The wil­der­ness downtown

Bien­ve­nue dans le monde des expé­riences Chrome. Le navi­ga­teur de Google créé son petit monde en se payant le luxe de coder des pages direc­te­ment en HTML 5, inter­di­sant de fac­to de le voir dans un autre navi­ga­teur que Chrome.
The Wil­der­ness Down­town est un film inter­ac­tif de Chris Milk — un habi­tué des spots publi­ci­taires — et illustre une chan­son d’Arcade Fire, sur l’al­bum The Sub­urbs, We used to wait.

L’ex­pé­rience visuelle est bluf­fante et l’or­ga­ni­sa­tion des fenêtres qui s’ouvrent les unes après les autres pour créer une véri­table ani­ma­tion qu’il aurait été si simple de coder en flash donne réel­le­ment l’im­pres­sion d’en­trer dans une nou­velle ère du web — qui aurait tout de même été ini­tiée par quelques jeunes fous dans les années 90. Pour par­ti­ci­per, il faut entrer le nom d’une ville, de pré­fé­rence une qu’on connaît bien, et c’est par­ti pour quelques ins­tants de magie ser­vis par une musique qui fonc­tionne parfaitement. 

Vous com­pren­drez alors la magie que ren­ferme cette petite chose hors du commun.

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Choses éru­dites

Revue Lit­to­ral

Revue créée dans les ornières lais­sées par le laca­nisme, l’in­té­gra­li­té de la col­lec­tion est dis­po­nible sur le site des édi­tions EPEL. On y retrouve énor­mé­ment de noms connus (éma­nant de Saint-Denis notam­ment comme Fou­cault, Sou­lez, Kre­j­bich) qui ont tous uti­li­sé le ter­reau de Lacan pour y explo­rer des che­mins pas­sant par tous les champs de la connais­sance entre 1981 et 1996. Comme le dit le site lui-même, la revue s’est arrê­tée à temps.

La criée

Rien à voir avec l’exer­cice de la pêche en haute mer ni même avec le res­tau­rant du même nom, la criée est un espace de col­lecte de la dif­fu­sion des pério­diques. On y recense des tas de réfé­rences vers des revues, pour la plu­part en ligne. Énor­mé­ment de revues, dans toutes les langues. Atten­tion tou­te­fois, forte teneur en gau­chisme (droi­tu­riers s’abstenir).

Eth­no­gra­phiques

Vingt numé­ros dis­po­nibles en ligne de cette très per­ti­nentes revue de sciences humaines et sociales; Quelques articles notam­ment sur le cha­ma­nisme (je dis ça au cas où…).

Eru­dit

Éru­dit est un consor­tium inter­uni­ver­si­taire com­po­sé de l’U­ni­ver­si­té de Mont­réal, de l’U­ni­ver­si­té Laval et de l’U­ni­ver­si­té du Qué­bec à Mont­réal. On y trouve toutes sortes de sup­ports, livres, thèses, docu­ments de recherche et de revues.

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Au col­loque des E2C…

Éton­nam­ment la chose a fait du bruit dans Lan­der­neau et il suf­fit de jeter un coup d’œil dans la presse en ligne pour voir qu’on en parle pas mal. Les E2C de France (écoles de la deuxième chance) se sont ras­sem­blées mar­di der­nier dans une des immenses salles du Car­rou­sel du Louvre et ont drai­né énor­mé­ment de monde. Ce ne sont pas moins de trois ministres qui se sont dépla­cés (Fade­la Ama­ra, Marc-Phi­lippe Dau­bresse et Laurent Wau­quiez), un par­terre de DRH et de patrons d’en­tre­prises, de for­ma­teurs (dont je fais par­tie), de jeunes entre­pre­neurs, et de jeunes sta­giaires de l’E2C, tous réunis autour d’A­lexandre Sha­jer, Oli­vier Jos­pin et Edith Cres­son, notre présidente.
J’ai rare­ment eu dans ma vie pro­fes­sion­nelle l’oc­ca­sion d’être réel­le­ment cor­po­rate et orgueilleux vis à vis de mes acti­vi­tés, mais je dois avouer que cette gigan­tesque messe dédiée à la mise en valeur de cette véné­rable (et toute jeune) école avait quelque chose de flam­boyant et nous a ren­voyé à la figure une image dont cha­cun de nous avons toutes les rai­sons d’être fier. Bien évi­dem­ment, le fait que les écoles de la deuxième chance existent pointe du doigt un sys­tème éli­tiste et une école qui ne laisse pas sa place à l’é­chec ; la pre­mière chance est mal­heu­reu­se­ment sou­vent la dernière.
J’é­tais assis entre la res­pon­sable du site d’Ar­gen­teuil et mon col­lègue Samy à côté de qui, à peu près à mi-col­loque, un vieux mon­sieur est venu s’as­seoir. Son visage me disait quelque chose, sans vrai­ment réus­sir à m’in­ter­pel­ler. Il a pas­sé tout son temps à lire la bro­chure du col­loque puis à feuille­ter un livre qu’il déte­nait mani­fes­te­ment en plu­sieurs exem­plaires dans son sac. Il avait cette pres­tance et cette façon si par­ti­cu­lière de s’ha­biller qu’ont les uni­ver­si­taires français.
J’ai fina­le­ment réus­si à lire sur la cou­ver­ture le nom qui était le sien. Pen­dant tout ce temps, j’é­tais assis non loin du plus grand des socio­logues français.

A la fin du col­loque, je me suis tour­né vers lui et lui ai deman­dé s’il était bien Robert Cas­tel, il m’a sou­ri et m’a dit oui avec un air presque embar­ras­sé (je me suis dit qu’on ne devait pas for­cé­ment le recon­naître tous les jours), alors je me suis pré­sen­té et lui ai dit que j’é­tais for­ma­teur, il m’a ser­ré la main, et nous avons un peu papo­té de son livre. Puis il m’en a ten­du un exem­plaire et m’a dit « Tenez, je vous le donne, de toute façon on m’en a don­né plein et je ne compte pas les rame­ner chez moi », il a nou­veau sou­ri, content de son mot. Il m’a sou­hai­té bon cou­rage et bonne conti­nua­tion dans cette voca­tion, puis s’en est allé ren­con­trer le vice-res­pon­sable du réseau.
Robert Cas­tel a notam­ment tra­vaillé avec Pierre Bour­dieu sur un livre trai­tant des usages sociaux de la pho­to­gra­phie, il a éga­le­ment tra­vaillé avec Michel Fou­cault et est aujourd’­hui direc­teur d’é­tudes à l’École des hautes études en sciences sociales.
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Extraits de la Pen­sée Sauvage

« La vie, c’é­tait l’ex­pé­rience, char­gée d’exacte et pré­cise signification »

HAN­DY, E.S. Crai­ghill et PUKUI, M. Kawe­ma : « The Poly­ne­sian fami­ly sys­tem in Ka-‘u, Hawai’i ». The Poly­ne­sian socie­ty, Wel­ling­ton, 1958

Chaque civi­li­sa­tion a ten­dance à sur­es­ti­mer l’o­rien­ta­tion objec­tive de sa pen­sée, c’est donc qu’elle n’est jamais absente. Quand nous com­met­tons l’er­reur de croire le sau­vage exclu­si­ve­ment gou­ver­né par ses besoins orga­niques ou éco­no­miques, nous ne pre­nons pas garde qu’il nous adresse le même reproche, et qu’à lui son propre désir de savoir paraît mieux équi­li­bré que le nôtre.

Habi­tants d’une région déser­tique de la Cali­for­nie du Sud où quelques rares familles de Blancs par­viennent seules à sub­sis­ter aujourd’­hui, les indiens Coa­huilla, au nombre de plu­sieurs mil­liers, ne réus­sis­saient pas à épui­ser les res­sources natu­relles ; ils vivaient dans l’a­bon­dance. Car, dans ce pays en appa­rence déshé­ri­té, ils ne connais­saient pas moins de 60 plantes ali­men­taires, et 28 autres, à pro­prié­tés nar­co­tiques, sti­mu­lantes ou médicinales.

« Ces gens sont des culti­va­teurs : pour eux les plantes sont aus­si impor­tantes, aus­si fami­lières que les êtres humains. Pour ma part, je n’ai jamais vécu dans une ferme et je ne suis même pas très sûre de recon­naître les bégo­nias des dah­lias ou des pétu­nias. Les plantes, comme les équa­tions, ont l’ha­bi­tude traî­tresse de sem­bler pareille et d’être dif­fé­rentes ou de sem­bler dif­fé­rentes et d’être pareilles. En consé­quence, je m’embrouille en bota­nique comme en mathé­ma­tiques. Pour la pre­mière fois de ma vie, je me trouve dans une com­mu­nau­té où les enfants de dix ans ne me sont pas supé­rieurs en math, mais je suis aus­si en un lieu où chaque plante, sau­vage ou culti­vée, a un nom et un usage bien défi­nis, où chaque homme, chaque femme et chaque enfant connaît des cen­taines d’es­pèces. Aucun d’entre eux ne vou­dra jamais croire que je sois inca­pable, même si je le veux, d’en savoir autant qu’eux. »

SMITH BOWEN Ele­nore, Le rire et les songes, Arthaud, Paris 1957

On infé­re­rait volon­tiers que les espèces ani­males et végé­tales ne sont pas connues pour autant qu’elles sont utiles : elles sont décré­tées utiles ou inté­res­santes parce qu’elles sont d’a­bord connues.

Extraits de La Pen­sée Sau­vage, Claude Lévi-Strauss,
Librai­rie Plon, Paris 1962

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Julius Win­some

Snow Crystal Landscape

Julius Win­some (roman de Gerard Dono­van) est un homme froid, iso­lé dans une cabane en bois au beau milieu de la forêt, presque à che­val sur la fron­tière, dans le Maine. Il vit dans un mai­son que lui a légué son père, une cabane aux murs recou­verts de livres, et se berce de mots dans une atti­tude mutique, proche de l’é­ré­mi­tisme le plus total. Ses quelques incur­sions en ville lui per­mettent de se pro­cu­rer le strict néces­saire, mais son idéal de vie consiste à faire pas­ser ses jours de retraite dans le doux silence de la forêt ennei­gée, avec son unique com­pa­gnon Hobbes, un chien aimant et patient.
Le décor est plan­té. Nous sommes en pleine nature. La neige est tombée.

Lime Tree Avenue in the Snow

Julius Win­some n’est pas un chas­seur, contrai­re­ment aux hommes de la région, mais il pos­sède une Enfield de sni­per que son père tenait de son propre père qui l’a­vait uti­li­sé pen­dant la pre­mière guerre mondiale.
Julius compte pas­ser des moments calmes, bai­gné dans la douce lec­ture de ses livres et par­ti­cu­liè­re­ment des son­nets de Sha­kes­peare, jus­qu’au jour où un coup de feu reten­tit tout près de sa mai­son, un coup de feu qui abat­tra net son com­pa­gnon Hobbes. Le per­son­nage prin­ci­pal va alors se trans­for­mer en une bête sau­vage, froi­de­ment cal­cu­la­trice et avec son Enfield, il va par­cou­rir la cam­pagne blanche pour abattre à son tour les chas­seurs des envi­rons. Com­mence une douce des­cente aux enfers dans le silence étouf­fé de ce cau­che­mar blanc, l’ap­pren­tis­sage de la souffrance.

Je n’at­ten­dais rien et rien n’est arri­vé. Une épaisse couche de glace s’est glis­sée dans mon coeur. Je l’ai sen­tie s’ins­tal­ler, grip­per les sou­papes et apai­ser le vent qui souf­flait dans ma car­casse. Je l’ai enten­due se pla­quer sur mes os, insé­rant du silence dans les endroits fra­giles, dans tout ce qui était bri­sé. Mon coeur a alors connu la paix du froid. J’ai renon­cé à mon ami, et la veillée noc­turne s’est ter­mi­née : désor­mais, seul son esprit vien­drait me rendre visite.

La souf­france de Win­some va se muer tout dou­ce­ment en ins­tinct meur­trier dans lequel la morale n’a plus sa place ; on ne se pose plus la ques­tion de savoir si tuer est bien ou mal. Toute la ques­tion est de savoir si la ven­geance froide devient un bon moyen de pan­ser ses plaies.

La nuit m’a dur­ci comme un bâton et m’a bran­di contre le monde. J’é­tais un bâton mena­çant l’u­ni­vers. J’ai regar­dé ma main qui agrip­pait la crosse. J’é­tais le fusil. J’é­tais la balle, la cible, la signi­fi­ca­tion d’un mot qui se dresse tout seul. Voi­là le sens du mot “ven­geance”, même lors­qu’on le couche sur le papier.

frozen willow

Gerard Dono­van nous sert un roman cru et froid comme un cadavre dans la neige. C’est une ode à l’a­mi­tié, le sou­ve­nir d’un amour per­du et enfin un grand cri de soli­tude adres­sé à tous les dis­pa­rus, dans ce qu’il y a de plus dou­lou­reux. Ce roman éclate comme un coup de fusil dans la forêt, un éclat métal­lique qui se plante dans la chair et nous invite à nous poser une der­nière fois la ques­tion du deuil. Des mots trou­blants qui trouvent un écho au creux de mon existence.

J’ai décou­vert la forme du deuil, et elle m’est deve­nue fami­lière, puisque le moindre recoin, le moindre banc de Fort Kent me rap­pe­laient mon père, tous les endroits qu’il fré­quen­tait. Com­bien de fois suis-je pas­sé devant sa tombe en allant ache­ter du pain et du lait — sur­tout les pre­mières semaines après la dis­pa­ri­tion de l’homme avec qui j’a­vais par­ta­gé les trente pre­mières années de ma vie -, et je me suis deman­dé com­ment tant de science et d’ex­pé­rience avait pu s’é­teindre comme une lampe.

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