Un thé à IstanbulVoi­ci une belle lec­ture comme on en trouve trop peu sou­vent. Un thé à İst­anb­ul n’est pas réel­le­ment un récit de voyage, car on ne voyage que dans les villes dans les­quelles on n’ha­bite pas (tout dépend de ce que l’on entend par habi­ter). En l’oc­cur­rence, l’au­teur de ce livre, Sébas­tien de Cour­tois, ne voyage pas à İst­anb­ul car il s’y est ins­tal­lé. Jour­na­liste sur France Culture, spé­cia­liste des Chré­tiens d’O­rient, l’au­teur ne cache pas que son amour pour la ville tient à sa pas­sion per­son­nelle, ain­si qu’à sa foi. Ce récit de ville, tel que l’in­dique le sous-titre, est une virée dans une ville qu’il connaît bien et dans laquelle on le sent vibrer au rythme des ren­contres qu’il y a fait, de l’a­mour qu’il y a trou­vé et cer­tai­ne­ment per­du, et de toutes ces petites choses qui racontent le chant d’une terre tra­ver­sée par une his­toire aus­si dou­lou­reuse que riche.
C’est à ces ren­contres qu’il nous convie, jusque dans son appar­te­ment dont il n’est pas vrai­ment le pro­prié­taire, puisque les étran­gers ne peuvent l’être. Son his­toire, c’est aus­si l’his­toire d’une navi­ga­tion à vue dans cette ville fas­ci­nante et qui appelle celui qui vient la décou­vrir à s’en­gouf­frer dans ses petites rues, dans ses petites his­toires aus­si bien que dans la grande, à habi­ter sa langue et à deve­nir stam­bou­liote.

Je me dois à une cer­taine fran­chise. Lec­teur, je t’é­cris d’une île. Oh, pas une de ces îles que l’on ima­gine en fer­mant les yeux et dont les reflets s’en vont avec la rosée. Non, une île bien réelle, la plus grande, la plus belle, l’a­vant-der­nière de ce cha­pe­let d’î­lots qui se trouve à une heure et demie à l’est de la pointe du vieux sérail. Par temps clair, ils appa­raissent dans le pay­sage d’Is­tan­bul, comme s’il était pos­sible de les tou­cher. Dès les pre­mières brumes, ils s’ef­facent, avant de dis­pa­raître com­plè­te­ment. Je pré­cise bien : l’a­vant-der­nière des îles, car il y en a plu­sieurs et l’une d’elles, la plus petite, s’ap­pelle Sedef Adası, l’« île de la nacre », avant le rocher de Léandre, repos des cor­mo­rans. Un mys­tère, une île aux rares mai­sons où l’on ne se rend que sur invi­ta­tion. Cer­taines cartes ne la men­tionnent même pas. Aucune ligne régu­lière de vapur ne la des­sert. Comme si elle n’exis­tait pas.

Sébas­tien de Cour­tois, Un thé à İst­anb­ul, récit d’une ville
Le Pas­seur édi­tions, coll. Che­mins d’é­toiles, 2014

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