, la pureté des plaines, de leur dieu musulman.
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Sep 9, 2013 | Arts, Carnets de route (Osmanlı lale), Photo, Sur les portulans |
J’ai visité Venise en voyage d’études alors que j’étais déjà à l’université et la première chose que j’ai faite en arrivant a été de laisser le groupe des lycéens pour aller boire un vrai café italien dans une petite échoppe au comptoir duquel on venait simplement s’appuyer avec sa tasse et les volutes de fumées pour seuls compagnons. Les souvenirs que j’en ai sont vagues. J’ai des souvenirs écornés, des bribes de souvenirs que j’ai du mal à recoller entre eux pour leur donner une cohérence, des odeurs qui me reviennent, mais pas grand-chose somme toute. C’est triste de voir que les plus belles merveilles du monde peuvent vous suffoquer et vingt ans après ne plus vivre que par l’entremise de quelques photos. Je me souviens du ghetto, et d’un cappuccino pris dans un des salons du Café Florian, des rues le long des canaux, désertées, de l’eau saumâtre qu’on m’avait dit puante, du parfum entêtant de belles vénitiennes compassées, je me souviens comme si c’était hier du sein blanc et des doux cheveux blonds… vénitiens… de la belle Aude, je me souviens des soirées éclairées par les réverbères dans des rues où j’osais me risquer seul, labyrinthe plus effrayant que dans n’importe quel conte, du Harry’s Bar et du fantôme d’Hemingway, du Hollandais Volant perdu quelque part, de la Fenice majestueuse dans son écrin de pierre, du Lido de Thomas Mann, de Visconti et de Bogarde, des scuole indescriptibles et du bureau de poste, des mots italiens ou vénitiens peut-être qui flottaient dans l’air avec un air naturel, dont j’arrivais presque à saisir toutes les nuances, de l’air brouillasseux qui plane sur la lagune et peut-être aussi, qui sait, au détour d’une rue ou d’une placette où se trouverait une locanda, un puits à la margelle ouvragée, un chat qui s’échapperait à l’angle, peut-être, je ne sais plus, le fantôme gaillard de Corto Maltese. J’ai traqué le soleil dans l’ombre, la lumière dans les ténèbres et le souvenir en est presque effacé à présent.
Reliques d’un voyage d’études il y a vingt ans, j’ai retrouvé de vieilles photos de Venise oubliées dans un album. De vraies photos en noir et blanc que le temps n’a même pas altérées, c’est ce que j’ai ramené de cette Venise qui s’est levée devant moi, une Venise sauvage et secrète puisqu’à l’époque j’avais pris le parti de ne choisir que des cadrages sévères, déshumanisés, en évitant soigneusement, si possible les clichés de cartes postales. Certaines n’évitent pas l’écueil, mais peu importe, ce sont mes photos, ma vision, ce que je me suis approprié et qui semble relever désormais d’une autre époque, d’un temps sans numérique, une temps de mémoire, avec de vrais appareils photos qu’il fallait caresser pour qu’ils soient dociles et que la magie de la lumière fasse son œuvre. Ces temps, comme ces photos dans mon cœur, demeurent magiques.
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Sep 4, 2013 | Carnet de voyage en Thaïlande, Carnets de route (Osmanlı lale), Prises de son, Sur les portulans |
Plus de trois semaines passées sous le soleil brûlant d’une Thaïlande qui vit dans l’année 2556 et j’ai pris un peu le temps de procéder à des enregistrements lorsque j’en avais la présence d’esprit. J’ai ainsi pu récolter plus d’une quarantaine d’ambiances du nord au sud, en commençant par Chiang Mai, puis Bangkok et enfin Koh Pan Ngan. J’aurais pu être plus méthodique, recueillir beaucoup plus, de meilleure qualité, associer ces ambiances sonores à des photos, mais ce n’est pas un projet que j’avais prémédité et j’ai tout fait au fil de l’eau sans idée préconçue. Et finalement je me dis que le son sans l’image permet de se plonger dans une autre dimension, de s’immerger dans l’inconnu sans préjugé. Juste avec des mots pour expliquer ce que c’est et d’où ça vient.

Wat Chedi Luang, Chiang Mai
Thaïlande, août 2013
Chiang Mai
(1) Marché du dimanche (1′03″)
Le dimanche à Chiang Mai, un marché ambulant s’installe dans quelques rues centrales de la vieille ville, s’étendant depuis la porte de Tha Phae le long de Thanon Rachadamnoen. Le soir venu, je voyais un peu d’un mauvais œil que le marché s’installe précisément dans la rue où se trouvait mon hôtel, craignant du bazar, mais lorsque j’ai vu que s’installait un marché de restaurants ambulants dans la cour du Wat Phan On, j’étais ravi de pouvoir me restaurer à moindre frais et de mets succulents. Du coup, je me suis trouvé un peu démuni les jours suivants. C’est à la sortie de ce temple que se trouvait ce petit orchestre traditionnel qui m’a mis en joie. On entend vers la fin une voix qui parle dans un haut-parleur et qui à un moment a enjoint les passants à s’arrêter pour faire honneur à l’hymne national. Surprenant.
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(2) A la terrasse d’un café (1′02″)
Au croisement de Thanon Rachadamnoen et de Thanon Prapokklao, se trouve un petit café où l’on peut boire des jus glacés et se restaurer sur le pouce. Si c’est à la croisée des chemins entre deux des plus grandes artères, c’est relativement calme. Entre le bruit des scooters et quelques taxis qui passent dans les environs, ambiance rock’n’roll décontractée.
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(3) Chants de moines Wat Inthakhin Saduemuang (1′11″)
Le temple de Wat Inthakhin Saduemuang se trouve à proximité de la place du musée des arts de Chiang Mai. C’est un temple récent, moderne, dans lequel trône un beau bouddha blanc nimbé d’une lumière violacée qu’on ne serait pas étonné de voir dans une boîte de nuit branchée. Aux dernières heures de la journée, j’ai assisté à la récitation des chants de moines. Le chantre, dos à son auditoire, caressait un chien qui se frottait contre lui et autant dire que les moinillons, à peine plus âgés de douze ou treize ans étaient loin d’être attentifs à la lecture. Assis sur les marches du temple, je leur tournais le dos pendant que j’enregistrais.
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(4) Cloches de 18h00 à Wat Sum Pow (1′08″)
Traversant un peu par hasard la cour du Wat Sum Pow, un petit temple discret juste en face du Wat Phan On, j’ai aperçu un moine qui se dirigeait avec une mailloche vers la rangée de cloches tibétaines au pied du temple. Je n’ai pas vraiment réussi à savoir pourquoi les cloches étaient sonnées à 18h00 précises tous les jours mais j’imagine que cela correspond à la fin de la journée ou peut-être à une prière en particulier, mais je vais me renseigner.
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(5) Prière à Wat Umongmahaterachan (2′30″)
Dans le jardin du très joli temple Wat Umongmahaterachan, je me suis posé pour écouter le chant lancinant de ce moine qui toussait dans le micro en récitant sa prière. On entend parfois au fond le chant des fidèles. Musicale et envoûtante, entonnée d’une voie rauque, cette petite ritournelle dont je ne comprends aucun mot se termine dans la récitation de quelques mots qui tombent, comme si plus personne ne l’écoutait.
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(6) Prêche du midi à Wat Umongmahaterachan (2′32″)
Retour dans le même temple le lendemain midi où un homme prêchait dans un haut-parleur alors qu’il n’était pas dans le temple. Dans le même haut-parleur, je pouvais entendre un coq chanter. Un endroit bien agréable où s’asseoir pour méditer parmi les briques moussues et les statuettes de Bouddha recouvertes de coulures de bougies oranges.
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(7) Prière à Wat Chompu (1′17″)
Petit temple hors-les-murs de la vieille ville, sur les chemins de traverse, Wat Chompu se trouve près de Thanon Tha Phae. Doté d’un Bouddha immense, le temple discret est accessible par une petite porte en pierre hors d’âge. Découvert par hasard, c’est un lieu au milieu d’une vie calme, sur la route qui mène vers Chinatown et le marché de Warorot, où je suis arrivé à l’heure de la prière, rassemblant un grand nombre de fidèles, dont des Occidentaux.
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(8) Clochettes au vent à Wat Phra That Lampang Luang (0′52″)
Malheureusement, quand on n’a qu’un matériel très rudimentaire, le résultat est parfois un peu décevant, ce qui est dommage pour cette ambiance. Le temple de Wat Phra That Lampang Luang est un des plus beaux que j’ai vus en Thaïlande, complètement perdu entre deux villes de moyenne importance. Le lieu est magique, d’une beauté simple et ténébreuse et lorsque le vent s’est levé juste avant que ne tombe une pluie incessante qui marquera cette journée, les clochettes accrochées au chedi se sont mises à tinter dans le vent, laissant imaginer une cohorte de fantômes qui envahissait les lieux silencieux. Le vent fait aussi un peu cracher le micro, ce qui rompt malheureusement la magie du moment.
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(9) Conversation entre deux personnes à Lampang (1′05″)
A la fin de cette très belle journée, même si elle fut abondamment pluvieuse, je suis allé à Lampang, ville que j’ai malheureusement trouvée sans beaucoup d’intérêt, et les deux temples que j’y ai visité intra-muros n’avaient vraiment pas beaucoup d’intérêt. J’ai réussi à intercepter une discussion dans la rue entre mon chauffeur de taxi et le conducteur d’une petite calèche tirée par un âne.
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(10) Voiture publicitaire dans le centre de Chiang Mai (0′12″)
Souvent dans les rues passent des voitures arborant de grandes affiches publicitaires, soit pour vanter les mérites de l’action d’un homme politique local (hum), soit pour annoncer le prochain show de Muai-thaï (มวยไทย), ce qu’on connaît sous le nom de boxe thaï. C’est le cas ici ; je n’ai pu attraper qu’une dizaine de secondes. La particularité de ces réclames réside dans le fait que le volume est beaucoup, mais alors beaucoup trop fort.
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(11) Répétition du défilé pour l’anniversaire de la reine Sirikit au temple Wat Pa Pao (1′05″)
Wat Pa Pao est un tout petit temple situé juste à la sortie de l’enceinte de la vieille ville. Représentatif du style chan, c’est un tout petit temple dont la cour plantée d’arbres est comme un îlot de verdure ombragée dans la ville. Le 12 août, c’est l’anniversaire de la reine Sirikit et avant ces festivités surdimensionnées, tous les enfants du pays sont réquisitionnés pour répéter pour le défilé de ce jour particulier pour les Thaïs. C’est à une de ces répétitions que j’ai assisté discrètement, tandis que de l’autre main je filmais une petite fille qui sautait à la corde et qui, puisqu’elle m’avait surpris, s’est particulièrement bien appliquée. Si vous ne le saviez pas, vous vous apercevrez que les Thaïs répètent souvent deux fois la même chose.
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(12) Dernier jour : dans la rue à Chiang Mai (2′02″)
Tandis que déjà je regrette de devoir partir de cette ville qui me fascine, je grave quelques sons pris dans la rue : voitures, scooters, camions, taxis, vélos, klaxons et surtout l’inénarrable tuk-tuk 400cc de marque Daihatsu avec son bruit reconnaissable entre tous. Chiang Mai, dernier volet, dernières impressions, et l’envie d’y revenir.…
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La suite : Thaïlande, sous une lumière d’ocre (2) – Ambiances sonores à Bangkok
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Jul 30, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale) |
Cette année, le moins que l’on puisse dire, aura été riche en voyages. Après être parti une douzaine de jours en Thaïlande au mois de mars, une dizaine de jours en Turquie (Istanbul et la Cappadoce) au mois de mai, quelques jours en Bretagne (ah ben si, ça compte quand-même), voilà que je suis à quelques jours de repartir en Thaïlande.

Long tail boat — Baie de Haad Salad — Ko Pha Ngan
Thaïlande — Mars 2013
Si je suis parti en mars avec la ferme intention de me reposer, je n’ai pas résisté à mon envie de battre la campagne, même si les limites naturelles de l’île de Ko Phangan m’ont assez tôt empêché d’aller voir trop loin ; il aurait été dommage de rester le cul sur la plage à attendre que ça passe. J’ai trouvé de quoi faire dans cette petite baie, à observer les gens vivre, à regarder par la lucarne ce qui se passe à l’intérieur et même là où tout a été gangréné par le tourisme de masse, on arrive encore à trouver de quoi se satisfaire en frappant au carreau et en demandant si l’intrusion est permise… Évidemment, cela m’aura été plus compliqué en Thaïlande que dans cette Turquie qui me devient familière et pour laquelle je commence à avoir une certaine appétence au regard de la langue. Le thaï me rebute par son alphabet et ses diphtongues. Le vocabulaire me semble complexe et de toute façon, les Thaïs visibles parlent presque tous anglais et n’incitent pas à ce que vous rentriez dans leur langue. Il faudra que j’apprenne à débusquer les invisibles.
Parmi les moments forts de ce dernier voyage, l’escale à Dubaï où je me suis surpris à parler à l’agent de sécurité qui contrôlait les bagages à main — une belle grande femme toute voilée de noir, aux grands yeux perçants. Mon sac présente une anomalie, une masse compacte au fond ; des livres. Je l’entends parler en arabe à l’un de ces collègues et j’attrape dans la conversation le mot كتاب (kitab) que je reconnais grâce au turc (kitap). Je répète le mot. Elle me dit en souriant kitab = one book, kutub = several books. Et là je reconnais le pluriel interne qu’on retrouve aussi en turc (je fonctionne par association, kütüphanesi = bibliothèque). Nous échangeons un sourire complice…

Wat Pho — Bangkok
Thaïlande — Mars 2013
Un autre moment fort pour moi aura été cette presqu’amitié avec un chien que je m’étais amusé à surnommer trois pattes pour les raisons qu’on imagine. Dès que je descendais sur la plage, quelle que fût l’heure, il était là et me suivait en trottinant quand il n’était poursuivi par les autres chiens qui ne supportaient apparemment pas sa différence.
Parmi les moments de doute, je me suis retrouvé sur un bateau brinquebalant à l’heure du renard sur la mer houleuse du Golfe de Thaïlande entre le Mu Ko Ang Thong National Marine Park et l’île de Phangan. Tandis que les brisants frappaient sur la coque fragile de l’embarcation, je m’imaginais déjà couler à pic tandis que la structure entière du bateau craquait dès qu’une vague était un peu trop forte. Je me suis juré qu’on ne m’y reprendrait pas, malgré une très belle journée passée dans les îles, en compagnie de petits singes sauvages et à me baigner dans une eau aussi chaude que ma douche… J’ai aimé aussi la ville de Thong Sala avec sa grande artère et le marché de nuit où l’on peut manger un pad thaï sur le bord du trottoir… Chaloklum sous une pluie battante, ville discrète où se dessèchent au soleil au bord de la route des milliers de seiches dont l’odeur âcre finit par prendre à la gorge. A Bangkok, je me plairai à nouveau à errer du coté du Wat Pho, de ses entrepôts cachés ou sur les quais du côté du Tha Thewet Pier, où grouillent des poissons-chat énormes dans l’eau grise et puante de la Chao Phraya, ou dans le quartier des vendeurs de Bouddhas que j’ai traversé en tuk-tuk au soleil couchant, ou encore le soir au Wat Suthat où j’ai discuté avec un moine qui m’a appris la différence entre les moines theravāda et les moines mahāyāna. Je retrouverai aussi l’ambiance anxieuse de l’attente dans les aéroports, une ambiance unique, fiévreuse, faite uniquement de passages, de transits, de couloirs traversés et de parcours fléchés. Des énormes comme Roissy ou Bangkok, de tout petits comme Ko Samui, d’où décollent les ATR 72 vrombissant dans la nuit chaude.
Je pars vendredi soir, le 3, pour rejoindre Bangkok (BKK) où je passerai la nuit près de l’aéroport. Je pourrai ainsi voir la lumière étrange du matin planer aux abords des pistes avant de repartir pour Chiang Mai (CNX) jusqu’au 8. Retour à Bangkok (BKK), jusqu’au 12, puis départ pour Ko Pha Ngan où j’arriverai en bateau en passant par Ko Samui (USM), jusqu’au 22. Retour à Bangkok pour 5 jours, d’où je pars le 27 pour Paris (CDG). Si tout va bien, vous aurez quelques nouvelles de moi si vous passez par Routes Croisées.
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