Le récit du Gange à la lumière du Râmâyana

Le récit du Gange à la lumière du Râmâyana

La lec­ture est un souffle qui nous trans­porte sur des rivages dont on ne voit pas tou­jours les contours, mais finit tou­jours par nous faire tou­cher terre, et cer­tains livres arrivent là un peu par hasard, sans qu’on en com­prenne vrai­ment la raison.

Lors de ce voyage en Thaï­lande, je me suis plon­gé à corps per­du dans la lec­ture d’un livre sacré : le Râmâya­na. Épo­pée fon­da­men­tale dans la reli­gion hin­doue, c’est un long poème rela­tant la voie de Rama, au sens de par­cours. Quel rap­port entre la Thaï­lande et le Râmâya­na ? Une longue his­toire à laquelle les gens sont atta­chés dans tout le bas­sin de l’A­sie du sud-est, et ce, jus­qu’à Bali, îlot hin­douiste au cœur du plus grand pays musul­man du monde. Pour­tant la Thaï­lande est majo­ri­tai­re­ment boud­dhiste, mais le boud­dhisme et l’hin­douisme ne sont pas très éloi­gnés, puisque le Boud­dha Sha­kya­mu­ni, Sid­dhār­tha Gau­ta­ma, est un per­son­nage dont l’exis­tence est attes­tée ; né sur la route de Kapi­la­vas­tu, à Lum­bi­ni exac­te­ment, entre 1029 et 383 av; J.-C. dans l’ac­tuel Népal, il passe une grande par­tie de sa vie en Inde du Nord. La dif­fu­sion de la pen­sée qui devien­dra reli­gion majo­ri­taire en Asie du sud-est (de la Chine au Japon, et de la Mon­go­lie à la Malai­sie) prend donc ses sources en Inde, et même au cœur de la reli­gion hin­douiste. Aucun para­doxe dans tout cela. Le boud­dhisme, long­temps consi­dé­ré comme une reli­gion déviante de la part des hin­dous, a été au centre d’une longue période ico­no­claste, pen­dant laquelle les visages du Boud­dha ont été buri­nés, les têtes fra­cas­sées, les corps pilon­nés. Aujourd’­hui, les intri­ca­tions des deux reli­gions ne sont plus consi­dé­rées que comme naturelles…

Il faut noter éga­le­ment que l’ac­tuelle dynas­tie régnante de Thaï­lande (l’ac­tuel roi Bhu­mi­bol Adu­lya­dej, Rama IX, est le sou­ve­rain qui a régné le plus long­temps jus­qu’à pré­sent puis­qu’il est sur le trône depuis plus de 70 ans), les Cha­kri, portent tous le nom dynas­tique de Rama, depuis 1782, et que le pre­mier sou­ve­rain de la dynas­tie, Rama Ier (Bud­dha Yod­fa Chu­la­loke) a réécrit l’é­po­pée du Râmâya­na pour la trans­po­ser dans le contexte thaï­lan­dais sous le nom de Rama­kien.

Alors ce fameux Râmâya­na, que j’ai retrou­vé dans les danses bali­naises des palais d’Ubud ou dans les ruines de Pram­ba­nan, sur les murs des temples thaï­lan­dais ou dans les ruelles sombres de Bang­kok où l’on arrive encore à trou­ver de très beaux masques en bois à l’ef­fi­gie du roi Ramā et de sa femme Sītā, du singe Hanumān et du démon Rāvaṇa, et encore à plu­sieurs reprises dans les masques et les repré­sen­ta­tions en terre cuite du Suan Pak­kad Palace, qu’est-ce exac­te­ment ? C’est un récit mytho­lo­gique autour d’un per­son­nage qui a peut-être exis­té, un poème fai­sant par­tie de la tra­di­tion orale hin­douiste et dans lequel est rela­tée la vie pour le moins tour­men­tée du prince Ramā qui n’est autre que le sep­tième ava­tar du dieu Vish­nu. Mis à part le fait que le récit qu’en livre Serge Démé­trian au tra­vers de la ver­sion qu’il a rédi­gée est d’une lec­ture tout à fait agréable, le Râmâya­na est un mythe au tra­vers duquel sont mis en lumière les quatre buts de la vie pour tout hin­douiste (Puruṣār­tha), c’est à dire :

  • Dhar­ma : le sens du devoir et de la jus­tice, le sens moral, la loi et la ver­tu, c’est ce qui est à l’o­ri­gine de l’har­mo­nie universelle.
  • Artha : injus­te­ment tra­duit par­fois sous le terme de richesse, il s’a­git plu­tôt de faire en sorte de main­te­nir ses moyens de sub­sis­tances et de les faire évo­luer, ce qui implique la sécu­ri­té finan­cière plu­tôt que l’enrichissement.
  • Kama : la recherche du plai­sir, de l’é­mo­tion esthé­tique, de la beau­té. Il n’y a dans ce terme aucune conno­ta­tion sexuelle. Le Kama qui vio­le­rait le Dhar­ma et l’Ar­tha empê­che­rait d’at­teindre le Moksha.
  • Mok­sha : la libé­ra­tion finale, la déli­vrance du cycle des réin­car­na­tions, mais on peut y entendre éga­le­ment le fait de se réa­li­ser soi-même et de s’é­man­ci­per des tutelles extérieures.

Selon la tra­di­tion, ce livre a été écrit par le poète indien Vâl­mî­ki, lequel se met lui-même en scène dans le récit puis­qu’il devient le pré­cep­teur des deux enfants de Ramā. La rédac­tion du livre est esti­mée de manière assez peu sure entre 500 et 100 avant J.-C. et com­porte sept par­ties distinctes :

  1. Bâla­kân­da (बालकाण्डम्) ou le Livre de la jeunesse
  2. Ayod­hyâ­kân­da (अयोध्याकाण्डम्) ou le Livre d’Ayodhyâ
  3. Ara­nya­kân­da (अरण्यकाण्डम्) ou le Livre de la forêt
  4. Kish­kind­hâ­kân­da (किष्किन्धाकाण्डम्) ou le Livre de Kish­kind­hâ (le royaume des singes)
  5. Sun­da­ra­kân­da (सुन्दरकाण्डम्) ou le Livre de Sun­da­ra (un autre nom d’Hanuman)
  6. Yud­dha­kân­da (युद्धकाण्डम्) ou le Livre de la guerre (de Lanka)
  7. Utta­ra­kân­da (उत्तरकाण्डम्) ou le Livre de l’au-delà

Si la lec­ture de ce très grand livre m’a empor­té pen­dant une bonne par­tie de mes vacances, elle m’a per­mis éga­le­ment d’a­voir un sujet de dis­cus­sion sup­plé­men­taire avec plu­sieurs per­sonnes tout à fait éton­nées que je puisse ne serait-ce que connaître les noms de Phra Ramā et de Sītā. J’y ai éga­le­ment trou­vé le très beau récit de la dérive du Gange que je repro­duis ici, issu du pre­mier livre (Bâla­kân­da), qui nous per­met de com­prendre pour­quoi le Gange est un fleuve si impor­tant dans la reli­gion hin­doue. C’est une épo­pée dans l’é­po­pée, un récit flo­ris­sant et mer­veilleux qui donne le ton du reste du livre. On est empor­té comme dans le flot des ondes légères de la rivière Gangâ…

Ramaya­na — Le départ de Rama. Wat Phra Khaew. Bangkok

Le len­de­main, Râma, Lak­sha­ma, Vish­vâ­mi­tra et leurs com­pa­gnons par­tirent donc vers Mithi­lâ. Ils retra­ver­sèrent le Gange ; au cré­pus­cule, Râma inter­ro­gea Vish­vâ­mi­tra : « Pour­quoi, grand sage, Gan­gâ, la très sainte rivière, coule-t-elle à tra­vers les Trois Mondes, avant de se mêler à l’Océan ? »
Vish­vâ­mi­tra, en réponse à la curio­si­té de Râma, com­men­ça ainsi :

« Au nord de notre vaste pays, Râma, s’é­lève l’Hi­mâ­laya, la reine des mon­tagnes. Hima­vat, le puis­sant esprit qui l’a­nime, avait deux filles, Gan­gâ, l’ai­née, et Ûma, la cadette. Gan­gâ était un fleuve capable de puri­fier tous les êtres de leurs péchés les plus sombres. Connais­sant ce don mer­veilleux, les dieux prièrent Hima­vat de leur prê­ter Gan­gâ pour un temps : ses eaux lave­raient le fir­ma­ment entier de ses souillures. Le père de Gan­gâ accep­ta. Mon­tée au ciel, Gan­gâ brilla à tra­vers la voûte étoi­lée, là où tu peux la voir aujourd’­hui encore. »

Vish­vâ­mi­tra leva la main vers le fir­ma­ment et dési­gna à Ramâ le Gange céleste, la Voie lac­tée, avant de reprendre :

« Pen­dant ce temps, Saga­ra, un autre roi de la dynas­tie solaire, un de tes ancêtres, pri­vé d’en­fants, se diri­gea vers l’Hi­mâ­laya en com­pa­gnie de ses épouses. Saga­ra sou­hai­tait ren­con­trer Bhri­gu, le grand sage. Arri­vé devant lui, le roi se pros­ter­na et implo­ra sa béné­dic­tion pour que lui naissent des héri­tiers. Bhri­gu, satis­fait de la sou­mis­sion du roi d’Ayod­hyâ, décla­ra ; “Tes épouses seront mères, mais de manière dif­fé­rente. L’une met­tra au monde un seul fils : il pro­lon­ge­ra ta lignée ; l’autre don­ne­ra nais­sance à soixante mille fils. A elles de choi­sir le sort qui leur agréé.”
La pre­mière des deux épouses royales avoua qu’elle serait heu­reuse avec un seul fils ; la seconde pré­fé­ra l’autre voie. Bhri­gu les bénit, et Saga­ra revint satis­fait dans sa capitale.
Le temps accom­pli, une des reines enfan­ta le fils pro­mis ; il s’ap­pe­la Asa­mañ­ja. L’autre accou­cha d’une boule de la gros­seur d’une cale­basse. A l’in­té­rieur dor­maient soixante mille semences humaines qui devinrent autant d’en­fants mâles. Une armée de nour­rices prit soin de tous ces fils de Saga­ra. Des années pas­sèrent. Si les soixante mille devinrent tous de beaux princes, Asa­mañ­ja, lui, à l’âge adulte, mon­tra des signes de folie. Son passe-temps favo­ri était d’at­tra­per des petits enfants et de les jeter dans la rivière ; il riait en les voyant se débattre et périr noyés.
Haï par le peuple, ce dément cruel fut ban­ni de la cité. Au sou­la­ge­ment des citoyens, son fils Amshu­mân ne res­sem­blait en rien à son père : cou­ra­geux, plein de droi­ture, il par­lait avec douceur.
Vers la fin de son règne, le vieux roi Saga­ra déci­da d’ac­com­plir le sacri­fice du che­val1. Le prince Amshu­mân devait sur­veiller de près le che­val choi­si pour la céré­mo­nie. Mais Indra2, chan­gé en démon, s’empara du cour­sier. Le roi Saga­ra fut déses­pé­ré. Il appe­la ses soixante mille fils et leur par­la ain­si : “La perte de l’of­frande n’est pas seule­ment un obs­tacle majeur au bon dérou­le­ment du sacri­fice, elle repré­sente pour nous tous un péché, une honte. Par­tez retrou­ver le che­val ; n’é­par­gnez aucun effort.”
Ses vaillants soixante mille fils par­cou­rurent le monde de long en large, mais le qua­dru­pède était introu­vable. Ils com­men­cèrent alors à fouiller tous les recoins, à retour­ner la Terre en tous sens. Ils cau­sèrent nombre d’en­nuis aux ani­maux et aux hommes et ne réus­sirent qu’à élar­gir les limites de l’O­céan. Penauds, ils revinrent à Ayodhyâ.
“Il nous faut l’a­ni­mal coûte que coûte. Cher­chez-le dans les mondes d’en bas, leur enjoi­gnit Saga­ra, des­cen­dez, si néces­saire, jus­qu’aux pro­fon­deurs des enfers.”
Les princes par­tirent aus­si­tôt, déci­dés à rame­ner le che­val, fût-ce au péril de leur vie. De leurs armes, ils se mirent à creu­ser un trou long de trois lieues sur trois. Sourds aux cris et aux pro­tes­ta­tions des ser­pents et autres rep­tiles des régions sou­ter­raines, ils avan­çaient dans les entrailles de la Terre et par­vinrent au Rasâ­ta­la, le qua­trième enfer. Là, ils aper­çurent dans un coin Kapi­la, le grand sage, assis en médi­ta­tion, et le che­val du sacri­fice qui pais­sait alen­tour. C’é­tait Indra qui, à des­sein, avait caché l’a­ni­mal en ce lieu. Les princes se pré­ci­pi­tèrent sur le sage en criant : “Voi­là donc le voleur qui se dit ermite !”
Kapi­la, trou­blé dans sa médi­ta­tion, ouvrit les yeux ; à l’ins­tant même, les soixante mille guer­riers furent trans­for­més en autant de poi­gnées de cendre, brû­lés par le cour­roux de l’ascète.
Pen­dant ce temps, Saga­ra atten­dait tou­jours ses fils. Trou­blé par leur retard, il s’a­dres­sa à son petit-fils, Amshu­mân : “Je suis inquiet ; mes soixante mille fils s’at­tardent. Tu es cou­ra­geux : va et découvre si quelque mal­heur ne leur serait pas arrivé.”
Amshu­mân prit ses armes et des­cen­dit vaillam­ment dans le trou béant par lequel avaient dis­pa­ru ses oncles.
Le che­min s’en­fon­çait de plus en plus ; il le condui­sit au qua­trième enfer. Là, Amshu­mân décrou­vrit le che­val du sacri­fice pais­sant comme si de rien n’é­tait, par­mi soixante mille petits tas de cendre. Amshu­mân res­ta figé de dou­leur : était-ce là ce qui res­tait de ses mal­heu­reux oncles ? Garu­da, l’aigle divin, se tenait, comme par hasard, per­ché sur un arbre tout proche.
“Noble prince, lui expli­qua l’oi­seau, tu contemples les restes de tes propres oncles. Ils ont été réduits en cendres par le regard cour­rou­cé de Kapi­la. Sache cette véri­té : les âmes des fils de Saga­ra ne connaî­tront pas la paix si Gan­gâ ne des­cend pas de la voûte céleste pour laver et puri­fier leurs cendres.”
Amshu­mâ emme­na le che­val, le condui­sit en hâte à la sur­face de la terre et rap­por­ta au roi les mots mêmes de Garu­da. Saga­ra accom­plit le sacri­fice tant dési­ré, mais peu après mou­rut incon­so­lé : pour­rait-on jamais entraî­ner le Gange divin au fond des enfers ?
Amshu­mân suc­cé­da à Saga­ra sur le trône d’Ayod­hyâ. Bien que toute sa vie il eût réflé­chi et prié sans cesse, il ne put décou­vrir le moyen de faire des­cendre le Gange du ciel.
Le fils d’Am­shu­mân pour­sui­vit les efforts de son père, mais en vain ; lui aus­si quit­ta le monde des vivants sans avoir réus­si à sau­ver les âmes de ses ancêtres.
Son fils, Bag­hî­ra­tha, lui suc­cé­da sous l’om­brelle blanche de la royau­té. Bag­hî­ra­tha était un vaillant jeune homme ; il réso­lut de ten­ter l’im­pos­sible. Il renon­ça à sa famille, lais­sa le royaume au soin de ses ministres, et s’en vint dans la soli­tude pour pra­ti­quer des aus­té­ri­tés. Juché sur un pic de l’Hi­mâ­laya, il se tint des années durant au milieu de quatre feux ; un cin­quième, le Soleil, brû­lait au-des­sus de sa tête. Ces ascèses, accom­plies dans un noble but, contrai­gnirent Brah­mâ, le Créa­teur, à se mon­trer aux yeux de Baghîratha.
“Je suis satis­fait de tes efforts, Bag­hî­ra­tha, décla­ra le Père des mondes : quel est ton désir ?”
Les mains jointes, celui-ci répon­dit : “Si j’ai pu conten­ter le Créa­teur, que les fils de Saga­ra reçoivent l’eau de Gan­gâ ; une fois les cendres puri­fiées par le divin fleuve, les âmes de mes aïeux gagne­ront enfin la paix céleste. Je te prie éga­le­ment de m’ac­cor­der un fils, car j’ai renon­cé à ma famille et la race des Iksh­vâ­ku menace de s’éteindre.
— Qu’il soit fait selon ton désir, approu­va Brah­mâ, mais je t’a­ver­tis : Gan­gâ, en déva­lant des cieux, risque d’a­néan­tir le monde, ce que je ne per­met­trait jamais. Sol­li­cite donc le secours de Shiva.”
Bag­hî­ra­tha, sans hési­ter, reprit ses ascèses. Il res­ta si long­temps sans nour­ri­ture et sans eau qu’il réus­sit à gagner la bien­veillance du Grand Dieu, Shi­va. Celui-ci fit son appa­ri­tion et décla­ra à Bag­hî­ra­tha : “Gan­gâ peut arri­ver, je pro­té­ge­rai le monde.”
Les dieux envoyèrent alors Gan­gâ des cieux sur la Terre. Telle une colonne de cris­tal liquide, Gan­gâ cou­lait à tra­vers les espaces ; la gigan­tesque cata­racte de lumière bous­cu­lait les étoiles. Un bruit de plus en plus assour­dis­sant accom­pa­gnait la chute.
Gan­gâ s’ap­pro­chait de la Terre et les immor­tels com­men­çaient à s’in­quié­ter lorsque Shi­va inter­vint. Il prit des pro­por­tions immenses et, cou­pant la route de Gan­gâ, reçut sans bron­cher le fleuve sur la tête. Shi­va était appa­ru si vite que Gan­gâ n’a­vait pas eu le temps de chan­ger de direc­tion ; la rivière se per­dit donc dans les che­veux emmê­lés du Grand Dieu, où elle erra plu­sieurs années. La Terre res­pi­ra, sou­la­gée. Mais Bag­hî­ra­tha était déses­pé­ré. Il implo­ra Shi­va de libé­rer Gan­gâ, pri­son­nière de sa che­ve­lure. Emu de com­pas­sion à l’é­gard de Bag­hî­ra­tha, qui ne son­geait qu’aux âmes de ses soixante mille aïeux, Celui-aux-trois-yeux per­mit au divin fleuve de quit­ter sa pri­son pour des­cendre sur terre.
Gan­gâ sui­vait, en dan­sant, le char de Bag­hî­ra­tha. L’eau lim­pide scin­tillait comme par­cou­rue de mil­lions d’é­clairs. Par­fois, le fleuve se gon­flait en tour­billons d’é­cume, hauts comme des mon­tagnes ; l’ins­tant d’a­près, il glis­sait dou­ce­ment, puis on le voyait s’é­cra­ser contre des rochers ou s’en­fon­cer dans quelque gouffre. Gan­gâ écla­bous­sait joyeu­se­ment de ses perles humides le peuple des dieux accou­rus pour l’admirer.
Gan­gâ cou­lait ain­si par jeu, soit dans l’es­pace, soit sur la Terre, lors­qu’elle abî­ma par mégarde l’au­tel du sacri­fice où Jah­nu, un grand sage, se pré­pa­rait à offi­cier. Celui-ci, pour lui don­ner un leçon, prit le gigan­tesque tor­rent dans la paume de sa main et le but d’un seul trait. Gan­gâ dis­pa­rut encore une fois. La tris­tesse de Bag­hî­ra­tha fut indi­cible ; il pleu­rait de désespoir !
Alors les dieux et les sages célestes, s’ap­pro­chant de Jah­nu, le prièrent de par­don­ner sa faute à Gan­gâ. Apai­sé, le sage consen­tit à ce que Bag­hî­ra­tha arrive au bout de ses peines ; il per­mit à l’im­mense fleuve de cou­ler par ses oreilles. Et les dieux, joyeux, bénirent ain­si Gan­gâ retrou­vée : “Sor­tie du corps de Jah­nu comme du sein d’une mère, tu por­te­ras désor­mais le nom de Jâh­na­vî, fille de Jahnu.”
Gan­gâ ne ren­con­tra plus aucun obs­tacle sur sa route. Elle des­cen­dit, à la suite de Bag­hî­ra­tha, dans le trou pro­fond creu­sé par les fils de Saga­ra ; elle péné­tra dans l’en­fer nom­mé Rasâ­ta­la. Là, avec son eau sanc­ti­fiée par le tou­cher divin de Shi­va, Bag­hî­ra­tha put s’ac­quit­ter des rites funé­raires de ses soixante milles aïeux. Puri­fiées, ren­dues légères, leurs âmes bien­heu­reuses s’é­le­vèrent dans les cieux.

Depuis ce jour, ter­mi­na Vish­vâ­mi­tra, le fleuve Gange s’ap­pelle éga­le­ment Bag­hî­ra­thî en sou­ve­nir de Bag­hî­ra­tha, celui qui n’é­par­gna aucune peine pour sau­ver les siens. »
Pen­dant ce récit, le Soleil, entou­ré d’un nuage de poudre d’or, avait glis­sé len­te­ment vers l’horizon.
« Le roi du jour se couche, mur­mu­ra Vish­vâ­mi­tra ; diri­geons nos prières du soir vers Gan­gâ, le divin fleuve, conduit par ton ancêtre du séjour des immor­tels sur la terre des hommes. »

Notes :

1 — Ash­va­med­ha. Sacri­fice réser­vé au roi, lui per­met­tant d’as­su­rer sa pros­pé­ri­té et la lon­gé­vi­té de sa lignée.
2 — Indra, roi des dieux, sei­gneur du ciel.

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La Ciste de Pré­neste (Pales­tri­na — au juge­ment de Pâris) — Etrusques au Musée Maillol

Objet phare des cultes à mys­tères, cette ciste des­ti­née à rece­voir des objets que les pro­fanes n’a­vaient pas à voir dans la civi­li­sa­tion grecque, pro­vient de la civi­li­sa­tion étrusque et avait cer­tai­ne­ment un usage plus fémi­nin. On estime que son usage était de conser­ver les ins­tru­ments de toi­lette des femmes de haut-rang. Décou­verte à Pré­neste (Pales­tri­na), c’est un objet tout à fait unique par sa taille (575 mm dans sa hau­teur totale) ain­si que par sa fac­ture. Conser­vée actuel­le­ment à Rome, au Museo Nazio­nale Etrus­co di Vil­la Giu­lia, ce bronze lami­né datant de la fin du IVè siècle av. J.-C. fait par­tie de l’ex­po­si­tion actuelle que l’on peut voir au Musée Maillol et ce, jus­qu’au 9 février 2014.
Posée sur trois pieds repo­sant eux-mêmes sur des gre­nouilles, c’est un objet assez mas­sif, dont les pieds sont sou­te­nues par trois génies fémi­nins ailés. La poi­gnée, impo­sante, repré­sente une ama­zone nue, décé­dée, por­tée par deux ama­zones en armes. Les trois scènes repré­sen­tées sur le corps de la ciste se décom­posent ain­si : l’en­lè­ve­ment de Cry­sippe, la consul­ta­tion de l’o­racle d’Apollon et le juge­ment de Pâris.

Ciste de Préneste (Palestrina - au jugement de Pâris) - fin IVè siècle av.J.-C. - Bronze laminé - Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia - Etrusques au Musée Maillol

De taille moins impo­sante que la Ciste Fico­ro­ni et moins connue, son ori­gi­na­li­té réside dans le des­sin du corps de cet objet tar­dif. En regar­dant de près, on voit que les scènes cen­trales ont été gra­vées dans le métal et la scène de l’en­lè­ve­ment qu’on peut voir en détail ci-des­sous est des­si­née de trois-quarts face, enrou­lée autour du corps de la ciste, avec un réa­lisme assez incroyable compte-tenu de l’é­poque où elle a été réa­li­sée, puisque la plu­part des scènes des­si­nées à l’é­poque l’é­taient géné­ra­le­ment de pro­fil. Une œuvre d’art hau­te­ment sym­bo­lique de l’é­tat d’a­van­ce­ment de la civi­li­sa­tion étrusque, que ce soit en matière de réa­li­sa­tion, ou en matière d’é­la­bo­ra­tion du dessin.

Ciste de Préneste - détail - (Palestrina - au jugement de Pâris) - fin IVè siècle av.J.-C. - Bronze laminé - Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia - Etrusques au Musée Maillol

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Moka au bar en lisant les Méta­mor­phoses d’O­vide, quelque part entre deux rêves, ou dans un rêve

Je ne me rap­pelle même plus à quelle occa­sion j’ai com­man­dé un moka au bar du Bana­na Moka Night Café, mais c’é­tait sur les rives d’un rêve bor­dé d’une man­grove pro­fonde et téné­breuse, où les palé­tu­viers fron­deurs fouis­saient de leurs doigts fins la terre d’ocre, boueuse et col­lante. L’air était moite, les saveurs humides, l’ombre me man­geait le visage.

Sur les rives d’un autre rêve, je me suis per­du sous les murs de l’en­ceinte majes­tueuse du monas­tère des Hié­ro­ny­mites, celui-là même qui fut finan­cé par l’argent des échanges com­mer­ciaux du Por­tu­gal du XVIè siècle sur les nou­velles routes qui venaient de s’ou­vrir avec les Moluques (Jazi­rat al Muluk) et notam­ment du com­merce des épices, flo­ris­sant en d’autres temps.

Monastère des Hiéronymites (Lisbonne)

Je cherche dans ma boîte mail les mails d’une femme qui ne m’é­crit pas.
Je passe l’as­pi­ra­teur et je me brûle les doigts avec les verres chauds qui sortent du lave-vaisselle.

Un matin de jan­vier, un matin froid qui sort tout droit de l’an­née d’a­vant, je me retrouve dans un petit vil­lage du Vexin, sans même un com­merce, rien d’autre qu’un res­tau­rant et des tour­te­relles qui rou­coulent dans le vent gla­cial, rien d’autre alen­tour que des champs plats à perte de vue, un hori­zon uni­que­ment bri­sé par la pré­sence d’un silo bête­ment plan­té au milieu de nulle part. J’aime la lumière de ces jours sans espoir, de ces ondes qui par­courent le sol sous mes pieds. Je m’ar­rête en plein milieu de nulle part. Au loin une petite église dont je décide de m’ap­pro­cher à pas mesu­rés. Elle sent l’hu­mi­di­té, la cam­pagne, la sou­ris cre­vée, la paille. Ses trot­toirs sont sales, la rue recou­verte de neige. Pas un bruit. Les tour­te­relles se sont tues. Nulle âme qui vit ici, je pré­fère repar­tir avant de me lais­ser happer.

Champs sous la neige

Lorsque le réveil sonne, je suis encore fati­gué. C’est même sur­pre­nant que je ne sois pas réveillé avant qu’il ne se mette à sonner.
Il fait calme. Je rêve d’un air frais et pur.
Existe-t-il une rai­son pour laquelle j’ou­blie par­fois ce qui s’est pas­sé pen­dant tout une jour­née ? Je me dis que l’ou­bli a quelque chose à voir avec la volon­té d’oublier.

[audio:nosunshine.xol]

Ripples

Les jours passent, deviennent froids, puis se réchauffent, la pluie tombe et le sol sèche, on joue à cache-cache avec ses propres vête­ments, ne sachant plus s’il faut se cou­vrir à l’in­té­rieur ou se décou­vrir à l’ex­té­rieur. L’en­vie s’en va, les yeux se brouillent, la fatigue sur­prend et on me tape sur l’é­paule ; je m’é­tais endor­mi, une fois de plus.
Il s’al­longe dans son petit lit sous sa couette gon­flée, je caresse sa joue ronde, celui qu’on dit tant me res­sem­bler. Une fois de plus, ce soir, il a lu un pas­sage des Méta­mor­phoses d’O­vide parce que j’ai pris l’ha­bi­tude de lui en lire un extrait le soir avant de dor­mir, alors il me demande son dic­tion­naire de mytho­lo­gie (Michael Grant et John Hazel) et lit ces lignes qui me font sou­rire, à l’en­trée Acca Laren­tia :

Femme du ber­ger Faus­tu­lus, qui trouve les jumeaux aban­don­nés Romu­lus et Rémus et les éle­va. Parce que les enfants avaient été éle­vés par une louve, Acca fut appe­lée lupa, ce qui, en latin, signi­fie “pros­ti­tuée” et “louve”. Acca est aus­si nom­mé Fau­la ou Fabu­la, autre nom pour les filles de joie en latin.

Allez faire com­prendre ça à un gamin de huit ans…

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La légende de Saint-Ama­dour, ou Zachée le dévoué

Au cœur de dépar­te­ment du Lot se trouve un des sites de France les plus visi­tés avec le Mont Saint-Michel et la Tour Eif­fel. La situa­tion excep­tion­nelle de Roca­ma­dour rend cette ville spec­ta­cu­laire et le tou­riste ne s’y trompe  guère il afflue en masse, en famille, vers cette petite cité accro­chée au roc et compte bien y trou­ver son compte de res­tau­rant de spé­cia­li­tés du sud-ouest et bibe­lo­te­ries des plus vul­gaires. Le tou­riste aime ça, et moi je déteste le tou­riste, alors comme sou­vent, tel un chat noir, je me fau­file dans les rues lorsque la nuit tombe et tou­jours, la vie prend un autre tour­nant, je me fonds dans l’ombre.

Rocamadour, les sanctuaires

Je suis arri­vé à Roca­ma­dour un soir du mois d’août, sur le ver­sant face à la petite ville, au lieu-dit L’Hos­pi­ta­let, cer­tai­ne­ment un des lieux les plus laids de tout l’u­ni­vers, com­plè­te­ment pha­go­cy­té par le res­tau­rant pano­ra­mique et la cabane à sou­ve­nirs, à vais­selle impri­mée et napperons.
Roca­ma­dour n’est pas de ces endroits qui se laissent tra­ver­ser comme ça, comme un pic en bois tra­ver­se­rait une sau­cisse cock­tail, Roca­ma­dour se mérite ; il faut dépo­ser sa voi­ture près de la rivière Alzou et prendre le temps de mon­ter quelques volées de marches en pierre avant d’ar­ri­ver dans la rue prin­ci­pale et s’emparer de cette cité mil­lé­naire. Arpen­ter la rue cen­trale, ponc­tuée des portes Basse, Hugon, du Sau­mon et du Figuier tan­dis que le ciel se couvre de nuages d’o­rage, mena­çants et que les échoppes ferment leurs portes, laissent place à une vie noc­turne, c’est un peu comme si l’on entrait dans une Cour des Miracles . Le décor bas­cule, le ver­nis craque et Roca­ma­dour se dévoile dans ses habits de ténèbres.

Durandal

L’é­pée Durandal

Vus d’en bas, les sanc­tuaires s’illu­minent avec la nuit tom­bante et les cen­taines de marches que les pèle­rins montent sur les genoux sont autant de degrés spi­ri­tuels, de lumière, mon­tant vers le saint des saints, les sept cha­pelles votives. Ce soir là, c’est excep­tion­nel, un cycle de confé­rence à l’in­té­rieur des sanc­tuaires laisse la porte ouverte aux cha­pelles, qui en plus d’être illu­mi­nées de l’ex­té­rieur sont éclai­rées à l’in­té­rieur, lais­sant ain­si voir dans le silence et le calme des tré­sors dans une lumière dorée fri­sant la magie. Après avoir mon­té les marches et s’être fau­fi­lé dans un dédale de rues dont les enseignes sont par­fai­te­ment closes, on arrive aux portes des sanctuaires.
Roca­ma­dour est une ville mariale sur la route de Saint-Jacques de Com­pos­telle et sa construc­tion reflète par­fai­te­ment la socié­té féo­dale ; les che­va­liers dans le châ­teau, tout en haut, les reli­gieux juste au-des­sous dans les sanc­tuaires et le peuple tout en bas. Je me fais la réflexion qu’un jour, ne serait-ce que pour décou­vrir les plus beaux sites de cette Europe occi­den­tale, il fau­drait que je bour­lingue sur les pas de Santiago.
La situa­tion excep­tion­nelle du lieu a don­né nais­sance, dès 1105, à une cha­pelle construite à flanc de falaise ; les cha­pelles fleu­rissent sou­vent dans des endroits impro­bables. Le lieu est alors dénom­mé “Rupis Ama­to­ris”, le rocher de l’a­mant (ama­tor) et la vie reli­gieuse prend racine. Le pèle­ri­nage en l’hon­neur de Marie fait fureur et occa­sionne des dona­tions qui font pros­pé­rer le lieu ; la sta­tue de la vierge noire qui y repose date de la fin du XIIè siècle, et Hen­ri II Plan­ta­ge­nêt y vient pour remer­cier Marie après sa gué­ri­son. C’est alors qu’en 1166, en creu­sant le sol pour y inhu­mer un simple habi­tant, on découvre un corps en par­fait état de conser­va­tion ; la légende prend comme une traî­née de poudre, c’est cer­tai­ne­ment le corps de Saint-Ama­dour, autre­ment connu sous le nom de Zac­cheus, ou Zachée (et là atten­tion, parce qu’il va vous fal­loir plon­ger dans les plus vieilles hagio­gra­phies). Zachée est répu­té être l’é­poux de Sainte Véro­nique, celle-là même qui sur le che­min de croix du Christ lui épon­gea le visage d’un mor­ceau de tis­su, le fameux voile de Véro­nique que se dis­putent Rome, Milan et Jaén en Espagne. Cette his­toire n’est pas rela­tée dans le Nou­veau Tes­ta­ment mais on retrouve dans les Evan­giles synop­tiques l’his­toire d’une femme du nom de Béré­nice (Véro­nique signi­fiant vraie image — vera ico­na) qui serait la femme «hémo­roïsse» sans nom mira­cu­leu­se­ment gué­rie d’hé­mor­ra­gies chro­niques en tou­chant le vête­ment de Jésus.
Après la mort de son épouse, Zachée se retire à Roca­ma­dour et y meurt après avoir vécu des années en ermite. On lui aurait don­né le sur­nom de Ama­tor — Ama­dour — l’a­mant ou le dévoué.

Je sou­ris à l’é­vo­ca­tion de cette his­toire car on peut voir le tom­beau où repo­sait ce corps au pied d’un des sanc­tuaire col­lé à la falaise et j’ai pris en pho­to ce lieu sans savoir qu’à ce même endroit se trou­vait éga­le­ment un objet légen­daire de pre­mière impor­tance ; l’é­pée de Roland, Duran­dal, coin­cée dans la roche (et pieu­se­ment atta­chée à une chaîne) par l’Archange Saint Michel juste après la mort du célèbre pala­din à Ron­ce­vaux, selon la légende (j’ap­prends avec stu­pé­fac­tion que Duran­dal n’est autre que la tra­duc­tion lit­té­rale de Ron­ce­vaux en flamand).

Roca­ma­dour a une his­toire ancienne, mais telle qu’on peut la voir aujourd’­hui, elle est le fruit d’une volon­té farouche d’une poi­gnée d’homme qui au milieu du XIXè siècle firent leur pos­sible pour rendre à la ville mariale son éclat d’au­tre­fois, après avoir été rava­gée par les famines, les guerres et les pillages tout au long de son histoire.

Com­plè­te­ment rom­pus par la fatigue et le temps ora­geux, nous redes­cen­dons de la ville par là où nous l’a­vons péné­trée, jus­qu’à la rivière. Roca­ma­dour n’est pas une ville qu’on tra­verse, la route qui vient de la Porte du Figuier, l’en­trée de la ville et qui passe par la Porte Basse (pho­tos 6 et 7 du dia­po­ra­ma) mène sur des champs… Il est tard, la val­lée est illu­mi­née ponc­tuel­le­ment par les éclairs qui déchirent le ciel. Roca­ma­dour ville magique ferme ses portes sur un jour par­ti­cu­lier, un jour comme je ne pen­sais pas pou­voir en vivre. En par­tant, je regarde à nou­veau der­rière moi et j’ai une pen­sée émue pour le curé de Roca­ma­dour qui vit dans son pres­by­tère (pho­to 28), dont les fenêtres sont per­chées au-des­sus du vide… Et je lui sou­haite mal­gré tout, une bonne nuit.

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L’é­trange cas du contre­maître Phi­neas Gage

Il y a quelques jours, les lec­teurs du Monde ont pu décou­vrir un article enca­drant la pho­to d’un homme armé d’une sorte de har­pon, un œil fer­mé et le visage froid, sans expres­sion, impas­sible, mais non dénué d’un cer­tain charme.
En 1848, tra­vaillant sur un chan­tier fer­ro­viaire, le contre­maître Phi­neas Gage mani­pule de la poudre à l’aide d’une barre à mine (d’un bour­roir en réa­li­té) et la terre explose, pro­pul­sant l’ou­til qui lui tra­verse la joue, l’œil, puis le crâne pour fina­le­ment en res­sor­tir intégralement.

phineas_gage

Le miracle tient au fait que l’homme a sur­vé­cu à l’ac­ci­dent et n’a rien per­du de ses facul­tés intel­lec­tuelles, ni de sa mémoire, du moins en appa­rence. Tou­te­fois, le cas Phi­neas Gage, lar­ge­ment popu­la­ri­sé par le neu­ro­logue Anto­nio Dama­sio pré­sente un cas inté­res­sant d’a­bo­li­tion du juge­ment moral. Gage après son acci­dent aurait ter­mi­né sa vie dans un flou de colères aus­si sou­daines qu’ir­ra­tion­nelles et se seraient mon­tré inca­pable de prendre des déci­sions posées et réflé­chies. Ce cas est un de ceux qui illustre le mieux les désordres com­por­te­men­taux liés aux lésions des lobes fron­taux, dont s’est notam­ment fait une spé­cia­li­té le doc­teur Oli­ver Sacks (Cf. L’homme qui pre­nait sa femme pour un cha­peau)
C’est grâce à la ren­contre for­tuite entre deux col­lec­tion­neurs de pho­tos et Inter­net (en l’oc­cur­rence Fli­ckr) qu’on a enfin pu mettre un visage sur le nom de celui dont on n’a­vait jus­qu’à pré­sent que l’i­mage du mou­lage de son crâne fait de son vivant.

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