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La nos­tal­gie de cette langue ou de cette voix

Ce soir, à la radio, chan­tait la voix d’An­dré Gide, vieux mon­sieur véné­rable de quatre-vingt ans s’in­sur­geant contre la colo­ni­sa­tion du Congo par la France et ses com­pa­gnies de trans­for­ma­tion du caou­tchouc qui n’hé­si­taient pas à mas­sa­crer les popu­la­tions pour pré­ser­ver leurs inté­rêts. Il y avait dans sa voix une majes­té, un je-ne-sais-quoi de pro­fon­dé­ment plai­sant, ce ton qui fait qu’on pour­rait l’é­cou­ter par­ler pen­dant des heures, quel que soit le sujet. Il y avait cette façon de dire les choses éga­le­ment dans les voix de Sacha Gui­try ou de Louis Jou­vet, avec emphase, ou neu­tra­li­té mais la langue était belle et chantante.

Par­mi ces mes­sieurs avec des voix, des mots, une dic­tion, il y avait éga­le­ment Noël Roque­vert ou Ray­mond Bus­sières le gouailleur…
Aujourd’­hui, qui peut se tar­guer d’a­voir cette langue, à part quelques uns comme Alain Badiou… Je n’ai même pas d’autres exemples sous la main.
Mais en par­lant de voix, avez-vous remar­qué cette voix de tueuse et ce regard ter­ri­ble­ment sen­suel d’An­na Cal­vi, décou­verte au Grand Jour­nal ? On ne sort pas indemne de cette Mou­li­nette qui n’est pas sans rap­pe­ler Chris Isaac ou Nick Cave.

[audio:Moulinette.xol]

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Agnes Obél

Voix cris­tal­line légè­re­ment abi­mée par les blocs de glace char­riés par la rivière au retour du prin­temps, tendre regard bleu­té comme l’a­cier de l’ha­me­çon d’un pêcheur des Lofo­ten, des allures de jeune fille de bonne famille scan­di­nave, Agnes Obél est Danoise, vit à Ber­lin et chante en anglais avec un accent venu des fjords et enchante l’air de ses arias de pia­no légers comme le vol d’une plume.

[audio:riverside.xol]

When by the water we drink to the dregs
Look at the stones on the river bed
I can tell from your eyes
You’ve never been by the riverside

Down by the water the riverbed
Some­bo­dy calls you some­bo­dy says
swim with the cur­rent and float away
Down by the river everyday

Télé­ra­ma s’est même per­mis de la faire jouer dans un par­king sou­ter­rain… à voir absolument.

  1. Over the hill
  2. On pow­de­red ground
  3. River­side
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Mark Ron­son & The Busi­ness Intl

Je ne dors pas alors voi­là, je livre ça, décou­vert tout à l’heure sur Canal +, Mark Ron­son, un Anglais inso­lem­ment beau et talen­tueux qui se teint les che­veux en blanc, auteur d’A­my Wine­house, qui nous sort un groupe très clas­sieux, The Busi­ness Intl, de son cha­peau, avec un Andrew Wyatt superbe, rayon­nant, frai­che­ment débar­qué de Miike Snow, un D’An­ge­lo sur­puis­sant, une Rose Eli­nor Dou­gall pim­pante et super­be­ment pro­vo­cante et sur­tout Boy George un peu bouf­fi mais avec une voix impec­cable, trente ans après… L’al­bum s’ap­pelle Record Col­lec­tion et vient de sortir.

[audio:love.xol]

Pop tein­tée élec­tro savam­ment aro­ma­ti­sée au 80’s, c’est une explo­sion de sons aci­du­lés inat­ten­dus qui secouent et res­tent dans la tête. A essayer les fenêtres ouvertes, Glass Moun­tain Trust entre autres et sur­tout Some­bo­dy to love me avec Wyatt et sa voix cris­tal­line, et le Boy tout en sub­ti­li­té. Ce Mark Ron­son s’im­pose comme un incon­tour­nable d’une pop rétro fas­ci­nante… (enten­dez-vous les steel-drums ?)

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Roméo pleu­rant au bal­con, Juliette se roule dans l’herbe

Début d'automne

Il y avait ce soir-là un air de pro­vo­ca­tion, une tem­pé­ra­ture dérai­son­nable, un je-ne-sais-quoi dans l’air qui annonce un été qui n’est jamais vrai­ment arri­vé. Pen­dant que mon fils pre­nait son cours de musique, je me suis assis à cali­four­chon sur le banc en pierre dans le parc, ma bou­teille d’eau et mon maga­zine posés devant moi. Les enfants criaient et jouaient sur l’herbe pen­dant que les mères avec leur petit engon­cé dans leur pous­sette, dans un bal­let dégou­li­nant de rires et de paraître, débla­té­raient sur telle ou telle mère de famille, absente évi­dem­ment. Les hautes branches com­men­çaient à jau­nir sérieu­se­ment alors qu’il fai­sait encore chaud.
Je n’ai pu m’empêcher de sou­rire à la lec­ture de ces mots d’A­lain Badiou.

Les ren­contres sont si faciles, si nom­breuses, que l’in­ten­si­té du chan­ge­ment qu’on peut accep­ter à par­tir d’elles n’est plus la même. On intro­duit un sys­tème de pré­cau­tion : je prends quel­qu’un de suf­fi­sam­ment sem­blable à moi pour espé­rer faire un che­min avec cette per­sonne en res­tant exac­te­ment ce que je suis. C’est une ten­dance du monde contem­po­rain d’in­tro­duire une fausse varié­té à l’in­té­rieur d’une grande permanence.

De la salle de danse sor­tait le mar­tel­le­ment dis­har­mo­nieux du pia­no que je sais être désac­cor­dé où une femme jouait avec une éner­gie obs­cène la danse des che­va­liers extraite de Romeo et Juliette, de Pro­ko­fiev. Sur les marches de la salle s’é­brouaient des ado­les­cents que le jeu des amours nais­santes fait se com­por­ter comme de réels idiots qu’ils ont la chance d’être encore. L’une d’entre eux por­tait un short en jean pro­vo­cant lais­sant voir la nais­sance de ses fesses. A l’é­tage, José­phine, jeune adulte frin­gante et volup­tueuse, à la peau brune et lisse, recoif­fait ses che­veux raides main­te­nus en queue de che­val, quelques uns, indis­ci­pli­nés, repas­sés der­rière l’o­reille, der­rière la branche de ses lunettes de marque. Sa poi­trine indé­cente ne ces­sait de res­pi­rer fort dans un mou­ve­ment qui attire mon regard sous les toits brûlants.
L’é­té est encore là, mais plus pour longtemps.

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