Nov 11, 2014 | Arts |
A la lecture du Léonard de Vinci de Kenneth Clark, on a parfois l’impression d’être face à un peintre un peu renfrogné, ombrageux, un peu taciturne, voire un peu dilettante (je me rends compte que ce mot n’a pas de féminin) et lorsque l’on voit le nombre de tableaux qu’il a laissé, l’impression n’en est que plus forte. Pourtant, pour qui connaît ses manuscrits, il n’en est rien.
Pour compenser l’absence de document, nous avons, sur ce travail, plusieurs relations de témoins oculaires, dont celle de l’écrivain Bandello que je me dois de citer bien qu’elle soit très connue, car rien ne donne une image plus vivante de Léonard au travail.
« Souvent, dit-il, j’ai vu Léonard s’en aller travailler le matin sur l’échafaudage de La Cène ; et il lui arrivait de s’y installer depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, ne posant jamais son pinceau sans boire ni manger. Puis il restait parfois trois ou quatre jours sans toucher à l’œuvre, bien qu’il passât chaque jour plusieurs heures à la considérer et à critiquer en lui-même les personnages. Je l’ai vu également, quand il lui en prenait fantaisie, quitter la Corte Vecchia alors qu’il travaillait à l’immense cheval d’argile et s’en aller droit au couvent de Sainte-Marie-des-Grâces. Là, escaladant l’échafaudage, il saisissait un pinceau et ajoutait quelques touches à l’un des personnages ; puis brusquement, il s’en allait.»
Et si ce tableau, l’un des plus connu de l’histoire de la peinture occidentale n’était en fait qu’un leurre, l’œuvre d’un mauvais peintre ? Pire : l’œuvre de plusieurs mauvais peintres ou pire encore : l’œuvre de mauvais restaurateurs ? Même pas des peintres ! Malheureusement, cette étude de Kenneth Clark nous dit qu’on n’est pas forcément très loin de la vérité.
Commençons, dans une souci de lisibilité, par distribuer les rôles, pour que toute interprétation à venir soit éclairée par ce sens : de la gauche vers la droite donc : Barthélémy, Jacques le Mineur, André, Judas (au premier plan, la main enserrant une bourse), Pierre, Jean (oui qui que soit d’autre), le Christ, Thomas, Jacques le Majeur, Philippe, Matthieu, Thaddée et enfin Simon.
La Cène — Leonardo da Vinci — 1494–1498 — Santa Maria delle Grazie — Milano
Leonardo da Vinci reste un technicien très pointu de la peinture et de l’anatomie et sur les questions de religion, il a des idées bien arrêtées, des conceptions qui, comme pour la plupart de ses collègues contemporains, sont loin d’être des parangons de vertu. Clark dit pourtant qu’il est certainement le moins païen des peintres de son époque.
On pensera ce qu’on veut de la Joconde, La Cène est certainement le chef‑d’œuvre absolu de Leonardo. En plus d’être une peinture immense (4,6 x 8,8 mètres !), le dernier repas du Christ peint sur le mur du réfectoire du couvent Sainte-Marie-des-Grâces (Santa Maria delle Grazie) de Milan est assurément un des plus grands tableaux du maître, pour de multiples raisons ; sa composition d’abord, mais aussi le parti pris du peintre (il décide de peindre la scène tandis que le Christ dit d’un des leurs les trahira : En vérité, je vous le dis, l’un de vous me livrera, Jean, XIII, 21–22), et enfin l’organisation très pragmatique des émotions dégagées par chacun des apôtres, qui fait de l’auteur un rationaliste extrême.
Pourtant, cette œuvre n’a plus grand-chose à voir avec l’œuvre que peignit Leonardo entre 1494 et 1498, à cause d’un détail qui a son importance : le peintre n’a pas peint à fresque tandis que le mur du réfectoire était visiblement trop humide pour fixer l’huile. A peine 20 ans après la réalisation de l’œuvre, elle commence à se détériorer de manière irrémédiable.
Cette façon de procéder ainsi par intermittence laisse entendre que Léonard ne peignait pas al fresco ; nous savons qu’effectivement, il utilisa un mélange d’huile et de vernis. Le mur étant humide, la peinture ne tarda pas à se détériorer. Dès 1517, Antonio de Beatis notait que l’œuvre était excellente bien qu’elle se soit abîmée à cause de l’humidité du mur ou pour quelque autre raison ; et Vasari, qui la vit en mai 1556, rapporte qu’ « elle est en si mauvais état qu’on n’y distingue rien d’autre que des taches toutes brouillées ». En 1642, Scanelli pouvait écrire qu’il ne demeurait de l’œuvre que quelques traces des personnages, si bien que l’on pouvait à peine reconstituer le sujet. Devant de tels témoignages, nous sommes obligés de conclure que ce que nous voyons à présent sur le mur du couvent est essentiellement l’œuvre de restaurateurs. La peinture, en effet, a été restaurée quatre fois depuis le début du XVIIIè siècle, et elle le fut sans doute plusieurs fois auparavant. En 1908, elle fut entièrement nettoyée par Cavenaghi, qui fit à son sujet un rapport des plus optimistes, prétendant que seule la main gauche du Christ aurait été sérieusement retouchée.
La Cène (main gauche du Christ) — Leonardo da Vinci
Il ajoute assez naïvement que Léonard était un précurseur car il semble qu’il ait employé un mélange rarement utilisé avant la fin du XVIè siècle. Cavenaghi avait une réputation de technicien si bien établie que ses dires sont généralement admis ; mais, dans le cas présent, nous avons des preuves accablantes de son erreur. On ne peut admettre qu’une peinture qui, selon tous les témoignages, n’était aux XVIè et XVIIè siècles qu’une ruine irréparable, ait survécu plus ou moins intacte jusqu’à nos jours. En comparant les têtes des apôtres de la fresque avec celles des premières copies, nous avons la preuve évidente de sa restauration. Prenons comme meilleurs exemples les deux séries distinctes de dessins, actuellement à Weimar et à Strasbourg qui furent exécutés par des élèves de Léonard directement à partir de l’original. Ils ne comportent aucune de ces variantes personnelles qui apparaissent habituellement dans les copies. Ces dessins reproduisent, comme d’un accord tacite, certaines différences par rapport à la fresque telle qu’elle se présente actuellement, et chaque fois le dessin lui est nettement supérieur dans l’expression et la facture. Prenons quatre des apôtres assis à la gauche du Christ (Clark — ou son traducteur — laisse un ambiguïté dans le texte, car les personnages dont il parle sont à la gauche du Christ sur le tableau, donc à sa droite à lui). Dans l’original, Saint Pierre est l’un des personnages les plus déroutants de toute la composition par la laideur de son front trop bas, alors que dans les copies, sa tête, rejetée en arrière, présente un effet de raccourci. Le restaurateur, incapable de suivre un dessin aussi difficile, a fait de cette attitude une difformité. Il fait preuve de la même lourdeur dans la pose peu naturelle qu’il finit par donner aux têtes de Judas et de saint André. Les copies montrent qu’à l’origine Judas était en profil perdu, ce que nous confirment les dessins de Léonard qui sont à Windsor. Le restaurateur le présente tout à fait de profil, diminuant ainsi l’aspect sinistre qu’il devait avoir. Saint André était presque de profil ; le restaurateur le présente de trois-quarts, d’une façon toute conventionnelle. Il a aussi transformé ce digne vieillard en un personnage à l’expression cauteleuse. La tête de saint Jacques le Mineur, une création du restaurateur, donne la mesure de son incapacité.
La Cène (apôtres gauche) — Leonardo da Vinci — 1494–1498 — Santa Maria delle Grazie — Milano
Il est important d’insister sur ces modifications car elle prouvent que l’effet dramatique de La Cène vient uniquement de la disposition et du mouvement des personnages et non pas de l’expression de leurs visages. Les écrivains qui ont critiqué l’aspect emprunté ou inexpressif de ces visages ont donné des coups d’épée dans l’eau. Presque tous les détails de la fresque sont en effet à coup sûr l’œuvre de restaurateurs successifs, et les visages, exagérément grimaçants, dans le goût de ceux du Jugement dernier de Michel-Ange, laissent supposer que la main à laquelle on doit le plus fut celle d’un médiocre peintre maniériste du XVIè siècle.
Kenneth Clark, Léonard de Vinci, 1939
On se demande alors ce qu’aurait pensé le peintre d’un tel carnage. Regardons ses plus fines toiles : la Joconde, la Dame à l’hermine, la Belle Ferronnière… On se doute alors que le résultat final de La Cène devait être majestueux. Évidemment, Léonard était un peintre célèbre, certainement un des plus célèbres de son époque, et les restaurateurs se sont certes attelés à restaurer l’œuvre magistrale d’un grand peintre, mais c’était sans compter que le maitre était un dessinateur, maîtrisant plus le disegno que la pittura. C’est là qu’apparaît tout le génie du peintre : son œuvre se perd dans un mur humide, disparaît lentement et personne n’arrive plus alors à partir des formes à savoir ce qui y avait été dessiné ; l’œuvre disparaît alors à jamais. Mais c’est quand-même bien la faute de Vinci, qui n’aurait jamais dû peindre sur ce plâtre de mauvaise facture.
Leonardo da Vinci — Etude pour la Cène — Venise — Galerie de l’Académie
La Cène (composition) — Leonardo da Vinci — 1494–1498 — Santa Maria delle Grazie — Milano
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Oct 22, 2014 | Arts |
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
C’est en tout cas ce que prétend la légende colportée depuis Giorgio Vasari, depuis la rédaction de ses Vite en 1550… Au-delà de la légende, on sait depuis bien longtemps que l’ange de gauche sur le tableau d’Andrea del Verrocchio, Le baptême du Christ, peint entre 1472 et 1475 n’est pas réellement de l’auteur qui a signé, mais de son élève le plus talentueux, un certain Leonardo da Vinci. Ainsi Vasari reporte-t-il cette petite légende :
Son très jeune disciple, Léonard de Vinci, y peignit un ange bien meilleur que tout le reste. Puisque Léonard, malgré sa jeunesse, l’avait ainsi surpassé, Andrea décida de ne plus jamais toucher un pinceau.
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ (détail des anges) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
Tandis que l’ange de Leonardo regarde le visage du Christ baptisé par Jean-Baptiste, celui de Verrocchio regarde l’ange de Leonardo, d’un air peut-être un peu soupçonneux (et pas vraiment dans l’axe de son sujet). Celui de Leonardo, s’il semble regarder effectivement le Christ, est un regard qui regarde ailleurs, presque déjà lointain, au-delà de tout ce que l’autre est capable de comprendre. Une belle image illustrée des rapports entre les deux peintres.
Avec cette liberté que prend Vasari en appelant ces maîtres par leur prénom, il forge à jamais la réputation de Léonard, tout en enterrant précocement Verrocchio, bien loin d’être mort. A cette époque, on travaille en atelier et le maître n’est souvent pas à l’origine de toutes ses pièces, qui sont retravaillées pendant des années, retouchées, refaites, refondues, etc. En l’occurrence, on peut observer au moins trois mains sur cette œuvre. La présence de l’ange aux côtés du palmier a de quoi surprendre tant la facture de l’un semble sensible et l’autre grossière. Verrocchio, lui, se consacrera essentiellement par la suite à ses arts de prédilection ; la sculpture et l’orfèvrerie. Alors la peinture, hein, il pouvait bien laisser cela à plus expert que lui…
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ (détail des drapés) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
L’oeuvre est assez hétéroclite avec toutes ces mains qui lui sont passées dessus. Selon les spécialistes, dont fait partie Kenneth Clark (Leonard de Vinci, 1967), l’ange en entier a été peint par Leonardo ; cela se voit surtout dans le drapé de la robe de l’ange, un drapé sur un tissu très rigide, sans souplesse, comme s’il était empesé.
Ce qui est le plus étonnant dans cette œuvre, c’est le paysage, un paysage qui n’est pas du tout dans la tradition des arrière-plans peints à cette époque, et c’est ici qu’on se rend compte que Leonardo ne s’est pas contenté de peindre un ange sur le tableau du maître. On voit clairement ici les prémices de ce que sera le paysage accompagnant le portrait de la Joconde.
Leonardo da Vinci — La Joconde (1503–1506) — Paysage droit — Le Louvre — Paris
Leonardo da Vinci — La Joconde (1503–1506) — Paysage gauche — Le Louvre — Paris
Ce qui atteste de l’authenticité de ce paysage de la main de Leonardo, c’est un dessin qu’on trouve dans la Galerie des Offices de Florence, un dessin datant du 5 août 1473, haché et nerveux, signé du futur peintre, reproduisant une vue classique de l’Arno, tel qu’on avait l’habitude de l’employer dans les peintures florentines de cette période.
Leonardo da Vinci — Paysage de la vallée de l’Arno — 1473 — Galerie des Offices — Florence
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ (détail du paysage) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ (détail de l’ange) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci — Le baptême du Christ (détail du paysage — HD) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Galerie des Offices — Florence
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Oct 8, 2014 | Arts |
Caravage, que d’autres, moins intimes préféreront appeler par son vrai nom, Michelangelo Merisi, a peint ce tableau aux alentours de 1602. De dimensions modestes (129 x 94 cm), l’œuvre a été commandée par le riche Ciriaco Mattei et fait partie d’un ensemble de sept peintures représentant Jean-Baptiste à différents moments de sa vie. Certains d’entre eux sont considérés comme ayant une origine controversée, n’étant peut-être pas peints par le maître lui-même. Le modèle est connu, c’est un jeune garçon du nom de Cecco, qu’on retrouve dans plusieurs des toiles du peintre, comme par exemple le Bacchus (1596) ou la vocation de Saint-Matthieu (ca. 1599).
Michelangelo Merisi da Caravaggio — le jeune Saint Jean-Baptiste au bélier — 1602 — 129 x 95 — Rome, Musei Capitolini, Pinacoteca
La licence artistique représente souvent Jean-Baptiste avec ses deux attributs : la peau de bête et le bâton croisé, mais ici Caravage décide de retourner à la tradition du Livre en n’adoptant pas la peau de mouton mais la peau de chameau. Quant au bâton croisé, il n’est pas présent, ou plutôt il n’est qu’évoqué au travers d’un morceau de bois grossier qu’on retrouve coincé sous le pied gauche du saint. C’est sur ces points qu’on peut dire que l’œuvre du Caravage n’est plus une œuvre sacrée, mais transversale entre sacré et profane. Ce qui frappe également, c’est que la représentation traditionnelle de Jean-Baptiste le fait être accompagné d’un agneau, symbole du martyre du Christ à venir, « l’agneau de Dieu » étant le surnom même de Jean-Baptiste. En l’occurrence, ce n’est pas un agneau mais bel et bien un bélier. On soupçonne alors Caravage d’avoir voulu faire un pont entre les deux testaments avec l’évocation du bélier du sacrifice d’Abraham. Ainsi, il rapproche la figure du frère du Christ et Isaac, fils d’Abraham. Mais le bélier porte en lui un autre symbole ; celui de la débauche. La position du jeune homme enlaçant cet animal à la vertu douteuse peut être interprétée comme un symbole de luxure, bien loin du sacré supposé du thème pictural. On peut arguer également que la présence d’un bélier, le décor sombre mais bucolique du fond du tableau, ainsi que la chevelure hirsute du personnage fait plus penser à une scène orgiaque de mythologie qu’à une scène religieuse. On se demande d’ailleurs pourquoi on trouve un morceau de tissu blanc, peut-être un drap, intercalé entre son étole et son corps. La feuille de raisin est autant un symbole de sacrifice, rappelant le rachat du pêché originel… que la vigne de Dionysos… Autant de petits indices qui laissent supposer qu’on n’est pas vraiment en présence d’une œuvre relevant du sacré.
Michelangelo Merisi da Caravaggio le jeune Saint Jean-Baptiste au bélier (composition) — 1602 — 129x95 — Rome, Musei Capitolini, Pinacoteca
En ce qui concerne la peinture elle-même, on remarque que la tableau se joue sur des lumières à la fois plus diffuses, moins tranchées que dans certains des plus grands tableaux de Caravage, comme justement la vocation de Saint-Matthieu qui reste un chef-d’œuvre du clair-obscur. On reste ici sur une palette très orange, avec une étole censée être rouge tirant sur le vermillon, et une carnation en lumière jaune. L’harmonie de teinte reste très serrée entre la peau du Saint, la laine et les cornes de l’animal, l’étole et le fond.
En ce qui concerne la composition, on peut dégager trois grandes lignes, des obliques partant du bas du côté gauche et quasiment parallèle. La plus basse suit le mouvement de la jambe droite, la seconde le bassin et la cuisse gauche, et la plus haute le creux du bras gauche replié sur lequel il prend appui jusqu’au bras droit enserrant le col de l’animal. Un autre grand ligne est une oblique partant du genou, remontant sur la hanche et enfin l’omoplate. Le tout compose les lignes principales d’un hexagone central.
Une autre grande ligne sépare le tableau en deux, passant par l’orteil du saint, sa hanche et l’œil du bélier, une grande ligne directrice qui pose l’axe principal du sujet et une fois de plus fait prendre au bélier une place primordiale dans le sujet.
En ce qui concerne la position du sujet, on en retrouve trace dans une œuvre antérieure, précisément dans une des plus grandes œuvres de la chrétienté ; le plafond de la chapelle Sixtine peint par Michelangelo Buonarotti, datant de 1509. La position du jeune Saint Jean-Baptiste est une citation directe d’un des personnages composant le groupe de la Sibylle d’Erythrée, un ignudo (nu). Ce personnage, représenté ci-dessous, possède une musculature puissante, comme presque tous les personnages de cette fresque, mais il a en plus subi une rectification, une diminution du volume de son bras droit. On observe que celui-ci est représenté dans une position parfaitement improbable ; la torsion entre ses hanches et ses épaules ne produit pas de torsion des muscles du buste et des abdominaux. On sait que Michel-Ange avait pris le parti de peindre ces personnages comme des figures idéales. Caravage, lui, prônait une bonne peinture qui imite la nature, une reproduction fidèle et non pas une idéalisation de la forme. Ainsi, cette scène est-elle certainement un pied-de-nez à Michel-Ange plutôt qu’une citation directe en forme d’hommage, sentiment renforcé par le sourire narquois et le regard frontal (pour ne pas dire effronté) du modèle, qui semble comme se moquer du peintre de la chapelle Sixtine.
Michelangelo Buonarotti — Ignudo — Chapelle Sixtine — 1509 — 756 x 1180
Cet ignudo se situe très exactement entre les scènes de Noé rendant grâce à Dieu et le Déluge, dans le premier quart gauche du plafond.
Michelangelo Buonarotti — Chapelle Sixtine — Plafond — 1509
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Oct 5, 2014 | Arts |
L’homme est connu sous plusieurs noms ; Caspar van Wittel naît à Amesfoort, en Hollande en 1653 et meurt à Rome en 1736, connu alors sous le nom de Gaspare Vanvitelli, et Gasparo degli Occhiali. Exilé volontaire depuis son plat pays avec sa famille, il s’installe à Rome et entreprend alors un tour des plus belles villes d’Italie, qu’il peint avec ferveur, exportant son savoir faire acquis auprès des maîtres hollandais de la peinture des paysages pour l’appliquer sur les vues qu’il traverse. On le considère, à juste titre, comme le père du védutisme italien au travers de ses œuvres picturales venant de Venise. Si Vanvitelli, qui s’est payé le luxe d’italianiser son nom, n’avait jamais fait le voyage, on se demande si les peintres Bellotto, Guardi et surtout Canaletto auraient rencontré le succès qu’on leur connaît. D’autre part, son fils Luigi a été nommé par le Pape alors qu’il n’avait que 28 ans, architecte officiel de Saint-Pierre de Rome. Une influence italienne non négligeable.
Vanvitelli est surtout connu pour ses études de Santa Maria della Salute, des dessins superbes, simples lavis sur du papier quadrillé et jauni, d’une force expressive hors du commun.
Gaspar Vanvitelli — La Piazza San Pietro, Roma
Gaspar Vanvitelli — Veduta del Campidoglio e dell’Aracoeli
Gaspar Vanvitelli — La fontana dei Fiumi a Piazza Navona
Gaspar Vanvitelli — Veduta di Castel Sant’Angelo da sud
Gaspar Vanvitelli — La Piazza San Pietro, Roma
Gaspar Vanvitelli — Canal et Santa Maria della Salute (étude)
Gaspar Vanvitelli — Veduta di piazza del Popolo a Roma
Gaspar Vanvitelli — Vue du Bassin San Marco depuis le Grand Canal
Gaspar Vanvitelli — La Piazza Navona
Gaspar Vanvitelli — Canal et Santa Maria della Salute
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Sep 30, 2014 | Arts |
L’aiguière aux oiseaux est un vrai trésor issu des échanges liés à l’histoire méditerranéenne. Elle est mentionnée par le moine bénédictin Dom Michel Félibien dans son Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France, en 1706, mais bien auparavant, on retrouve trace de cet objet déjà aux premiers temps de l’édification de la basilique puisque dans les œuvres-mêmes de l’abbé Suger, on en retrouve mention, dès la fin du XIè siècle. Si on ne sait pas vraiment d’où elle vient, ni dans quelles conditions elle est arrivée en France, on se doute tout de même qu’elle a pu être offerte en cadeau ou plus probablement volée ou sortie d’Egypte lors d’un pillage au milieu du XIè siècle. Ce que nous indique son couvercle en or, faussement de style oriental puisqu’on sait de source sûre qu’il a été fabriqué en Italie, c’est que l’objet a voyagé jusqu’à Saint-Denis en passant par un atelier d’orfèvrerie de haut rang, certainement dans le sud du pays. Orné de filigranes torsadés, de rosettes et de minuscules entrelacs de type « vermicelli », ce couvercle épouse l’ouverture en amande du bec verseur et « christianise » l’objet. (source Qantara)
L’histoire de son arrivée jusqu’à Saint-Denis demeure un mystère.
Aiguière aux oiseaux — Musée du Louvre — cristal de roche (Mr 333)
Ce qui fait de cet objet une rareté, c’est non seulement sa matière, puisqu’il a été réalisé dans du cristal de roche, d’un seul bloc. De dimension modestes, haute de 24cm et à peine large de 13,5cm, le décor réalisé sur son flanc en forme de poire représente des oiseaux stylisés enroulés autour de motifs floraux d’inspiration persane. Même l’anse n’est pas rapportée et fait partie du même bloc. La voir ainsi toujours solidaire du corps principal plus de 1000 ans après sa création en fait une pièce tout-à-fait exceptionnelle, même si la partie supérieure taillée en ronde bosse représentant certainement un oiseau ou un bouquetin, située sur le haut de l’anse a disparu.
Dom Michel Félibien — Trésor de Saint-Denis (1706) — Planche issue de l’Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France — détail
La technique utilisée par les artistes cairotes de la période fatimide est une taille par abrasion par des matériaux permettant une grande précision (sable et diamant) dans une pierre d’une dureté de 7 (le diamant étant à 10). Même si ce n’est pas évident au premier coup d’œil, la pièce de cristal de roche est creusée de l’intérieur, évidée par abrasion, ce qui représente un travail de longue haleine et de précision. A son point le plus fin, l’épaisseur au col n’est que de 3mm et il aura fallu à l’artiste passer un outil dans un goulet de moins de 2cm de large. On remarque aussi que la symétrie de la pièce n’est pas parfaite, certainement parce que l’artiste a été contraint par la forme de la pierre initiale.
La période de fabrication remonte très certainement au dernier quart du Xè siècle et elle porte au col une inscription en coufique signifiant “bénédiction, satisfaction et [mot manquant] à son possesseur”. Source Wikipedia.
On retrouve la mention de la présence de cet objet dans le trésor de Saint-Denis sur cette gravure de Dom Michel Félibien, sous le nom de vase d’Aliénor, mais on reconnaît bien sa forme, l’oiseau et le bec, ainsi que son couvercle en or portant chaînette.
Dom Michel Félibien — Trésor de Saint-Denis (1706) — Planche issue de l’Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France
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