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Dans les col­lec­tions de Jacquemart-André

Jeté comme ça, un peu en vrac, quelques unes des plus belles toiles qu’il m’ait été don­né de voir au Musée Jac­que­mart-André dans les col­lec­tions per­ma­nentes. Je sais qu’il m’en manque pas mal, notam­ment parce qu’il y a des salles que je n’ai pas vues, et pas des moindres, mais j’a­voue que pour le coup je me suis foca­li­sé sur Cana­let­to qui était quand-même l’ob­jet de ma visite. Dans les salons, je me suis exta­sié devant ces très beaux tableaux, comme notam­ment La toi­lette de Vénus et Le som­meil de Vénus de Fran­çois Bou­cher, chez qui on res­sent tou­jours une vita­li­té au niveau des car­na­tions, pour ne pas dire un cer­tain éro­tisme vachard. Voi­ci ce qu’en disait le peintre Millet :

J’ai eu même de la répul­sion très pro­non­cée pour Bou­cher. Je voyais bien sa science, son talent, mais je ne pou­vais com­prendre ses sujets pro­vo­cants et voir ses tristes femmes, sans son­ger com­bien tout cela était d’une pauvre nature. Bou­cher ne fai­sait pas des femmes nues, mais de petites créa­tures désha­billées : ce n’é­tait pas la plan­tu­reuse exhi­bi­tion des femmes de Titien, fières de leur beau­té jus­qu’à en faire parade, jus­qu’à se mon­trer nues tant elles étaient sûres de leur puis­sance. À cela il n’y a rien à répondre ; ce n’est pas chaste, mais c’est fort, c’est grand par l’at­trac­tion fémi­nine, c’est de l’art, et du bon. Mais les pauvres dames de Bou­cher, leurs jambes fluettes, leurs pieds meur­tris dans le sou­lier à talons, leur taille amin­cie sous le cor­set, leurs mains inutiles, leurs gorges exsangues, tout cela me repous­sait. Devant la Diane de Bou­cher, qu’on copie tant au musée, je me figu­rais voir des mar­quises de ce temps qu’il s’é­tait amu­sé à peindre dans un but peu recom­man­dable et qu’il avait désha­billées et pla­cées lui-même dans son ate­lier trans­for­mé en pay­sage. Je me repor­tais à la Diane chas­se­resse des Antiques, si belle, si noble et de la plus haute dis­tinc­tion de formes. Bou­cher n’é­tait qu’un entraîneur.

De Jean-Bap­tiste-Siméon Char­din, j’ai trou­vé deux belles grandes toiles, des des­sus de porte, Les attri­buts des arts et Les attri­buts des sciences, ain­si plus loin qu’une nature morte à la côte­lette… Char­din était un mon­sieur étrange, un brin rus­tique. On ne pense pas tou­jours à regar­der les pla­fonds, mais vous trou­ve­rez ici un superbe pla­fond peint sur papier marou­flé de Giam­bat­tis­ta Tie­po­lo, L’a­po­théose d’Her­cule. J’a­dore Tie­po­lo pour sa gran­di­lo­quence et ses com­po­si­tions aux points de vue plus qu’au­da­cieux, il livre quelque chose de l’âme véni­tienne. On ver­ra aus­si une toile très par­ti­cu­lière, un Por­trait du peintre par lui-même par Joseph Ducreux, un peintre pour ses auto­por­traits sati­ristes et irré­vé­ren­cieux, dont il fau­dra que je fasse un papier pour lui tout seul. On ver­ra aus­si des petites toiles, Ruines, trou­peau de mou­tons et de chèvre par Jan Wynants et deux allé­go­ries, L’A­bon­dance et La Nuit de Jan de Witt. On ver­ra aus­si dans la petite salle du fond, mal éclai­rée, cer­tains des tableaux les plus sombres de ces col­lec­tions, comme un Por­trait d’homme de Franz Hals, une œuvre tar­dive, auda­cieuse, réa­li­sée rapi­de­ment avec de grandes grif­fures de cou­leurs et des à‑plats inha­bi­tuels chez ce grand maître, mais aus­si un beau por­trait aus­tère du Doc­teur Arnold Tho­linx par le grand Rem­brandt Har­mens­zoon van Rijn et une autre toile, très connue, petite et rem­plie de mys­tère qu’est Les pèle­rins d’Em­maüs, dont je repar­le­rai éga­le­ment ici. On ver­ra aus­si des choses plus clas­siques comme le Por­trait du gra­veur Wille par Jean-Bap­tiste Greuze, une toile noble et rem­plie de silences et un pas­tel très vif et lumi­neux de Mau­rice Quen­tin de la Tour, le Por­trait d’un homme au pas­tel. Les ama­teurs de ruines ne man­que­ront pas de s’ar­rê­ter devant les Ruines d’une gale­rie du célèbre Hubert Robert

 

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11 heures de train en 3 minutes : Paris (Gare de Lyon) — Firenze (San­ta-Maria Novella)

Paris-Florence - Gare de Bardonecchia

Pour inau­gu­rer les quelques mots que je vais rédi­ger sur Osmanlı lale en ce qui concerne mon voyage à Flo­rence, je tenais à pro­duire une petite vidéo que j’ai pris un plai­sir fou à réa­li­ser. C’est une fois arri­vé à la Gare de Lyon — il était pour­tant tôt et l’es­prit était encore embru­mé — que j’ai eu cette idée et que j’ai ima­gi­né pou­voir faire ce qui peut res­sem­bler à une com­pi­la­tion de stock-shots, mais ce côté pure­ment arti­sa­nal me plait énor­mé­ment. Je suis drô­le­ment fier du résul­tat pour une pre­mière ten­ta­tive qui a bien failli ne jamais voir le jour. N’hé­si­tez pas à mettre en plein écran et à mon­ter le son, ça vaut le coup… (more…)

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Cita­tions exhumées

Lorsque j’é­tais étu­diant, épin­glées au-des­sus de mon bureau sur le liège, se trou­vaient des éti­quettes sur les­quelles j’a­vais noté cer­taines des cita­tions les plus coquasses ou les plus signi­fi­ca­tives au regard du sujet de mon mémoire. Dans les divers démé­na­ge­ments suc­ces­sifs qui ont eu lieu depuis cette époque, j’é­tais per­sua­dé de les avoir per­dues, mais au détour d’un car­ton exhu­mé de sous le lit, elles étaient là, col­lées les unes avec les autres, déla­vées, frois­sées, l’encre presque dis­pa­rue, les mor­ceaux de scotch jau­nis par le temps, comme si tout ceci remon­tait à une époque que je n’au­rais même pas pu connaître… Flo­ri­lège… (more…)

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Mys­té­rieux por­trait de femme du Fayoum (l’in­ven­tion de la pein­ture de che­va­let et du pointillisme)

Ne vous est-il jamais arri­vé de ren­con­trer une pein­ture qui vous trouble à ce point que vous n’ar­ri­viez pas à chas­ser l’i­mage de votre mémoire ? Ne vous est-il jamais arri­vé d’être à ce point trou­blé par le visage d’une femme que vous n’au­riez jamais pu connaître puisqu’elle est morte il y a des cen­taines d’an­nées, éloi­gnée de vous par un gouffre d’in­tem­po­ra­li­té, mais que vous vous disiez tout de même que vous auriez aimé la connaître ? C’est à peu près l’im­pres­sion que j’ai eu la pre­mière fois que j’ai vu ce visage peint exhu­mé du Fayoum.

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Magie bar­the­sienne des espaces

En 1975, Roland Barthes inau­gure une série d’au­to­por­traits, dans lequel il pro­po­se­ra au lec­teur un por­trait en forme de ful­gu­rances, de petites phrases qui ne man­que­ront pas d’é­vo­quer les Frag­ments, frag­ments héra­cli­téens qui disent une véri­té laco­nique et poussent au dépas­se­ment de soi. Pour moi, Barthes est au mieux dans son Jour­nal de deuil, le Barthes le plus poi­gnant, le plus authen­tique, le plus for­mu­laire. Roland Barthes par Roland Barthes, un joli conden­sé intimiste.

Vous êtes le seul à ne jamais vous voir qu’en image, vous ne voyez jamais vos yeux, sinon abê­tis par le regard qu’ils posent sur le miroir ou sur l’objectif (il m’intéresserait seule­ment de voir mes yeux quand ils te regardent) : même et sur­tout pour votre corps, vous êtes condam­né à l’imaginaire.

Roland Barthes par Roland Barthes [1975]
Seuil, col­lec­tion « Écri­vains de tou­jours », 1995.

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