La dou­ceur de vivre de Carl Larsson

Peintre connu pour ses aqua­relles, le Sué­dois Carl Lars­son s’est éga­le­ment illus­tré dans la déco­ra­tion d’in­té­rieur, pas­sion qu’il fit par­ta­ger en pei­gnant des scènes de sa propre mai­son, la célèbre mai­son rouge de Sund­born. Sen­suel et cha­leu­reux, d’o­ri­gine modeste, il fait par­tie de ces artistes pro­fes­sion­nels dont les reve­nus de l’ac­ti­vi­té arri­vaient à sub­ve­nir aux besoins de sa famille, ce qui fit de lui quel­qu’un de pro­fon­dé­ment indé­pen­dant. Monu­ment natio­nal en Suède, il incarne la dou­ceur de vivre des jours de l’en­fance, mais éga­le­ment le quo­ti­dien sous toutes ses formes et sur­tout les tra­di­tions popu­laires sué­doises comme la fête de Sainte Lucie et Jul, le Noël suédois.
J’ai dépo­sé en ligne une gale­rie de ses œuvres les plus repré­sen­ta­tives sur ce site.

Por­trait de sa fille Brit­ta en cos­tume d’Iðunn

  1. De très nom­breuses œuvres de Lars­son clas­sées par thèmes
  2. Lis­beth et la neige (billet sur ce site)
  3. Madame Lars­son (billet sur ce site)
  4. Loca­li­sa­tion de la mai­son de Sund­born sur Google Maps

 

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Moka au bar en lisant les Méta­mor­phoses d’O­vide, quelque part entre deux rêves, ou dans un rêve

Je ne me rap­pelle même plus à quelle occa­sion j’ai com­man­dé un moka au bar du Bana­na Moka Night Café, mais c’é­tait sur les rives d’un rêve bor­dé d’une man­grove pro­fonde et téné­breuse, où les palé­tu­viers fron­deurs fouis­saient de leurs doigts fins la terre d’ocre, boueuse et col­lante. L’air était moite, les saveurs humides, l’ombre me man­geait le visage.

Sur les rives d’un autre rêve, je me suis per­du sous les murs de l’en­ceinte majes­tueuse du monas­tère des Hié­ro­ny­mites, celui-là même qui fut finan­cé par l’argent des échanges com­mer­ciaux du Por­tu­gal du XVIè siècle sur les nou­velles routes qui venaient de s’ou­vrir avec les Moluques (Jazi­rat al Muluk) et notam­ment du com­merce des épices, flo­ris­sant en d’autres temps.

Monastère des Hiéronymites (Lisbonne)

Je cherche dans ma boîte mail les mails d’une femme qui ne m’é­crit pas.
Je passe l’as­pi­ra­teur et je me brûle les doigts avec les verres chauds qui sortent du lave-vaisselle.

Un matin de jan­vier, un matin froid qui sort tout droit de l’an­née d’a­vant, je me retrouve dans un petit vil­lage du Vexin, sans même un com­merce, rien d’autre qu’un res­tau­rant et des tour­te­relles qui rou­coulent dans le vent gla­cial, rien d’autre alen­tour que des champs plats à perte de vue, un hori­zon uni­que­ment bri­sé par la pré­sence d’un silo bête­ment plan­té au milieu de nulle part. J’aime la lumière de ces jours sans espoir, de ces ondes qui par­courent le sol sous mes pieds. Je m’ar­rête en plein milieu de nulle part. Au loin une petite église dont je décide de m’ap­pro­cher à pas mesu­rés. Elle sent l’hu­mi­di­té, la cam­pagne, la sou­ris cre­vée, la paille. Ses trot­toirs sont sales, la rue recou­verte de neige. Pas un bruit. Les tour­te­relles se sont tues. Nulle âme qui vit ici, je pré­fère repar­tir avant de me lais­ser happer.

Champs sous la neige

Lorsque le réveil sonne, je suis encore fati­gué. C’est même sur­pre­nant que je ne sois pas réveillé avant qu’il ne se mette à sonner.
Il fait calme. Je rêve d’un air frais et pur.
Existe-t-il une rai­son pour laquelle j’ou­blie par­fois ce qui s’est pas­sé pen­dant tout une jour­née ? Je me dis que l’ou­bli a quelque chose à voir avec la volon­té d’oublier.

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Ripples

Les jours passent, deviennent froids, puis se réchauffent, la pluie tombe et le sol sèche, on joue à cache-cache avec ses propres vête­ments, ne sachant plus s’il faut se cou­vrir à l’in­té­rieur ou se décou­vrir à l’ex­té­rieur. L’en­vie s’en va, les yeux se brouillent, la fatigue sur­prend et on me tape sur l’é­paule ; je m’é­tais endor­mi, une fois de plus.
Il s’al­longe dans son petit lit sous sa couette gon­flée, je caresse sa joue ronde, celui qu’on dit tant me res­sem­bler. Une fois de plus, ce soir, il a lu un pas­sage des Méta­mor­phoses d’O­vide parce que j’ai pris l’ha­bi­tude de lui en lire un extrait le soir avant de dor­mir, alors il me demande son dic­tion­naire de mytho­lo­gie (Michael Grant et John Hazel) et lit ces lignes qui me font sou­rire, à l’en­trée Acca Laren­tia :

Femme du ber­ger Faus­tu­lus, qui trouve les jumeaux aban­don­nés Romu­lus et Rémus et les éle­va. Parce que les enfants avaient été éle­vés par une louve, Acca fut appe­lée lupa, ce qui, en latin, signi­fie “pros­ti­tuée” et “louve”. Acca est aus­si nom­mé Fau­la ou Fabu­la, autre nom pour les filles de joie en latin.

Allez faire com­prendre ça à un gamin de huit ans…

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Une année comme une étoile, les traces de pas dans la neige

A l’heure du matin où j’ouvre d’or­di­naire les yeux, il n’y avait cette fois-ci que les ténèbres froides, l’es­prit embru­mé par les vapeurs de l’ombre. Au dehors déjà, la nuit conti­nuait de tom­ber fine­ment comme des pous­sières pous­sées par le vent et je n’ar­ri­vais tou­jours pas à me sor­tir du sommeil.
Dehors, il nei­geait encore comme au pre­mier matin. La neige est comme un écrin sur une ville qui mérite par­fois de revê­tir ses plus beaux atours, un pur moment de grâce, ce qui par essence ne sera jamais per­ma­nent. Bien sûr pour voir ceci, il ne faut pas avoir per­du sa naï­ve­té, avoir su gar­der son cœur pur. Gar­der son cœur pur…
Au len­de­main soir du len­de­main, le ciel avait bleui, exha­lant de sa nuit gla­ciale les cou­leurs d’une gar­ni­son d’étoiles.
Au matin du len­de­main, le ciel avait rosi de nuées grises crê­tées de taches jaunes du reflet du soleil et au len­de­main de ce matin, le ciel avait repris des cou­leurs de marbre cipo­lin.
L’an­née a pas­sé comme une étoile, une étoile noire et néfaste, une année de déchi­re­ments. Je ne vou­lais pas lais­ser de traces et pour­tant, les traces de pas dans la neige qui mènent jus­qu’à la pierre sont les miennes.

Lampe marocaine sous la neige

Que cette année se ter­mine enfin, que je passe à autre chose.

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La neige à tra­vers la brume

Snow

La neige à tra­vers la brume
Tombe et tapisse sans bruit
Le che­min creux qui conduit
À l’é­glise où l’on allume
Pour la messe de minuit.

Londres sombre flambe et fume :
Ô la chère qui s’y cuit
Et la bois­son qui s’ensuit !
C’est Christ­mas et sa coutume
De minuit jus­qu’à minuit.

Sur la plume et le bitume,
Paris bruit et jouit.
Ripaille et Plai­sant Déduit
Sur le bitume et la plume
S’exas­pèrent dès minuit.

Le malade en l’amertume
De l’hos­pice où le poursuit
Un espoir tou­jours détruit
S’é­pou­vante et se consume
Dans le noir d’un long minuit…

La cloche au son clair d’enclume
Dans la tour fine qui luit,
Loin du péché qui nous nuit,
Nous appelle en grand costume
A la messe de minuit.

Paul Ver­laine (1844–1896)

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