Des cinq points en amours

De retour du châ­teau d’E­couen pour une visite théâ­tra­li­sée avec la troupe du Théâtre de la Val­lée, je découvre avec un cer­tain plai­sir ces quelques mots susur­rés de Clé­ment Marot, celui qui fut pro­tes­tant sans gran­de­ment le dire et grand coquin sans gran­de­ment le cacher…

Fleur de quinze ans (si Dieu vous sauve et gard)
J’ai en amours trou­vé cinq points exprès :
Pre­miè­re­ment, il y a le regard,
Puis le devis, et le bai­ser après ;
L’at­tou­che­ment le bai­ser suit de près,
Et tous ceux-là tendent au der­nier point,
Qui est, et quoi ? Je ne le dirai point :
Mais s’il vous plaît en ma chambre vous rendre,
Je me met­trai volon­tiers en pourpoint,
Voire tout nu, pour le vous faire apprendre.

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Por­trait d’une inconnue

Avec cette ico­no­gra­phie russe que je com­mence à bien connaître, j’a­vance pru­dem­ment, je décor­tique dou­ce­ment les codes de ce dix-neu­vième siècle incer­tain, écar­té entre Mos­cou et Saint-Péters­bourg, entre un peuple affa­mé confi­né dans un cam­pagne sou­mise la plu­part du temps sous des mètres de neige et une bour­geoi­sie et une aris­to­cra­tie qui n’ont pas hési­té à atti­rer à elles les plus grands écri­vains et artistes pour syn­thé­ti­ser le raf­fi­ne­ment de l’i­den­ti­té russe.

Ivan Kramskoi, portrait d'une inconnue

Ce por­trait (1883) peint par Ivan Kram­skoi (Иван Николаевич Крамской), un peintre très en vogue à la fin du dix-neu­vième siècle s’ap­pelle Por­trait d’une incon­nue et fait par­tie des pein­tures mys­té­rieuses qui ont eu un réel rôle dans la créa­tion à leur époque. En plus d’a­voir entre­te­nu le mythe de son abso­lu incon­nui­té, Kram­skoi a peint une incon­nue par­fai­te­ment sen­suelle ; joues rosées et pleines, fines lèvres rehaus­sées de rouge, sour­cils fins et regard las­cif. Son air à la fois hau­tain et déta­ché, sa pos­ture dans la voi­ture et ses habits riches (regar­dez le man­chon cou­su de rubans de velours bleu et les four­rures de son col) ont atti­ré sur elle les regards… et le scan­dale, car un visage sans nom et un air si pro­vo­cant ne peuvent être que celui d’une pros­ti­tuée. Peut-être, mais c’est en tout cas, selon cer­tains, ce tableau qui ins­pi­ra Tol­stoï dans la concep­tion d’Anna Kare­nine (Анна Каренина — 1887). Aujourd’­hui encore, on retrouve une repro­duc­tion de cette toile sur la plu­part des édi­tions du livre.

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Mati­née de septembre

Paul Cha­bas, 1912

Cer­tains tableaux méritent qu’on raconte leur his­toire, tant on y voit par­fois des fan­tasmes sau­gre­nus. Paul Cha­bas a peint ce tableau en trois été et l’a pré­sen­té en 1912 dans un Salon ; le sujet repré­sente une femme fris­son­nant sur le bord d’un lac, un matin de sep­tembre, comme le dit son titre. Il sem­ble­rait que Cha­bas ait don­né à son modèle le visage d’une Amé­ri­caine ren­con­trée avec sa mère, une rémi­nis­cence amou­reuse à qui il vou­lait cer­tai­ne­ment don­ner consis­tance. Pas­sant plu­tôt inaper­çu, le tableau est envoyé à Chi­ca­go, puis à New-York, où la bonne socié­té amé­ri­caine fait son pos­sible pour mas­quer le tableau aux yeux du public pour atteinte aux bonnes mœurs. Du coup, on se presse pour voir l’ob­jet du délit et le tableau entre dans l’his­toire comme “le tableau qui fait scan­dale”. Le tableau fut ven­du en Rus­sie, puis en France, pour retour­ner aux États-Unis où il est expo­sé aujourd’hui.
Ce qui fait cer­tai­ne­ment le mys­tère de ce tableau, c’est que rien ne jus­ti­fie qu’une femme attende nue au bord d’un lac, visi­ble­ment fri­go­ri­fiée, un main cou­vrant tant bien que mal une poi­trine d’a­do­les­cente, l’autre cachant son sexe, le regard tour­né vers la rive… On ne sait pas ce qu’elle fait là, si elle attend quelque chose, et sur­tout pour­quoi dans cette tenue. C’est peut-être là l’ob­jet de l’a­morce de scan­dale dont il fut l’ob­jet, c’est que l’é­ro­tisme char­mant qui s’en dégage ne ren­voie à rien de jus­ti­fiable ou de calculé.

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Fan­ny Hill, une fille de joie

Fan­ny Hill, or Memoirs of a Woman of Plea­sure, ou Mémoires d’une fille de joie est consi­dé­ré comme le pre­mier roman éro­tique. Écrit en 1749 par John Cle­land tan­dis qu’il pur­geait une peine de pri­son pour dettes, il ren­voya son auteur en pri­son pour inci­ta­tion à la débauche. Il fut inter­dit aux États-Unis jus­qu’en 1966.
Il sem­ble­rait que l’au­teur ait clai­re­ment fait un jeu de mots avec le nom du per­son­nage prin­ci­pal puisque Fan­ny, c’est la vulve et Hill, un mame­lon ou le Mont de Vénus. Tout un programme…
Le texte est inté­gra­le­ment dis­po­nible sur Gal­li­ca. Pour la petite his­toire, Edouard-Hen­ri Avril l’illus­tra et se spé­cia­li­sa par la même occa­sion dans l’illus­tra­tion éro­tique, d’un goût par­fois dou­teux… On pour­ra lire éga­le­ment le texte d’A­pol­li­naire sur l’œuvre.

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