Jul 19, 2010 | Arts, Histoires de gens |

Galswinthe, fille d’Athanagild, roi des Wisigoths d’Hispanie, a vécu au VIème siècle, était reine des Francs et de Neustrie et femme du roi mérovingien Chilpéric Ier. Son nom signifie en gothique « Énergique dans la foi » et l’on trouve son nom orthographié sous les formes Galsuintha, Gailesuinda et Gelesuinta.
Son histoire, tragique, c’est l’évêque Grégoire de Tours qui nous la raconte (Histoire des Francs, livre IV, 28, 592 — traduction Robert Latouche.)
Ce que voyant le roi Chilpéric demanda sa sœur Galswinthe bien qu’il eût déjà plusieurs épouses ; il fit promettre par les ambassadeurs qu’il délaisserait les autres pour peu qu’il méritât d’avoir une femme digne de lui et de souche royale. Le père, accueillant ces promesses, lui envoya sa fille comme il avait fait pour sa précédente avec de grandes richesses, car Galswinthe était plus âgée que Brunehilde. Lorsqu’elle fut arrivée chez le roi Chilpéric, elle fut accueillie avec beaucoup d’honneurs et associée à lui par le mariage. Il éprouvait aussi pour elle un grand amour, car elle avait apporté avec elle de grands trésors. Mais son amour pour Frédégonde qu’il avait eue auparavant comme femme provoqua entre eux un grand différent. Elle avait déjà été convertie à la foi catholique et ointe de chrême. Or comme elle se plaignait constamment au roi d’avoir à supporter des injures et de ne jouir auprès de lui d’aucune considération, elle demanda la permission de rentrer librement dans sa patrie en laissant les trésors qu’elle avait apportés avec elle. Le roi feignant de nier la chose, l’apaisa par de douces paroles. Finalement il la fit égorger par un esclave et on la trouva morte dans son lit. […] Quant au roi, après avoir pleuré la morte, il reprit après quelques jours Frédégonde qu’il épousa […].
En l’occurrence, si la reine Galswinthe a connu des déboires qui ne l’ont pas pour autant inscrite en haut du tableau, je ne suis pas pour autant insensible au tableau d’Eugène Philastre fils, un peintre mineur à peu près inconnu dont la plus grande œuvre est conservée au musée de Soissons… Le tableau est un peu pompier, et son état de conservation laisse à désirer, mais en y regardant de plus près, on découvre un vrai trésor ; le corps de Galswinthe. Rarement on a représenté le corps d’une femme en peinture avec autant d’expression, à tel point qu’on pourrait presque le sortir du cadre et le faire poser pour un photographe moderne. Le traitement du mouvement, le torse en avant, bombé par le manque d’air, un bras replié sur la main qui lui enserre le cou, l’autre lâchement ballante ; tout indique que déjà elle s’abandonne à la mort. Le regard de la reine est déjà vide et ses lèvres entr’ouvertes laissent supposer qu’elle est en train de rendre son dernier souffle. Pourtant dans cette mort, on y voit — peut-être le fantasme du peintre* — une carnation claire, une peau parcourue par une chair de poule que l’on peut voir fleurir jusque sur le sein dont l’aréole est tendue, le pubis est projeté en avant, une jambe allongée, l’autre repliée, tout veut nous faire croire qu’elle se débat pour ne pas mourir. En réalité, je me pose la question de savoir si le peintre ne s’est pas exprimé de telle sorte que son modèle est plutôt perdu dans les affres du plaisir que dans la torture d’une mort naissante. On aurait voulu évoquer le vulgaire meurtre d’une reine qu’on y serait certainement allé avec un peu plus d’emphase et de manières… Mais je me trompe peut-être.
* Non, pas le mien…
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Jul 19, 2010 | Histoires de gens, Livres et carnets |

Édouard Ier, roi d’Angleterre, ayant expérimenté dans les longues guerres entre lui-même et Robert, roi d’Écosse, combien sa présence donnait d’avantage à ses affaires, attribuant toujours la victoire au fait qu’il menait l’entreprise en personne, [parvenu à] l’heure de sa mort, fit prendre à son fils, par serment solennel, l’engagement de faire bouillir son corps, quand il serait trépassé, pour séparer la chair des os et de la faire enterrer ; quand aux os, il devait les conserver pour les emporter avec lui, dans son armée, toutes les fois qu’il lui arriverait d’avoir une guerre contre les Écossais, comme si la destinée avait fatalement attaché la victoire à ses membres.
Jean Ziska, qui troubla la Bohème pour défendre les erreurs de Wycliffle, voulut qu’on l’écorchât après sa mort et que de sa peau on fît un tambourin pour porter à la guerre contre ses ennemis : il estimait que cela contribuerait à continuer les avantages qu’il avait eus dans les guerres qu’il avait conduites contre eux.
Michel de Montaigne, Les Essais
Livre I, Chapitre III, Collection Quarto Gallimard
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Jul 18, 2010 | Eclairs de génie |
Des portraits d’une simplicité étonnante, sous une lumière magique, sur les trottoirs d’Orchard Road à Singapore, par Danny Santos II.
(Sur Flickr également). Via Odwulf.

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Jul 16, 2010 | Livres et carnets |
C’est l’été, il fait presque beau, j’ai décidé de ne pas trop écrire et de partager quelques textes originaux. En plein dans le texte de Colin Thubron, l’ombre de la route de la soie, j’exulte devant une série d’anecdotes délectables, comme l’histoire de l’agneau végétal.

Photo © Sarah Macmillan
La Chine et l’Ouest continuèrent pourtant à vivre dans l’ignorance l’une de l’autre pendant des siècles. Ainsi les Romains, connaissant le coton, s’imaginèrent que la soie poussait sur des arbres, pendant que les Chinois se fondaient sur ce qu’ils savaient du ver à soie pour en déduire que le coton provenait d’un animal. Ils s’inventèrent donc un « agneau végétal », une créature surgie du sol, laquelle broutait secrètement la nuit et mettaient bas des petits qui donnaient du coton. Les Romains voyaient dans les lointains Chinois un peuple doux et béni ; simultanément, se répandait en Chine la rumeur, vague au départ, de l’existence d’une puissante monarchie élective, au-delà de la Perse, dotée de citoyens honnêtes et paisibles.
Colin Thubron, L’ombre de la route de la soie Folio, 2006, p148
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Jul 16, 2010 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Dès la première lecture, certaines dédicaces vous promettent des voyages dont on ne revient pas indemnes. Pour la deuxième fois de ma vie, je tente de me replonger dans les lignes sombres de Les sept piliers de la sagesse, l’œuvre sublime de Thomas Edward Lawrence dont j’ai interrompu la lecture la première fois parce que j’ai donné mon livre à un ami. J’en avais oublié la dédicace, poème superbe écrit par l’auteur à l’attention d’un ami disparu (certainement Sheikh Ahmed connu aussi sous le nom de Dahoum), un texte en forme de programme qui donne toute l’envergure du personnage, à la fois passionné, mégalomane très certainement et chargé d’une puissance à la hauteur du désert qui l’accompagna une partie de sa vie. Sur ce visage solaire, rayonnant, figé, ne transparurent jamais les scarifications d’une souffrance intérieure qui ne put être soulagée que dans les mots de cette œuvre magistrale, et dans une vie en tous points marginale, qui se termina au détour d’un virage sur la moto qu’il avait surnommé George VII, alors qu’il tentait d’éviter deux cyclistes.

à S.A.
Parce que je t’aimais
J’ai pris dans mes mains ces marées d’hommes ;
Avec les étoiles qui le sillonnaient,
Sur le ciel, j’écrivis ma volonté.
A ce prix, j’obtins pour toi la liberté,
Demeure sacrée aux sept piliers :
Ainsi tes yeux brillaient-ils pour moi
A mon arrivée.
En route j’eus pour servante la mort.
Nous approchâmes et t’aperçûmes qui attendais.
A la vue de ton sourire, pleine d’envie et de larmes,
Elle me devança, te prit à part,
Te fit pénétrer dans sa paix.
L’amour, las du chemin, aveugle, s’avança vers toi pour te toucher,
Notre salaire en ce bref instant,
Avant que la terre ne dessine mollement
Ta forme de sa main fouisseuse,
Que les vers sans yeux ne s’engraissent de ton corps.
A la prière des hommes j’édifiai notre œuvre,
La maison inviolée,
En souvenir de toi.
Pourtant je mis en pièces ce monument indigne
Avant de l’achever.
Voici que maintenant les créatures infimes, timidement sortent
Se hourder des masures
Dans l’ombre souillée de mon offrande.
Thomas Edward Lawrence, les sept piliers de la sagesse
Traduction de Renée et André Guillaume, Livre de Poche collection Pochotèque
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