Nullarbor Desert

Pho­to © Georg Hol­de­ried

La terre de Nul­lar­bor est un lieu d’ab­sence, un désert sans arbre (nul­lus arbor : aucun arbre) sur la côte sud de l’Aus­tra­lie qui a la par­ti­cu­la­ri­té de n’être qu’un immense bloc de cal­caire plan­té sur le rivage de la grande baie. L’ex­plo­ra­teur Edward John Eyre en dira que c’est « une ano­ma­lie hideuse, une erreur de la Nature, un pay­sage de cau­che­mar » et c’est pré­ci­sé­ment en par­tie dans ce décor de théâtre et de nature rugueuse que David Fau­quem­berg a pla­cé l’ac­tion de son roman épo­nyme, Nul­lar­bor, pour lequel il a obte­nu le prix Nico­las-Bou­vier en 2007.

Nullarbor

Pho­to © Georg Hol­de­ried

Roman ini­tia­tique d’un petit Fran­çais débar­qué dans le bush aus­tra­lien, c’est un par­cours sur les routes ensa­blées de Nul­lar­bor, sur un cha­lu­tier déglin­gué par­ti en mer pour une pêche meur­trière avec pour com­pa­gnons des bala­frés beu­glant après leur palangre et débi­tant la pois­caille avec des surins grands comme des machettes. Et c’est aus­si une balade un peu pous­sié­reuse dans la man­grove infes­tée de cro­co­diles par­mi les bush­men qui l’a­dop­te­ront sous le sobri­quet démo­dé de Napo­léon, ceux-là même qui gui­daient Bruce Chat­win sur les pistes chan­tées, à cette dif­fé­rence près que ceux-là ne sont pas nus mais portent des cou­leurs cha­toyantes et des pré­noms far­fe­lus comme Augus­tus.
L’é­cri­ture de David Fau­quem­berg est enle­vée, concise et brute à la fois, elle exhale une vio­lence désa­bu­sée et le rythme sac­ca­dé d’une res­pi­ra­tion cou­pée là, juste sous le dia­phragme, elle porte en elle les stig­mates de ceux qui se sont esquin­tés sur la route en per­dant quelques dents dans les bagarres de bars éclai­rés au néon, tout en s’au­to­ri­sant par­fois un humour de potache qui n’est pas sans rap­pe­ler Hun­ter S. Thomp­son.

En arrière-plan, une étrange forme rose et mauve déri­vait len­te­ment, bous­cu­lée par la brise. Sa tente igloo d’oc­ca­sion, pré­vue pour une famille, sem­blait bien déci­dée à se faire la malle. J’at­ten­dais sans rien dire, qu’A­dam s’en aper­çoive. Alors, il s’est mis à cou­rir, ce que mani­fes­te­ment il n’a­vait jamais fait. Au lieu de pro­pul­ser sont corps vers l’a­vant, ses jambes se jetaient en arrière. Avec convic­tion, sans effet. J’ai aidé le poète à déclouer la tente des buis­sons épi­neux. Son visage ne tra­his­sait aucun aga­ce­ment, aucune sur­prise. Dans son monde, les objets se com­por­taient de manière chao­tique, hostile.
Sur la fron­tière de l’Aus­tra­lie-Occi­den­tale, les doua­niers fai­saient les cent pas à l’ombre de bâti­ments noirs. À perte de vue le désert et, au milieu, de petits fonc­tion­naires zélés, imbus de leur mis­sion hau­te­ment stra­té­gique : défendre fiè­re­ment les cou­leurs de l’É­tat. Un jour, elle serait le der­nier rem­part contre l’en­va­his­seur venu de l’est, et qui emprun­tait l’autoroute.

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