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Codex Argen­teus ou la Bible d’Argent

codex argenteus A par­tir de quel moment peut-on dire qu’un livre est une œuvre d’art ? Peut-on consi­dé­rer un livre comme un oeuvre lorsque son conte­nu est digne d’une créa­tion artis­tique ou lorsque l’ob­jet lui-même est une créa­tion ? Le Codex Argen­teus est un livre, et en plus d’être une oeuvre d’art pour l’ob­jet qu’il repré­sente, c’est le pre­mier témoi­gnage écrit d’une langue aujourd’­hui dis­pa­rue, le Goth. A mes yeux son prin­ci­pal inté­rêt réside dans la cou­leur de ses feuilles.

Le Codex Argen­teus, c’est ça:

Le Codex Argen­teus, qui contient les Évan­giles de Mat­thieu, Jean, Luc et Marc, dans cet ordre, a été pré­ser­vé sans alté­ra­tions. On pense que ce codex remar­quable a été rédi­gé dans le scrip­to­rium de Ravenne, au début du VIème siècle de notre ère. Son nom Codex Argen­teus signi­fie “Livre d’argent”, car l’encre uti­li­sée était d’argent. Les feuilles de par­che­min étaient teintes de pourpre, ce qui semble indi­quer que le manus­crit était des­ti­né à une per­son­na­li­té de la mai­son royale. Des lettres d’or agré­mentent les trois pre­mières lignes de chaque Évan­gile, ain­si que le début des dif­fé­rentes sec­tions. Les noms des rédac­teurs des Évan­giles appa­raissent aus­si en lettres dorées en haut des quatre “arches” paral­lèles des­si­nées à la base de chaque colonne de texte. On y trouve des réfé­rences à des ver­sets ana­logues des Évangiles.

Le pré­cieux Codex Argen­teus a dis­pa­ru après l’effondrement de la nation gothique. On l’a per­du de vue jusqu’au milieu du XVIème siècle, où il est retrou­vé dans le monas­tère de Wer­den, près de Cologne, en Alle­magne. Ce manus­crit a ensuite quit­té Wer­den pour figu­rer dans la col­lec­tion d’objets d’art de l’empereur, à Prague.

Cepen­dant, à la fin de la guerre de Trente ans, en 1648, les Sué­dois vic­to­rieux l’ont empor­té avec d’autres tré­sors. Depuis 1669, ce codex est conser­vé à la biblio­thèque de l’université d’Uppsala, en Suède. Le Codex Argen­teus était à l’origine com­po­sé de 336 feuilles, dont 187 se trouvent à Upp­sa­la. Une autre feuille, la der­nière de l’Évangile de Marc, a été décou­verte en 1970 à Spire, en Alle­magne. Depuis le jour où le codex a été retrou­vé, des phi­lo­logues se sont mis à étu­dier les textes pour com­prendre le gothique. À par­tir des autres manus­crits dis­po­nibles et grâce aux efforts qui avaient été faits pré­cé­dem­ment pour res­tau­rer le texte, le bibliste alle­mand Wil­helm Streit­berg a com­pi­lé et publié en 1908 le livre “Die gotische Bibel” (La Bible en gothique), qui pré­sente le texte grec en regard du gothique.

{Texte pro­ve­nant de ce site}

Le texte date du VIè siècle et contient la tra­duc­tion de l’ab­bé Wul­fi­la (petit loup) des Évan­giles, rédi­gée au IVè siècle, en langue gothique. La longue his­toire de son voyage est un périple qu’au­cun humain n’au­rait aimé vivre. Le texte entier a été scan­né et vous pour­rez retrou­ver l’inté­gra­li­té des feuillets sur ce site.

Codex Argenteus

Billet publié ini­tia­le­ment le 8 juillet 2005 sur brindilles.net

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Klaus­ja­gen à Küss­nacht am Rigi

Saint-Nico­las en Europe — 2

Küss­nacht est une petite ville du can­ton de Schwytz (can­ton aux très belles armoi­ries), au bord du lac des Quatre Can­tons dans laquelle se déroule une étrange pro­ces­sion, le soir du 5 décembre, la veille de la Saint-Nico­las ; le Klaus­ja­gen, ou chasse au Nicolas.
Le cor­tège s’an­nonce, sor­tant de la nuit, par le cla­que­ment secs dans l’air froid de ceux qu’on appelle les fouet­tards, leurs fouets frô­lant la tête des spec­ta­teurs et chas­sant sym­bo­li­que­ment les mau­vais esprits.
Viennent ensuite les Iffel­trä­ger, per­son­nages enchan­teurs habillés de blanc et ceints de rouge et com­pa­gnons du Saint. Sur leur tête, ils portent des mitres de car­ton cise­lé (Iffe­len), ornés à la manière des vitraux et éclai­rés de l’in­té­rieur, met­tant en valeur l’i­mage de Nico­las tou­jours repré­sen­té au centre du décor. Le cor­tège lumi­neux et superbe annonce l’ar­ri­vée du Saint accom­pa­gné de ses com­pa­gnons les croquemitaines.
Le cor­tège est clos par une nuée d’hommes fai­sant tin­ter leurs cla­rines et d’autres son­nant du cor dans un vacarme assourdissant.

Klausjagen à Küssnacht am Rigi

Pho­to © Day­life

La signi­fi­ca­tion de cette délé­ga­tion, c’est la tra­di­tion de la véné­ra­tion de Saint-Nico­las mêlée à des scènes de l’A­po­ca­lypse, la lumière puis le vacarme des cors… Toute la nuit, on ripaille, on boit et on chante jus­qu’au lever du jour, car il faut échan­ger pour ce jour nou­veau des vœux de fer­ti­li­té, de san­té et de bon­heur. Ce qui est fêté ici la veille de la Saint-Nico­las, c’est un rituel pré­coce de pas­sage à la nou­velle année, dans lequel on extirpe de la nuit les forces mal­fai­santes pour les ame­ner vers la lumière et les prier de venir en aide aux hommes.
Curieux syn­cré­tisme reli­gieux, cette fête asso­cie la tra­di­tion litur­gique chré­tienne, le culte du soleil,  celui du dieu tau­reau Mithra et les tra­di­tions mytho­lo­giques alpines et ger­ma­niques. La pré­sence forte de la lumière est éga­le­ment asso­ciable à la puri­fi­ca­tion sol­sti­ciale. Si les ori­gines de cette fêtes res­tent fina­le­ment obs­cures et diverses, on trouve peut-être une expli­ca­tion dans le nom de la ville ; Rigi. Rigi vient de Rigi­dus Mons, Reine des Mon­tagnes qui depuis le temps des Celtes s’é­le­vant face à la ville est un lieu hau­te­ment sym­bo­lique, véri­table obser­va­toire du soleil levant.

  • Loca­li­sa­tion de Küss­nacht am Rigi sur Google Maps.
  • Une vidéo sur You­tube mon­trant les fouet­tards et les son­neurs de clarines.
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Sun­derk­laas à Ameland

Saint-Nico­las en Europe — 1

Dans une des plus sep­ten­trio­nales îles de la cou­ronne des terres qui ceignent les Pays-Bas, Ame­land, sur les terres fri­sonnes de l’Ar­chi­pel des Wad­den (Wad­den­zee), se per­pé­tue une tra­di­tion direc­te­ment issue du culte puis­sant que Saint-Nico­las a ins­til­lé dans l’Eu­rope du Nord. Car si Nico­las est la plu­part du temps repré­sen­té avec sa parure d’é­vêque, on oublie sou­vent qu’il était avant tout marin, alors face à l’O­céan, on attend la venue du saint, de ses com­plices et de ses sol­dats, sur­gis­sant dans la nuit dans une sym­bo­lique de forces fécondantes.
Dès le soir du 5 décembre tom­bé, les hommes enva­hissent les rues, vêtus d’u­ni­formes blancs en papier mâché et de masques volon­tai­re­ment inno­cents assu­rant un par­fait ano­ny­mat, et emportent avec eux les jeunes hommes qui ont eu 18 ans dans l’an­née, dans une virée à voca­tion ini­tia­tique. Si on vire manu mili­ta­ri les étran­gers et les tou­ristes comme des mal­propres, c’est lit­té­ra­le­ment pour conser­ver l’her­mé­tisme de ces céré­mo­nies, mais secrè­te­ment aus­si pour ne pas éven­ter les abus qui sont per­mis aux hommes ce soir-là ; vio­lences, com­bats, courses et alcool, tout est auto­ri­sé. C’est sans dire que les femmes se doivent de ne pas sor­tir dès lors que le cor a son­né, sans quoi elles seront pour­chas­sées dans les rues et vive­ment rossées.

ameland

Sous cette exal­ta­tion pous­sée à l’ex­trême des valeurs mas­cu­lines, on assiste en fait à un rite d’i­ni­tia­tion des jeunes hommes pour leur entrée dans la vie des adultes. Cette entrée se fait la nuit, et dans l’a­no­ny­mat. Si les femmes sont chas­sées, c’est pour pré­ser­ver l’es­pace public, par défi­ni­tion masculin.
Une fois les hommes défou­lés, ils pénètrent dans la demeure des femmes et simulent des vio­lences sexuelles, avant de nocer avec force frian­dises et boissons.
Sur cette île bat­tue par les vents de la Mer du Nord au pay­sage mode­lé par le dépla­ce­ment des dunes de sable, on retrouve une com­mu­nau­té catho­lique, en plein bas­tion du pro­tes­tan­tisme le plus radi­cal, mais là ne se trouve cer­tai­ne­ment pas la rai­son de cette fête aux ori­gines mal défi­nies, mais il sem­ble­rait qu’on assiste à un savant mélange de rite cos­mo­go­nique avec la cor­res­pon­dance de la Saint-Nico­las avec le début de la période du repos des marins ; dans les contrées aux acti­vi­tés mari­times, les femmes tiennent le foyer et cette fête semble mar­quer le retour des hommes — et sym­bo­li­que­ment,  leur retour aux affaires en somme…

Loca­li­sa­tion d’A­me­land sur Google Maps.

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