La terre de Nullarbor est un lieu d’absence, un désert sans arbre (nullus arbor : aucun arbre) sur la côte sud de l’Australie qui a la particularité de n’être qu’un immense bloc de calcaire planté sur le rivage de la grande baie. L’explorateur Edward John Eyre en dira que c’est « une anomalie hideuse, une erreur de la Nature, un paysage de cauchemar » et c’est précisément en partie dans ce décor de théâtre et de nature rugueuse que David Fauquemberg a placé l’action de son roman éponyme, Nullarbor, pour lequel il a obtenu le prix Nicolas-Bouvier en 2007.
Roman initiatique d’un petit Français débarqué dans le bush australien, c’est un parcours sur les routes ensablées de Nullarbor, sur un chalutier déglingué parti en mer pour une pêche meurtrière avec pour compagnons des balafrés beuglant après leur palangre et débitant la poiscaille avec des surins grands comme des machettes. Et c’est aussi une balade un peu poussiéreuse dans la mangrove infestée de crocodiles parmi les bushmen qui l’adopteront sous le sobriquet démodé de Napoléon, ceux-là même qui guidaient Bruce Chatwin sur les pistes chantées, à cette différence près que ceux-là ne sont pas nus mais portent des couleurs chatoyantes et des prénoms farfelus comme Augustus.
L’écriture de David Fauquemberg est enlevée, concise et brute à la fois, elle exhale une violence désabusée et le rythme saccadé d’une respiration coupée là, juste sous le diaphragme, elle porte en elle les stigmates de ceux qui se sont esquintés sur la route en perdant quelques dents dans les bagarres de bars éclairés au néon, tout en s’autorisant parfois un humour de potache qui n’est pas sans rappeler Hunter S. Thompson.
Tags de cet article: Australie, désert, littérature, solitudeEn arrière-plan, une étrange forme rose et mauve dérivait lentement, bousculée par la brise. Sa tente igloo d’occasion, prévue pour une famille, semblait bien décidée à se faire la malle. J’attendais sans rien dire, qu’Adam s’en aperçoive. Alors, il s’est mis à courir, ce que manifestement il n’avait jamais fait. Au lieu de propulser sont corps vers l’avant, ses jambes se jetaient en arrière. Avec conviction, sans effet. J’ai aidé le poète à déclouer la tente des buissons épineux. Son visage ne trahissait aucun agacement, aucune surprise. Dans son monde, les objets se comportaient de manière chaotique, hostile.
Sur la frontière de l’Australie-Occidentale, les douaniers faisaient les cent pas à l’ombre de bâtiments noirs. À perte de vue le désert et, au milieu, de petits fonctionnaires zélés, imbus de leur mission hautement stratégique : défendre fièrement les couleurs de l’État. Un jour, elle serait le dernier rempart contre l’envahisseur venu de l’est, et qui empruntait l’autoroute.
non tu ne me forceras pas à l’acheter. lire saymal
Je peux difficilement t’y forcer. Par contre, je peux insidieusement te donner envie. Enfin je dis ça.