Mar 9, 2010 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Sir Wilfred Patrick Thesiger a eu une chance folle. Tandis que son père Wilfred Gilbert exerce sa qualité de diplomate en Éthiopie au début du XXème siècle auprès du roi Ménélik II, le petit Wilfred Patrick nait dans une hutte traditionnelle aux alentours d’Addis-Abeba (አዲስ አበባ, nouvelle fleur en amharique). En 1930, après des études britanniques tout ce qu’il y a de plus conventionnelles, il retourne sur les terres abyssines pour la couronnement du nouveau Negusse Negest éthiopien, Ras Tafari Mekonnen, couronné sous le nom de Hailé Sélassié Ier (ቀዳማዊ ኃይለ ሥላሴ), où il est invité d’honneur. C’est de ce retour sur cette terre d’origine et d’une mission chez les féroces Danakils que naîtra une carrière d’explorateur bien remplie.
Durant cette période, il rapportera une ensemble de photographies d’un lieu absolument unique au monde, Lalibela (ላሊበላ). Située à 2 630 mètres d’altitude, la ville porte le nom du Négus de l’époque, Gebra Maskal Lalibela (1172 — 1212) qui avait fait du lieu sa capitale, remplaçant ainsi la belle et antique Aksoum (አክሱም). Le lieu n’a pas été choisi au hasard. On sait que le peuple éthiopien est en grande majorité de confession chrétienne orthodoxe, se disant à la fois fils de Makeda, Reine de Saba et du Roi Salomon. Aussi, sous la pression de l’expansion arabe sous le règne des Fatimides, Jérusalem est de plus en plus difficile à atteindre et ce lieu sera la nouvelle Jérusalem (la Jérusalem noire) en raison de sa topographie. Symboliquement, elle représentera la Terre Sainte.
En tout, ce sont onze églises construites de part et d’autre du Yordanos (on y entend Jourdain) dont les plus célèbres sont celles de Saint-Georges (Bete Giyorgis), Bete Medhane Alem et Bete Emmanuel. Leur particularité est d’avoir été creusées à même le roc sous le niveau du sol, ce qui implique le déplacement de milliers de tonnes de pierre. Elles ont toutes été percées dans ces immenses blocs, ce qui en fait le plus grand ensemble monolithique fonctionnel au monde. Si certaines sont construites dans un style traditionnel orthodoxe, d’autres comme Bete Emmanuel, la plus massive, reprennent une ornementation typiquement axoumite.
Thesiger a rapporté de ce lieu et d’Afrique quelques photographies (1960). Lalibela sur Google Maps.

Beta Giyorgis vu d’en haut

Beta Giyorgis vu d’en bas

Sculptures et polychromies de Bete Maryam

Sculptures et polychromies de Bete Maryam

Bet Medhane Alem
Les deux premières photos © Aluka, les trois suivantes © A. Davey.
Wilfred Thesiger, Visions d’un nomade, Plon, 1987, coll. Terre humaine.
Billet suivant: Sana’a et Shibam, au pays des mangeurs de qât, Wilfred Thesiger le nomade #3
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Feb 26, 2010 | Sur les portulans |
Sur la route de Datong en Chine, dans la province du Shanxi se trouve le monastère bouddhiste de Xuan Kong Si ou Heng Shang (localisation). Datant du VIIè siècle, il a été élevé sur la paroi à cinquante mètres du sol pour éviter les crues de la rivière qui se trouve en contrebas. Chef d’œuvre d’architecture aérienne, il semble reposer sur de fins piliers à peine posés sur la paroi, mais en réalité son entière structure repose sur un réseau d’énormes poutres en bois fichées horizontalement dans la paroi. Le paysage de vallée au pied du monastère contraste avec la verticalité de l’endroit et offre un panorama splendide sur les montagnes alentour.

Photo © EmmaG
Quelques photos assez impressionnantes ici.
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Jan 11, 2010 | Arts, Livres et carnets |
A partir de quel moment peut-on dire qu’un livre est une œuvre d’art ? Peut-on considérer un livre comme un oeuvre lorsque son contenu est digne d’une création artistique ou lorsque l’objet lui-même est une création ? Le Codex Argenteus est un livre, et en plus d’être une oeuvre d’art pour l’objet qu’il représente, c’est le premier témoignage écrit d’une langue aujourd’hui disparue, le Goth. A mes yeux son principal intérêt réside dans la couleur de ses feuilles.
Le Codex Argenteus, c’est ça:
Le Codex Argenteus, qui contient les Évangiles de Matthieu, Jean, Luc et Marc, dans cet ordre, a été préservé sans altérations. On pense que ce codex remarquable a été rédigé dans le scriptorium de Ravenne, au début du VIème siècle de notre ère. Son nom Codex Argenteus signifie “Livre d’argent”, car l’encre utilisée était d’argent. Les feuilles de parchemin étaient teintes de pourpre, ce qui semble indiquer que le manuscrit était destiné à une personnalité de la maison royale. Des lettres d’or agrémentent les trois premières lignes de chaque Évangile, ainsi que le début des différentes sections. Les noms des rédacteurs des Évangiles apparaissent aussi en lettres dorées en haut des quatre “arches” parallèles dessinées à la base de chaque colonne de texte. On y trouve des références à des versets analogues des Évangiles.
Le précieux Codex Argenteus a disparu après l’effondrement de la nation gothique. On l’a perdu de vue jusqu’au milieu du XVIème siècle, où il est retrouvé dans le monastère de Werden, près de Cologne, en Allemagne. Ce manuscrit a ensuite quitté Werden pour figurer dans la collection d’objets d’art de l’empereur, à Prague.
Cependant, à la fin de la guerre de Trente ans, en 1648, les Suédois victorieux l’ont emporté avec d’autres trésors. Depuis 1669, ce codex est conservé à la bibliothèque de l’université d’Uppsala, en Suède. Le Codex Argenteus était à l’origine composé de 336 feuilles, dont 187 se trouvent à Uppsala. Une autre feuille, la dernière de l’Évangile de Marc, a été découverte en 1970 à Spire, en Allemagne. Depuis le jour où le codex a été retrouvé, des philologues se sont mis à étudier les textes pour comprendre le gothique. À partir des autres manuscrits disponibles et grâce aux efforts qui avaient été faits précédemment pour restaurer le texte, le bibliste allemand Wilhelm Streitberg a compilé et publié en 1908 le livre “Die gotische Bibel” (La Bible en gothique), qui présente le texte grec en regard du gothique.
{Texte provenant de ce site}
Le texte date du VIè siècle et contient la traduction de l’abbé Wulfila (petit loup) des Évangiles, rédigée au IVè siècle, en langue gothique. La longue histoire de son voyage est un périple qu’aucun humain n’aurait aimé vivre. Le texte entier a été scanné et vous pourrez retrouver l’intégralité des feuillets sur ce site.

Billet publié initialement le 8 juillet 2005 sur brindilles.net
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Dec 28, 2009 | Eclairs de génie |
Pour tout savoir sur Saint-Nicolas, un site lui est entièrement consacré. On vous dira même comment fêter la Saint-Nicolas comme il se doit. Saint-Nicholas Center.

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Dec 17, 2009 | Passerelle |
Saint-Nicolas en Europe — 2
Küssnacht est une petite ville du canton de Schwytz (canton aux très belles armoiries), au bord du lac des Quatre Cantons dans laquelle se déroule une étrange procession, le soir du 5 décembre, la veille de la Saint-Nicolas ; le Klausjagen, ou chasse au Nicolas.
Le cortège s’annonce, sortant de la nuit, par le claquement secs dans l’air froid de ceux qu’on appelle les fouettards, leurs fouets frôlant la tête des spectateurs et chassant symboliquement les mauvais esprits.
Viennent ensuite les Iffelträger, personnages enchanteurs habillés de blanc et ceints de rouge et compagnons du Saint. Sur leur tête, ils portent des mitres de carton ciselé (Iffelen), ornés à la manière des vitraux et éclairés de l’intérieur, mettant en valeur l’image de Nicolas toujours représenté au centre du décor. Le cortège lumineux et superbe annonce l’arrivée du Saint accompagné de ses compagnons les croquemitaines.
Le cortège est clos par une nuée d’hommes faisant tinter leurs clarines et d’autres sonnant du cor dans un vacarme assourdissant.

Photo © Daylife
La signification de cette délégation, c’est la tradition de la vénération de Saint-Nicolas mêlée à des scènes de l’Apocalypse, la lumière puis le vacarme des cors… Toute la nuit, on ripaille, on boit et on chante jusqu’au lever du jour, car il faut échanger pour ce jour nouveau des vœux de fertilité, de santé et de bonheur. Ce qui est fêté ici la veille de la Saint-Nicolas, c’est un rituel précoce de passage à la nouvelle année, dans lequel on extirpe de la nuit les forces malfaisantes pour les amener vers la lumière et les prier de venir en aide aux hommes.
Curieux syncrétisme religieux, cette fête associe la tradition liturgique chrétienne, le culte du soleil, celui du dieu taureau Mithra et les traditions mythologiques alpines et germaniques. La présence forte de la lumière est également associable à la purification solsticiale. Si les origines de cette fêtes restent finalement obscures et diverses, on trouve peut-être une explication dans le nom de la ville ; Rigi. Rigi vient de Rigidus Mons, Reine des Montagnes qui depuis le temps des Celtes s’élevant face à la ville est un lieu hautement symbolique, véritable observatoire du soleil levant.
- Localisation de Küssnacht am Rigi sur Google Maps.
- Une vidéo sur Youtube montrant les fouettards et les sonneurs de clarines.
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