Kubla Khan

Lorsque Samuel Tay­lor Cole­ridge écri­vit Kubla Khan, il était cer­tai­ne­ment sous l’emprise de l’o­pium qu’il pre­nait pour com­battre la dou­leur liée à la dys­en­te­rie, c’est peut-être cela qui en fait un des plus grands poèmes romantiques…

In Xana­du did Kubla Khan
A sta­te­ly plea­sure-dome decree :
Where Alph, the sacred river, ran
Through caverns mea­su­re­less to man
Down to a sun­less sea.
So twice five miles of fer­tile ground
With walls and towers were gird­led round :
And there were gar­dens bright with sinuous rills,
Where blos­so­med many an incense-bea­ring tree ;
And here were forests ancient as the hills,
Enfol­ding sun­ny spots of greenery.


Rudyard Kipling a dit des vers qui suivent : « De tous les mil­lions de vers pos­sibles, il n’y en a pas plus de cinq — cinq petites lignes — dont on puisse dire : « Ceux-là sont de la magie. Ceux-là sont de la vision. Le reste n’est que de la poé­sie ». Les deux autres vers aux­quels il se réfé­rait appar­tiennent à Keats (Ode to a Nigh­tin­gale). »

A savage place! as holy and enchanted
As e’er beneath a waning moon was haunted
By woman wai­ling for her demon-lover!

Lieu sau­vage ! Lieu sacré et d’envoûtement
Comme jamais sous la lune en déclin ne fut hanté
Par femme lamen­tant pour son amant diabolique !

Source Wiki­pe­dia.

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Sen­sa­tion d’un matin assoupi

Le matin se lève sur un ciel fou, bario­lé d’o­ranges qu’on ne connait pas. J’ouvre les rideaux pour me repaître de ces lumières qui me réchauffent et je m’as­sou­pis dans un rêve marin aux allures rayon­nantes de voyage immo­bile, ne me répé­tant les mots de ce poème qu’une fois déjà loin…

Par les soirs bleus d’é­té, j’i­rai dans les sentiers,
Pico­té par les blés, fou­ler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sen­ti­rai la fraî­cheur à mes pieds.
Je lais­se­rai le vent bai­gner ma tête nue.

Je ne par­le­rai pas, je ne pen­se­rai rien :
Mais l’a­mour infi­ni me mon­te­ra dans l’âme,
Et j’i­rai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, — heu­reux comme avec une femme.

Sen­sa­tion, Arthur Rim­baud, 1870

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Kim Høl­ter­mand

Rares sont les pho­to­graphes qui s’ex­priment comme des poètes, dans un jeu de lumières et de ténèbres, dans une métrique simple et une dou­ceur presque lugubre. Il y a de l’é­cole de Düs­sel­dorf dans ces cli­chés d’une sobrié­té enva­his­sante, une âme per­sis­tante, dans un écrin luxueux. Kim Høl­ter­mand.

Via Hip­po­lyte Bayard

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Avant que la terre ne des­sine mol­le­ment ta forme de sa main fouisseuse

Dès la pre­mière lec­ture, cer­taines dédi­caces vous pro­mettent des voyages dont on ne revient pas indemnes. Pour la deuxième fois de ma vie, je tente de me replon­ger dans les lignes sombres de Les sept piliers de la sagesse, l’œuvre sublime de Tho­mas Edward Law­rence dont j’ai inter­rom­pu la lec­ture la pre­mière fois parce que j’ai don­né mon livre à un ami. J’en avais oublié la dédi­cace, poème superbe écrit par l’au­teur à l’at­ten­tion d’un ami dis­pa­ru (cer­tai­ne­ment Sheikh Ahmed connu aus­si sous le nom de Dahoum), un texte en forme de pro­gramme qui donne toute l’en­ver­gure du per­son­nage, à la fois pas­sion­né, méga­lo­mane très cer­tai­ne­ment et char­gé d’une puis­sance à la hau­teur du désert qui l’ac­com­pa­gna une par­tie de sa vie. Sur ce visage solaire, rayon­nant, figé, ne trans­pa­rurent jamais les sca­ri­fi­ca­tions d’une souf­france inté­rieure qui ne put être sou­la­gée que dans les mots de cette œuvre magis­trale, et dans une vie en tous points mar­gi­nale, qui se ter­mi­na au détour d’un virage sur la moto qu’il avait sur­nom­mé George VII, alors qu’il ten­tait d’é­vi­ter deux cyclistes.

à S.A.

Parce que je t’aimais
J’ai pris dans mes mains ces marées d’hommes ;
Avec les étoiles qui le sillonnaient,
Sur le ciel, j’é­cri­vis ma volonté.
A ce prix, j’ob­tins pour toi la liberté,
Demeure sacrée aux sept piliers :
Ain­si tes yeux brillaient-ils pour moi
A mon arrivée.

En route j’eus pour ser­vante la mort.
Nous appro­châmes et t’a­per­çûmes qui attendais.
A la vue de ton sou­rire, pleine d’en­vie et de larmes,
Elle me devan­ça, te prit à part,
Te fit péné­trer dans sa paix.

L’a­mour, las du che­min, aveugle, s’a­van­ça vers toi pour te toucher,
Notre salaire en ce bref instant,
Avant que la terre ne des­sine mollement
Ta forme de sa main fouisseuse,
Que les vers sans yeux ne s’en­graissent de ton corps.

A la prière des hommes j’é­di­fiai notre œuvre,
La mai­son inviolée,
En sou­ve­nir de toi.
Pour­tant je mis en pièces ce monu­ment indigne
Avant de l’achever.
Voi­ci que main­te­nant les créa­tures infimes, timi­de­ment sortent
Se hour­der des masures
Dans l’ombre souillée de mon offrande.

Tho­mas Edward Law­rence, les sept piliers de la sagesse
Tra­duc­tion de Renée et André Guillaume, Livre de Poche col­lec­tion Pochotèque
(more…)

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Mini­ma­liste du same­di matin #3

DistanceJe me répète sou­vent comme pour se récon­for­ter que je suis bien dans mon blog — signe des temps et concept moderne, on n’est plus “bien dans sa tête”, ou “bien dans ses bas­kets” (ça fait exces­si­ve­ment 80’s), désor­mais on est bien dans son blog — que j’y trouve un cer­tain équi­libre en ne suc­com­bant pas devant les affres de la faci­li­té et en réus­sis­sant tout de même à embar­quer avec moi un petit nombre de lec­teurs plus ou moins visibles. C’est avec une cer­taine joie que ce matin je le retrouve pour ma mini­ma­liste, après une soi­rée courte et fati­gante, faite de ravio­lis, de gin et de limo­nade pour boire à rien, de quelques lapins cré­tins et d’une émis­sion d’Arte, sur la rura­li­té en Alle­magne — j’ai vu une vache mettre bas et un ber­ger jouer du fouet (et un homme dire Heu­reu­se­ment que l’eau tombe vers le bas, si elle tom­bait vers le haut, ça débor­de­rait…) — et enfin de quelques lignes de la Mer de la Tran­quilli­té, du qué­bé­cois Syl­vain Tru­del. Un jour, je vous dirai.

 

Le soleil ce matin emplit mon appar­te­ment et le réchauffe de sa nuit ter­ro­ri­sante. Je me répète à l’in­fi­ni ces lignes du poète Pes­soa, lita­nie des temps anciens, ode dio­ny­siaque ou chant dédié à Pan…

Le clair de lune à tra­vers les branches hautes,
Ils disent les poètes, tous les poètes, qu’il est davantage
Que le clair de lune à tra­vers les branches hautes.

Mais pour moi, qui ne sais pas ce que je pense,
Ce que le clair de lune à tra­vers les branches hautes
Est, en plus d’être
Le clair de lune à tra­vers les branches hautes
(Ain­si que je le dis, puis­sé-je aus­si l’entendre)
C’est qu’il n’est rien de plus
Que le clair de lune à tra­vers les branches hautes.

Fer­nan­do Pes­soa, le Gar­deur de trou­peaux, XXXV

PS: ce matin, il fait 23°C à Assouan, en Nubie.
PPS: en forme de mes­sage per­so, je vais cher­cher ma voiture…

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