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Un saint pour les vœux à exé­cu­ter rapi­de­ment : Saint Expédit

Un saint pour les vœux à exé­cu­ter rapi­de­ment : Saint Expédit

Voi­ci un culte comme on n’en fait plus. Niché dans le cœur de l’île de la Réunion, se mani­feste le culte de Saint Expé­dit, un saint dont l’o­ri­gine se mélange entre une erreur mani­feste d’é­ti­quette et la sur­vi­vance du culte d’un autre saint plus ancien, mys­té­rieux, à l’exis­tence pas­sée remise en cause ; un curieux syn­cré­tisme en est né, quelque chose de propre à l’île et dont les popu­la­tions, dans leur grande diver­si­té, se sont appro­priées la figure. William Dal­rymple nous explique com­ment dans l’île on peut voir fleu­rir de petits sanc­tuaires peints en rouge sang sur le bord des routes, lieux de culte voués à ce per­son­nage étrange à qui il est cou­tume de faire des offrandes pour qu’il exauce “rapi­de­ment et sans délai” des vœux par­ti­cu­liers. Autant dire que l’é­glise chré­tienne regarde ce culte d’un œil torve et sus­pi­cieux, même si c’est elle qui se l’est approprié.

Saint Expedit

Sanc­tuaire de Saint Expe­dit à la Réunion — Pho­to © Chris­tophe André

Au cours de l’an­née 1931, une boîte conte­nant des reliques, expé­diée par le Vati­can, arri­va dans l’Île.
Quelque part, en cours de route, il semble que l’é­ti­quette por­tant le nom du saint ait dis­pa­ru, et la seule indi­ca­tion qu’on avait sur son conte­nu, c’é­tait un tam­pon por­tant le mot ita­lien : « Spe­di­to » (expé­dié). Ain­si débu­ta le culte de Saint Expé­dit, dont la popu­la­ri­té gran­dit d’an­née en année, si bien qu’à par­tir d’une simple erreur d’é­cri­ture, il devint le patron non offi­ciel de la Réunion, saint dont la bio­gra­phie uni­que­ment orale en vint à cris­tal­li­ser les espoirs et les craintes de nom­breuses eth­nies de l’île. Il y a main­te­nant près de trois cent cin­quante sanc­tuaires dédiés à saint Expé­dit. Ils se dressent à chaque croi­se­ment de routes, cou­ronnent chaque som­met, reposent au fond des ravins les plus déser­tiques. Ce sont, à la fois, des ora­toires pour les fidèles et des sen­ti­nelles sacrées qui pro­tègent des ter­reurs nocturnes. […]
Le confon­dant pro­ba­ble­ment avec saint Elpide (mar­tyre armé­nien du IVè siècle, mort à Eski Mala­tyal, Mély­tène à l’é­poque, Tur­quie), l’Église catho­lique locale a fait de lui un mar­tyr des pre­miers temps de l’Église, et il est repré­sen­té comme un jeune légion­naire romain, por­tant un plas­tron en argent et une tunique rouge. D’une main, il tient une lance, de l’autre la palme du mar­tyr ; sous son pied gauche, il écrase un cor­beau, sym­bole de sa vic­toire sur les démons ten­ta­teurs. Mais un cer­tain nombre d’at­tri­buts plus exo­tiques ont été ajou­tés à cette image conven­tion­nelle de la pié­té catho­lique. Les hin­dous ont inté­gré à leur pan­théon ce saint qui porte main­te­nant la cou­leur sacrée de l’hin­douisme, et ils voient en saint Expé­dit une incar­na­tion non offi­cielle de Vish­nou ; ceux qui dési­rent des enfants attachent à la grille de l’un de ces sanc­tuaires un mor­ceau de tis­su jaune safran. De même, les musul­mans indo-réunion­nais y sus­pen­dant des fils de coton, comme ils le feraient sur des lieux sacrés sou­fis du sous-continent.
Ce culte de saint Expé­dit s’est aus­si révé­lé popu­laire auprès des des­cen­dants des esclaves qui per­pé­tuent la croyance aux esprits de leurs ancêtres mal­gaches. A Mada­gas­car, la palme est asso­ciée à la mort, alors que la lance et le cor­beau de saint Expé­dit sym­bo­lisent le sacri­fice, fai­sant de lui un cha­man blanc. Trait plus exo­tique encore, cer­tains des sor­ciers de l’île ont don­né à ce culte un carac­tère plus sombre en déca­pi­tant l’i­mage du saint, soit pour neu­tra­li­ser son pou­voir, soit afin d’u­ti­li­ser cette tête pour leurs propres incantations. […]
— Il s’en ser­vait pour jeter des sorts, dit Lou­lou. Il pen­sait qu’en déca­pi­tant le saint, il le dépouille­rait de son pou­voir et s’en empa­rait pour son propre usage.
— Vous pen­siez que cet homme avait un cer­tain pouvoir ?
— Il nous ter­ro­ri­sait ; tout le monde croyait qu’il était très puis­sant. Mais, à la fin, les gens l’ont flan­qué dehors.

William Dal­rymple, L’âge de Kali
A la ren­contre du sous-conti­nent indien
Libret­to, 1998

Pho­to d’en-tête © Duval Gil­bert

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Nasir-ol-Molk, la mos­quée rose de Shiraz

Dans l’an­cienne capi­tale de l’empire Perse Shi­raz se trouve la très belle mos­quée de Nasir-ol-Molk (Nasir al-Mulk, مسجد نصیر الملك‎), une mos­quée chiite inau­gu­rée en 1888. La par­ti­cu­la­ri­té de ce monu­ment est que la salle de prière prin­ci­pale est ornée de superbes mosaïques et de vitraux hau­te­ment colo­rés que la lumière crue du soleil ira­nien vient frap­per. L’illu­sion colo­rée créée à l’in­té­rieur est tout sim­ple­ment magique, dans des domi­nantes de lumière rose.
Voir d’autres images superbes de la « Mos­quée Rose » sur Bored Pan­da.

Mosquée Nasir-ol-Molk, Shiraz - Iran

Mos­quée Nasir-ol-Molk, Shi­raz — Iran

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Moham­med V, pro­tec­teur des Juifs au Maroc

Moham­med V, pro­tec­teur des Juifs au Maroc

C’é­tait un roi comme les autres après tout, peut-être un peu plus qu’un roi puis­qu’il fut aus­si sul­tan, mais aus­si parce qu’il est consi­dé­ré comme le père fon­da­teur de la nation maro­caine moderne et qu’il fut déco­ré par le géné­ral de Gaulle. Moham­med Aïs­saoui, dans son livre L’é­toile jaune et le crois­sant, nous fait une brève des­crip­tion de l’at­ti­tude qu’eut Moham­med V envers les Juifs ins­tal­lés au Maroc depuis des géné­ra­tions. Si la France atten­dait de lui qu’il eut un rôle pré­pon­dé­rant dans les rafles qui auraient per­mis aux Alle­mands de dépor­ter les res­sor­tis­sants maro­cains de confes­sion juive, le monarque se com­por­ta en juste, ce qui fait de lui un poten­tiel can­di­dat au titre de « juste par­mi les nations » auprès du mémo­rial de Yad Vashem, ce qui ferait de lui le pre­mier musul­man de l’his­toire (car il y en eut d’autres) à por­ter ce titre.

Le sultan chérifien Mohammed V du Maroc

Le sul­tan ché­ri­fien Moham­med V du Maroc

Par son com­por­te­ment durant la Seconde Guerre mon­diale, Moham­med V fait la fier­té des Maro­cains et de tous les Magh­ré­bins qui n’ont jamais ver­sé dans l’an­ti­sé­mi­tisme. On connaît la légende du roi du Dane­mark qui aurait por­té l’é­toile jaune durant l’Oc­cu­pa­tion — mais ce n’est qu’une légende. On connaît moins celle du roi du Maroc, celle-là cor­ro­bo­rée par des faits. Alors sous pro­tec­to­rat fran­çais, le sul­tan a refu­sé que les Juifs de l’empire ché­ri­fien arborent l’é­toile jaune comme en France et comme vou­lait le lui impo­ser le gou­ver­ne­ment de Vichy. A l’é­poque, il y avait 200 000 Juifs au Maroc, le résident géné­ral Noguès repré­sen­tant de Vichy avait fait pré­pa­rer 200 000 étoiles jaunes. Serge Ber­du­go a racon­té que le sul­tan aurait alors répon­du à Noguès qu’il lui fal­lait rajou­ter une cin­quan­taine d’é­toiles jaunes : pour lui et les membres de sa famille. La phrase attri­buée à Moham­med V qui revient le plus sou­vent lorsque l’on évoque les années d’Oc­cu­pa­tion au Maroc est : « Les Juifs maro­cains sont mes sujets, et comme tous les autres sujets, il est de mon devoir de les pro­té­ger. » Il est clair que le sul­tan du Maroc a fait preuve de résis­tance face aux nazis, au moins une résis­tance pas­sive, en pre­nant par exemple tout son temps pour signer les décrets, et qu’il a pro­té­gé comme il a pu les Juifs de son royaume.

Moham­med Aïs­saoui, L’é­toile jaune et le croissant
Gal­li­mard, 2012

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