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Toutes mes photos, jusqu’à présent, pouvait paraître quelque peu déshumanisées. J’aime la pureté des ensembles, j’aime quand une personne se trouve dans le champ qu’elle participe de l’enchantement du lieu, qu’elle s’y fonde, pas qu’elle soit en plus. J’aime aussi lorsque les gens occupent l’intégralité de l’image, qu’ils en soient le sujet principal.
Pendant toute cette semaine à Istanbul, j’ai l’impression d’avoir croisé des visages plein de sincérité, d’un accès facile, des traits souvent marqués par une existence beaucoup moins confortable que la nôtre, mais aux bonheurs simples, sans démesure.
J’ai l’impression aussi, d’une manière générale, que les Turcs sont des gens débonnaires; ils déambulent tranquillement, ne sont jamais pressés et pas stressés, ils marchent à leur rythme et par-dessus répugnent à emmerder les autres. Chose exceptionnelle, ils adorent les enfants. Cela tient à mon sens à la vision élargie de la famille dans lequel ils vivent ; sens de la famille et sens de la solidarité sont certainement deux choses importantes qui sont héritées de cette société ottomane à majorité musulmane et que l’on ressent fortement. Aussi, me promener sans but précis dans les rues de la capitale de l’Empire Ottoman avec mon petit bout de chou a été une expérience assez étonnante. Armé qu’il était de son topaç, une petite toupie qui fonctionne comme un gyroscope, nous nous faisions arrêter à tous les coins de rue par les vieux et les jeunes qui voulaient lui montrer comment on s’en servait (ou peut-être plutôt retomber un enfance l’espace d’une minute).
Vendeurs de patates et d’oignons, femmes habillées de tissus aux couleurs vives, Anatoliennes, buveurs de thé (çay), mangeurs de casse-croutes, vendeurs de kestane (châtaignes), de mısır (épis de maïs bouillis ou grillés, Mısır signifiant aussi Égypte), de simit (bagels au sésame), policiers, cireurs de chaussures cachés derrière leur barque dorée sur laquelle reposent parfois des dizaines de pots de cirage sous de petites cloches, enfants qui jouent dans les cours des mosquées, fumeurs de nargile, joueurs de tavla (backgammon), ulemas et imams plus ou moins barbus, bijoutiers, vendeurs dans le bazar, fidèles faisant leurs ablutions avant la prière, tisserands, gitans ramassant les cartons dans les poubelles, vendeurs d’osmanlı macunu (sucette colorée, au miel et aux 41 épices), femmes voilées jouant avec leur téléphone portable, jeunes garçons habillés de blanc et richement parés avant la cérémonie de la circoncision, traditionalistes d’Eyüp, jeunes femmes et femmes plus âgées cachant leur forme sous ce grand manteau sombre descendant jusqu’aux chevilles et leurs cheveux sous ces foulards ornés de motifs, visages ridés comme des pommes, yeux clairs et charmeurs, prieurs dans l’ombre des mosquées, promeneurs et lecteurs dans les cimetières, femmes vêtues de noir, vendeurs de tapis, gens assis aux terrasses des cafés et des restaurants, vieux assis en malmenant les perles de leur chapelet, joueurs d’instruments bizarres à cordes, femme mangeant un yaourt au pied d’une fontaine, jeunes couples prenant le vapur pour revenir à Sultanahmet, travailleurs se lavant les mains sur le bord du trottoir, marins russes dans le bazar égyptien, vieux hilares en sarwal, vendeurs de drapeaux turcs à l’effigie d’Atatürk à Eminönü, militaires en armes aux portes de Topkapı, vieux Vietnamien qui prend la tête à mon zouzou et qui a du mal à comprendre que tout le monde ne parle pas sa langue, Femmes Azéris aux fesses rebondies faisant tomber leurs valises dans l’aéroport, c’est à peu près tout cela dont parlent mes photos, c’est un bout de la vie turque dans laquelle je me suis plongé pendant une semaine, perdant mes repères, devenant Turc, goûtant la vie alaturca comme ils disent…
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