Dec 8, 2009 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Saint-Nicolas en Europe — 1

Dans une des plus septentrionales îles de la couronne des terres qui ceignent les Pays-Bas, Ameland, sur les terres frisonnes de l’Archipel des Wadden (Waddenzee), se perpétue une tradition directement issue du culte puissant que Saint-Nicolas a instillé dans l’Europe du Nord. Car si Nicolas est la plupart du temps représenté avec sa parure d’évêque, on oublie souvent qu’il était avant tout marin, alors face à l’Océan, on attend la venue du saint, de ses complices et de ses soldats, surgissant dans la nuit dans une symbolique de forces fécondantes.
Dès le soir du 5 décembre tombé, les hommes envahissent les rues, vêtus d’uniformes blancs en papier mâché et de masques volontairement innocents assurant un parfait anonymat, et emportent avec eux les jeunes hommes qui ont eu 18 ans dans l’année, dans une virée à vocation initiatique. Si on vire manu militari les étrangers et les touristes comme des malpropres, c’est littéralement pour conserver l’hermétisme de ces cérémonies, mais secrètement aussi pour ne pas éventer les abus qui sont permis aux hommes ce soir-là ; violences, combats, courses et alcool, tout est autorisé. C’est sans dire que les femmes se doivent de ne pas sortir dès lors que le cor a sonné, sans quoi elles seront pourchassées dans les rues et vivement rossées.

Sous cette exaltation poussée à l’extrême des valeurs masculines, on assiste en fait à un rite d’initiation des jeunes hommes pour leur entrée dans la vie des adultes. Cette entrée se fait la nuit, et dans l’anonymat. Si les femmes sont chassées, c’est pour préserver l’espace public, par définition masculin.
Une fois les hommes défoulés, ils pénètrent dans la demeure des femmes et simulent des violences sexuelles, avant de nocer avec force friandises et boissons.
Sur cette île battue par les vents de la Mer du Nord au paysage modelé par le déplacement des dunes de sable, on retrouve une communauté catholique, en plein bastion du protestantisme le plus radical, mais là ne se trouve certainement pas la raison de cette fête aux origines mal définies, mais il semblerait qu’on assiste à un savant mélange de rite cosmogonique avec la correspondance de la Saint-Nicolas avec le début de la période du repos des marins ; dans les contrées aux activités maritimes, les femmes tiennent le foyer et cette fête semble marquer le retour des hommes — et symboliquement, leur retour aux affaires en somme…
Localisation d’Ameland sur Google Maps.
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Nov 28, 2009 | Livres et carnets |
Tout commence comme une vaste blague ; une couverture qui nous avertit que ce que nous avons entre les mains n’est rien d’autre qu’une bande-dessinée, qu’elle ne cible absolument pas les enfants — des têtes d’enfants croquées sont barrées — et l’histoire qui débute avec des planches qu’on croirait faites par un débutant. Bottomless Belly Button (qu’on pourrait traduire par Nombril sans fond) se déroule dans une maison modeste au bord de la mer, avec une terrasse qu’il faut souvent débarrasser du sable qui l’encombre, et du sable, dans les parages, il y en a.
Les enfants de Patrick et Maggie sont venus leur rendre visite, et pour la dernière fois ils sont tous les deux, car ils ont décidé de divorcer alors qu’ils viennent d’avoir 70 ans. Claire, Dennis et Peter sont tous venus et chacun avec son histoire. Dennis est marié avec Aki et vient d’avoir un enfant, il est constamment angoissé. Claire elle, est venue avec sa fille, qu’elle a eu avec un artiste qui n’a jamais voulu assumer son rôle parce qu’il estimait n’en être pas capable. Peter ressemble à une grenouille et passe pour un être totalement absent. Son père dit même de lui qu’il l’aimerait certainement, si seulement il le connaissait.
Une semaine de vacances au bord de la mer et chacun révèle ses angoisses face à ce divorce qui arrive après quarante ans de mariage. Dennis est complètement flippé et cherche partout, dans les cartons et dans le passé de ses parents les preuves accablantes d’une liaison amoureuse, mais il ne trouve rien et désespère de trouver une réponse à ce qui n’est finalement que l’amour qui a pris la poudre d’escampette.
Toute l’œuvre fonctionne comme un opéra souvent silencieux, comme un théâtre d’ombres chinoises dans lequel on s’attend à des révélations de secrets de famille ou à des coups de théâtre somptueux, mais ce n’est — dans un sens, tant mieux — qu’une histoire sur la banalité confondante des gens simples et de leurs histoires qui se tissent et se détissent.
Une vraie bonne surprise, dessinée par un jeune illustrateur né en 1983, Dash Shaw, tenant en 720 pages, aux éditions ça et là.
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Sep 29, 2009 | Sur les portulans |
Une énorme tempête de poussières rouges venue du désert s’est abattue, mercredi 23 septembre, sur l’est de l’Australie, affectant particulièrement la vie des habitants de Sidney. […] Les services de secours ont fait état d’un grand nombre de cas de problèmes respiratoires. La visibilité ne dépassait pas deux à trois mètres dans certains endroits, a constaté la police. […] Considérée comme la pire du genre depuis les années 1940, cette tempête de sable s’est étendue sur 600 kilomètres, jusqu’à la côte de l’Etat du Queensland, au nord-est du pays, et pourrait même atteindre la Nouvelle-Zélande, selon des experts. (Source Le Monde).
On a beau dire, mais c’est quand-même rudement joli.

Toutes les photos de ce Red Dust, sur Flickr. A voir également sur le Sidney Morning Herald, et ici aussi.
Via PopAvenue et Pruned.
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Sep 20, 2009 | Sur les portulans |

C’est une petite ville comme ça posée sur une plage au bord de la France, dans l’hiver sombre d’un automne fatigué. C’est une petite ville à la splendeur passée où l’on sent le flottement d’une certaine noblesse décatie, et qui, dans un intervalle de temps révolu a dû connaître la désertion, l’abandon, période désormais terminée.
Cabourg, c’est une longue promenade sur des briques posées en quinconce, les planches, c’est bon pour Deauville et ses cabines de bain. Un peu plus loin c’est Trouville, avec son drôle de nom et ses petites rues discrètes, l’hôtel Saint-James, Rue de la Plage, avec ses dessus de lit brodés et ses baignoires aux pieds de lion. Au bout de la Rue des Bains, Houlgate et son mini-golf sur lequel je lorgnais depuis les larges baies vitrées de la location.
Cabourg c’est une ville un peu désuète mais qui a le charme et le caractère de ces endroits qu’on aime à tous les coups, sans réellement savoir pourquoi. La café Hastings, les jardins du Casino, la promenade Marcel Proust évidemment et le Grand Hôtel de Balbec.
Avant tout, ce que j’ai en moi de Cabourg, ce n’est même pas Cabourg, mais le long de ces plages immenses au sable fin, battues par l’eau froide de la Manche un peu plus vers l’ouest, au bout de la rue Malhène, et face à Brighton, la petite plage du Home ; un nom anglais au bord de la Normandie, le souvenir des soirées passées à arpenter le chemin où l’on sent l’odeur des plantes des dunes et surtout la plage à perte de vue vers le Havre, la baie de Seine et le Cotentin.
La douceur de vivre, les années douces, Marcel Proust dans son ensemble assis sur le bord de l’étagère me regarde effrontément, je te lorgne mon petit avec ta moustache tombante et tes joues roses.
Laissez-moi retourner à Cabourg et lire Proust n’importe où.

Photo © Ol.v!er [H2vPk] et Mateoone
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