Tri­pi­ta­ka Korea­na, biblio­thèque ou imprimerie ?

Tri­pi­ta­ka Korea­na, biblio­thèque ou imprimerie ?

C’est un grand monas­tère boud­dhiste entou­ré de rizières en ter­rasses niché au cœur du parc natio­nal de Gaya­san (가야산국립공원), au bout d’une route de mon­tagne, là où les âmes peuvent se repo­ser et s’ex­traire de la fièvre urbaine. Nous sommes au monas­tère de Haein­sa (Haein­sa Jang­gyeong Pan­jeon), le temple de l’o­céan Mudra (해인사, 海印寺), un des trois temples joyaux du boud­dhisme coréen et tête de l’ordre Jogye, dont la construc­tion remonte à l’an­née 802. Nous voi­ci arri­vés en plein cœur de la Corée du Sud. L’atmosphère est hau­te­ment spi­ri­tuelle et confi­née der­rière les murs en bois de ces bâtisses joli­ment peintes de cou­leurs vives, fer­mées par des volets verts ajus­tés entre des colonnes peintes en rouge sang et der­rière les cali­cots affi­chant avec fier­té les mes­sages du Boud­dha. Lorsque la neige n’a pas recou­vert ce pay­sage enchan­teur, c’est une nature ver­doyante qui enserre ce petit écrin joyeux et néces­sai­re­ment en dehors du temps.

Der­rière ces murs, à l’ombre du soleil esti­val et au son des clo­chettes tin­tin­na­bu­lantes, errent des ombres dra­pées de gris clair, une étole de corail savam­ment nouée autour d’une des deux épaules, arc­bou­tées sur un tré­sor dont elles sont les gar­diennes jalouses. Dans ses murs se trouve un des joyaux de la reli­gion coréenne ; le Tri­pi­ta­ka Korea­na, éga­le­ment connu sous le nom de Pal­man Dae­jang­gyeong. S’il est bien un endroit où l’on s’at­tend à trou­ver ce genre de tré­sor, c’est bien der­rière les murs d’un monas­tère plu­tôt que dans les caves cli­ma­ti­sées d’un musée natio­nal, car il s’a­git de la plus com­plète ver­sion et de la plus ancienne éga­le­ment du canon boud­dhique en écri­ture Han­ja (trans­crip­tion coréenne des carac­tères chi­nois). Si ce n’é­tait que ça, ce serait effec­ti­ve­ment un tré­sor ines­ti­mable, mais la par­ti­cu­la­ri­té de cette ver­sion est qu’elle n’est pas trans­crite sur papier, mais gra­vée sur des tablettes de bois, toutes réa­li­sées entre 1237 et 1248. Ce sont au total 81258 tablettes de 70x24cm, repré­sen­tant en tout 1496 titres et 6568 volumes. Cela semble pro­pre­ment ahu­ris­sant, d’au­tant que ce sont en tout 52 330 152 carac­tères han­ja ne com­pre­nant aucune faute d’or­tho­graphe ! L’é­pais­seur de chaque tablette variant entre 2.6 et 4 cm, cha­cune pèse entre 3 et 4 kilos.

Je n’ai pas dit toute la véri­té sur ce tré­sor. Si cette biblio­thèque de bois contient effec­ti­ve­ment la plus grande et la plus com­plète col­lec­tion de textes boud­dhiques, ce ne sont en réa­li­té pas de simples tablettes de bois sculp­té car si l’on prête atten­tion, on se rend compte que les carac­tères sont gra­vés à l’en­vers. En effet, le rôle qu’a pu tenir cet énorme stock de tablettes en bois est en réa­li­té d’a­voir pu être la source de tous les écrits boud­dhistes, repro­duc­tibles à l’in­fi­ni grâce à ces tablettes fai­sant office d’o­ri­gi­naux, dans le but de dif­fu­ser au plus grand nombre par simple appo­si­tion sur papier les paroles du Bouddha.

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La plus belle et la plus grande col­lec­tion de livre de Flo­rence, le renou­veau de la biblio­thèque publique

La plus belle et la plus grande col­lec­tion de livre de Flo­rence, le renou­veau de la biblio­thèque publique

On arrive au cœur de cette grande biblio­thèque après avoir fran­chi les portes de l’é­glise aus­tère de San Loren­zo à Flo­rence, là où est enter­ré le grand Côme de Médi­cis. Un fois arri­vé dans le cloître de la basi­lique à la façade inache­vée, on accède au lieu par un esca­lier à trois volées des­si­né par un cer­tain Michel-Ange. En fait d’une biblio­thèque publique, telle que l’a sou­hai­té celui qui en fut l’in­ven­teur et le prin­ci­pal pour­voyeur, Nic­colò Nic­co­li, ce n’est plus aujourd’­hui qu’un musée aus­tère, une immense salle de lec­ture vide à l’ac­cès payant où sont ran­gés les 3000 manus­crits qui consti­tuent le fonds d’o­ri­gine. 7000 autres manus­crits sont conser­vés dans des col­lec­tions pas fran­che­ment publiques. On y trouve plus de 125 000 livres impri­més, des manus­crits de Vir­gile datant du Vème siècle, quelques codex célèbres comme le Codex Amia­ti­nus, le Codex de Flo­rence et le Codex Squar­cia­lu­pi et sur­tout les Codex 0171 à 0176 qui ne sont ni plus ni moins que des textes du Nou­veau Tes­ta­ment écrits en onciales grecques datant du IVème siècle.

Les manus­crits de textes antiques étaient oné­reux, mais pour le col­lec­tion­neur avide, aucun prix ne sem­blait trop éle­vé. La biblio­thèque de Nic­co­li était célèbre par­mi les huma­nistes d’I­ta­lie et d’ailleurs, et bien que Nic­co­li fût soli­taire, ombra­geux et obtus, il ouvrait volon­tiers ses portes aux éru­dits qui vou­laient consul­ter ses col­lec­tions. A sa mort, en 1437, à l’âge de soixante-treize ans, il lais­se­ra ain­si huit cents manus­crits, consti­tuant de loin la plus grande et la plus belle col­lec­tion de Florence.
Pre­nant modèle sur Salu­ta­ri, Nic­co­li avait pré­ci­sé ce qu’il vou­lait voir adve­nir de ces textes. Pétrarque et Boc­cace espé­raient pré­ser­ver, après leur mort, l’in­té­gra­li­té de la col­lec­tion de manus­crits qu’ils avaient acquis ; mal­heu­reu­se­ment, ceux-ci avaient été ven­dus, dis­per­sés ou sim­ple­ment négli­gés. (Nombre de pré­cieux codex que Pétrarque avait mis tant de peine à ras­sem­bler et qu’il avait appor­tés à Venise pour for­mer le cœur de ce qui devait être une nou­velle biblio­thèque d’A­lexan­drie furent entre­po­sés, puis oubliés dans un palais humide où ils tom­bèrent en pous­sière.) Nic­co­li ne vou­lait pas voir l’œuvre de sa vie subir le même sort. Il rédi­gea un tes­ta­ment dans lequel il exi­gea que les manus­crits soient conser­vés ensemble, inter­dit leur vente ou leur dis­per­sion, fixa des règles strictes pour leur emprunt et leur retour, nom­ma un comi­té de conser­va­teurs et lais­sa une somme d’argent pour la construc­tion d’une biblio­thèque. Celle-ci devait être amé­na­gée dans un monas­tère, mais sans être, selon la volon­té expresse de Nic­co­li, une biblio­thèque monas­tique fer­mée au monde et réser­vée aux moines. Les livres devaient être acces­sibles non seule­ment aux reli­gieux, mais « à tous les citoyens culti­vés », omnes cives stu­dio­si[note]. Plu­sieurs siècles après la fer­me­ture et l’a­ban­don de la der­nière biblio­thèque romaine, Nic­co­li res­sus­ci­tait ain­si le concept de biblio­thèque publique.

[Note] En véri­té, Nic­co­li n’a­vait pas les moyens de ses ambi­tions : à sa mort, il était cou­vert de dettes. Mais cette dette fut annu­lée par son ami, Côme de Médi­cis, en échange du droit de dis­po­ser de la col­lec­tion. La moi­tié des manus­crits allèrent à la nou­velle biblio­thèque de San Mar­co, où ils furent conser­vés dans le mer­veilleux bâti­ment conçu par Miche­loz­zo ; l’autre moi­tié consti­tua le prin­ci­pal fonds de la grande biblio­thèque Lau­ren­tienne de la ville. Même si on lui doit sa créa­tion, l’i­dée d’une biblio­thèque publique n’é­tait pas propre à Nic­co­li. Salu­ta­ti l’a­vait aus­si appe­lé de ses vœux.

Ste­phen Green­blatt, Quat­tro­cen­to
Flam­ma­rion, 2013

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Pein­tures sur tranche

Annonciation sur la tranche d'un livre

Annon­cia­tion sur la tranche d’un livre

Cer­tains livres, bien qu’on ne s’en doute guère, recèlent des petits tré­sors, comme ces livres dont la tranche a été peinte de manière à ce que la pein­ture ne se voit que lorsque les pages sont dis­po­sées d’une cer­taine manière, peu natu­relle à vrai dire.
Il est tout à fait pos­sible qu’on n’en ait pas encore décou­vert qui sont de véri­tables œuvres d’art. A voir, plu­sieurs exemples sur La Boîte Verte.

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Les livres de Jacques Ier Androuet du Cerceau

Jacques Ier Androuet du Cer­ceau est un acteur majeur de la Renais­sance en ceci qu’il a lar­ge­ment contri­bué à faire connaître les monu­ments de cette période de l’his­toire de l’art fran­çais au tra­vers d’une somme aujourd’hui recon­nue comme étant une réfé­rence en matière de pro­pé­deu­tique de l’art (Les plus excel­lents bas­ti­ments de France).

Effec­ti­ve­ment, nombre d’ar­chi­tectes du XVIIème siècle se ser­vi­ront de ses tra­vaux comme d’une base de tra­vail. Aujourd’­hui on se sert encore des des­sins d’An­drouet comme d’une réfé­rence pour nombre de bâti­ments n’exis­tant plus ou ayant subi des modi­fi­ca­tions sub­stan­tielles, lui qui, bien qu’ar­chi­tecte de renom même à son époque, semble-t-il, a pas­sé la majeure par­tie de son exis­tence à des­si­ner et à gra­ver plu­tôt qu’à faire exé­cu­ter. Androuet, on le sent dans ses repré­sen­ta­tions, a été for­te­ment ins­pi­ré par Pal­la­dio, qu’il a par ailleurs cer­tai­ne­ment rencontré.

Ses œuvres majeures sont dis­po­nibles sur le site Archi­tec­tu­ra, de l’U­ni­ver­si­té de Tours :

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Le livre

C’est la meilleure muni­tion que j’aye trou­vé à cet humain voyage.

Michel de Mon­taigne, Essais, Livre III, cha­pitre II

Saint Tho­mas — peint par Georges de la Tour.
Vers 1630, huile sur toile, 71 cm x 56 cm

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