Paul Cha­bas, 1912

Cer­tains tableaux méritent qu’on raconte leur his­toire, tant on y voit par­fois des fan­tasmes sau­gre­nus. Paul Cha­bas a peint ce tableau en trois été et l’a pré­sen­té en 1912 dans un Salon ; le sujet repré­sente une femme fris­son­nant sur le bord d’un lac, un matin de sep­tembre, comme le dit son titre. Il sem­ble­rait que Cha­bas ait don­né à son modèle le visage d’une Amé­ri­caine ren­con­trée avec sa mère, une rémi­nis­cence amou­reuse à qui il vou­lait cer­tai­ne­ment don­ner consis­tance. Pas­sant plu­tôt inaper­çu, le tableau est envoyé à Chi­ca­go, puis à New-York, où la bonne socié­té amé­ri­caine fait son pos­sible pour mas­quer le tableau aux yeux du public pour atteinte aux bonnes mœurs. Du coup, on se presse pour voir l’ob­jet du délit et le tableau entre dans l’his­toire comme “le tableau qui fait scan­dale”. Le tableau fut ven­du en Rus­sie, puis en France, pour retour­ner aux États-Unis où il est expo­sé aujourd’hui.
Ce qui fait cer­tai­ne­ment le mys­tère de ce tableau, c’est que rien ne jus­ti­fie qu’une femme attende nue au bord d’un lac, visi­ble­ment fri­go­ri­fiée, un main cou­vrant tant bien que mal une poi­trine d’a­do­les­cente, l’autre cachant son sexe, le regard tour­né vers la rive… On ne sait pas ce qu’elle fait là, si elle attend quelque chose, et sur­tout pour­quoi dans cette tenue. C’est peut-être là l’ob­jet de l’a­morce de scan­dale dont il fut l’ob­jet, c’est que l’é­ro­tisme char­mant qui s’en dégage ne ren­voie à rien de jus­ti­fiable ou de calculé.

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