Jan 6, 2019 | Chambre acoustique, Sur les portulans |
Kulning
Le chant des éleveurs au coeur de l’hiver
Un chant de gardeurs de troupeaux
Tandis que certains éleveurs se contentent de garder leur troupeau en leur parlant, d’autres leur adressent des chants comme des incantations à travers la nature. C’est ainsi qu’en Suède (kulning) et dans certaines parties de la Norvège (kaukning), les éleveurs lancent leurs cris à travers les montagnes et les plaines dans le but que la voix porte au plus loin afin de rassembler leurs bêtes. On oublie parfois que le yodel a d’abord eu cette vocation avant de devenir une part du folklore chanté de la Suisse.
La blogueuse et photographe suédoise Jonna Jinton s’est faite la porte-parole de ce savoir ancestral en se mettant en scène dans la nature pour exprimer ce chant à la fois mélancolique et tonique, fait de demi-tons et de quarts de tons, impliquant une voix haut-perchée, suraigüe et puissante.
La chanteuse et compositrice Maria Misgeld nous livre également un très beau chant. A écouter les jours sombres où l’on a besoin de lumière et de chaleur.
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Apr 1, 2018 | Livres et carnets |
Non je ne reviens pas d’Inde, sans quoi ça se saurait. Car ce que je fais se sait. Sauf quand on croit que j’ai fait des choses que je n’ai jamais faites, auquel cas je laisse tout le monde croire. Croire permet de combler le vide de l’existence des gens. Comme la religion par exemple. Croire plutôt que savoir. Non, ce qui compte, c’est le bonheur et lire un livre qui ne rend pas heureux, ou ne pas lire un livre qui rend heureux n’a au final aucun intérêt. J’en discutais il y a peu avec Sophie dans mon salon tandis qu’elle était justement sur le point non pas de partir au Bengale mais au Rajasthan et je lui disais que j’étais capable de rester longtemps sur un livre si celui-ci me rendait heureux, et que généralement je faisais tout pour en différer le moment tragique de la fin. Alors je me suis laissé embarquer dans un livre qui m’a emmené jusqu’à Darjeeling, dont le nom venu du tibétain, Dorje Ling, signifie la « cité de la foudre ».
D’ailleurs, je me rendis compte que malgré le temps que l’on avait passé ensemble et tous les services qu’il m’avait rendus, je ne lui avais toujours pas demandé son prénom. Je m’en excusai auprès de lui.
« Aucun problème, sir, dit-il. De toute façon, mon nom est tellement long et difficile que j’arrive moi-même à peine à l’écrire. Je m’appelle Gautham Gangaikondakanchipuram. Mais vous pouvez m’appeler Gaga, comme le font mes frères et sœurs.
— Gaga, comme Lady Gaga ? » demandai-je en plaisantant.
Mais il me regarda en se demandant de quoi j’étais en train de parler.
« Non, Gaga tout court, sir. »
Alors voilà. J’ai lu un livre qui m’a rendu heureux pendant tout le temps où je l’ai lu, parce que c’est un livre simple et joyeux, et qui, contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, n’est pas la chronique d’un voyage en Inde, mais plutôt une ode à la plus merveilleuse des façons de se poser la question de la lâcheté chez un homme. Au final, je crois, il n’y a rien de plus à en dire, si ce n’est qu’il a éclairé un printemps qui ressemble à la queue de la comète d’un hiver sans fin. Ce livre, c’est un gros livre édité chez Babel, traduit du suédois par Emmanuel Curtil et écrit par Mikael Bergstrand, dont je ne connaissais ni le nom ni même l’existence. Dans les brumes du Darjeeling pourrait être la version écrite et un peu moins foutraque de À bord du Darjeeling Limited, sauf qu’ici il est question d’un quinquagénaire suédois manquant cruellement de confiance en lui. Il y est question d’humour, de nourriture et de thé, de sexe et d’amour, de brumes et de chaleur, de ce qui fait la vie en somme. Le reste n’a pas vraiment d’importance.
Sur le trajet, Yogi me demanda si j’étais satisfait du costume en tweed que l’on m’avait commandé.
« Oui, il est joli. C’est juste que je m’étais imaginé autre chose. Mais on dirait que les commerçants indiens sont tout simplement incapables de dire qu’ils n’ont pas ce que l’on cherche. C’est très agaçant.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il serait beaucoup plus honnête de dire les choses telles qu’elles sont, pour que l’acheteur puisse en tenir compte et faire son choix à partir de là. »
Yogi couvrit ses oreilles avec le bonnet qu’il venait d’acheter et me regarda d’un air sceptique.
« Alors là, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose que tu n’as pas tout à fait compris, mister Gora. L’intention du tailleur, et il n’y a rien de plus honnête, était de te vendre un costume afin que votre rencontre profite à tous les deux. S’il t’avait juste dit : “Non, nous n’avons pas cette couleur!”, tu n’aurais pas eu l’occasion de voir les autres magnifiques nuances de ton et d’épaisseur qu’il avait à te proposer, et tu n’aurais donc pas eu la possibilité de reconsidérer ton choix avec toute la réflexion dont un esthète de ton calibre a besoin. En réalité, le tailleur t’a rendu un grand service en te donnant accès à tout un spectre de couleurs qui t’a permis de découvrir de nouvelles facettes et de nouveaux goûts insoupçonnés. Grâce à cela, tu seras, dans quelques jours à peine, l’heureux propriétaire d’un tout nouveau costume en tweed. Et cela m’emplit, moi aussi, d’une joie incommensurable, mister Gora. Donc au lieu de rester bredouilles et frustrés, nous ressortons de ces quelques minutes d’entrevue tous les trois pleinement satisfaits. Toi, le tailleur et moi. Et ça, n’est-ce pas la plus merveilleuse des choses, mister Gora ? »
Je regardai mon ami avec un sourire affectueux et imitai sa voix :
« Alors là, mister Yogi, il n’y a rien de plus vrai au monde ! C’est même la chose la plus extraordinaire et la plus merveilleuse que l’on puisse imaginer ! »
Décidément, il n’y a pas de plus merveilleuse façon de se divertir qu’avec un livre qui rend heureux…
PS : petit message en forme de vœu : je suis de retour…
Photo d’en-tête © Vik
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Jan 2, 2012 | Arts |

Peintre connu pour ses aquarelles, le Suédois Carl Larsson s’est également illustré dans la décoration d’intérieur, passion qu’il fit partager en peignant des scènes de sa propre maison, la célèbre maison rouge de Sundborn. Sensuel et chaleureux, d’origine modeste, il fait partie de ces artistes professionnels dont les revenus de l’activité arrivaient à subvenir aux besoins de sa famille, ce qui fit de lui quelqu’un de profondément indépendant. Monument national en Suède, il incarne la douceur de vivre des jours de l’enfance, mais également le quotidien sous toutes ses formes et surtout les traditions populaires suédoises comme la fête de Sainte Lucie et Jul, le Noël suédois.
J’ai déposé en ligne une galerie de ses œuvres les plus représentatives sur ce site.

Portrait de sa fille Britta en costume d’Iðunn

- De très nombreuses œuvres de Larsson classées par thèmes
- Lisbeth et la neige (billet sur ce site)
- Madame Larsson (billet sur ce site)
- Localisation de la maison de Sundborn sur Google Maps
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Jan 30, 2011 | Arts, Livres et carnets |
Au lever il fait froid, il fait presque soleil, vaguement. Je me suis levé sur les coups de sept heures, la gorge sèche, pour boire un coup, calmer le feu qui s’anime à l’intérieur. J’ai rêvé d’aquarelles et d’un voyage dans le désert ; une femme touareg au loin engoncée dans ses draperies bleues me fixait depuis le toit poussiéreux d’une maison en adobe, son regard vert intense ne cillant qu’à peine. J’ai rêvé de mouettes volant au-dessus de la terre verte (Kalaallit Nunaat).
En octobre, les couleurs de la nature sont plus vives, plus nettes et plus nombreuses que pendant les autres mois de l’année. La glace, dans la mer, prend des couleurs avec le soleil bas et rayonne fortement de bleu, de rouge et de violet, et les sommets des montagnes, qui, chaque matin, sont saupoudrés de neige, brillent d’un bleu de glace toute la journée, pour virer au rose, et finalement au rouge sang le soir. Pendant une courte période, on peut à nouveau diviser les vingt-quatre heures en jour et en nuit, et personne ne comprend où est partie la longue journée claire de l’été, ni comment on va pouvoir survivre à la nuit éternelle de l’hiver.
Le pire en octobre, c’est le silence. L’agitation de l’été disparaît, la mer gèle de plus en plus, couvrant ainsi les dernières flaques, les rivières coulent de plus en plus faiblement pour enfin se figer, la neige nouvelle feutre l’agréable crissement des cailloux sous les bottes, et les oiseaux sont partis pour des régions plus accueillantes. On découvre une fois qu’ils sont disparu à quel point ils chantaient bien et fort. Au cours de ce mois étrange, on n’entend plus que le cri des corbeaux, quelques appels de goélands du haut ciel bleu et, loin sur la mer, le souffle d’ailes de quelques mouettes attardées.
Le rat, in Un safari arctique
Jørn Riel, Ed 10/18

J’ai découvert Anders Zorn un peu par hasard, en feuilletant une revue, je ne me rappelle plus quand ni où, mais j’ai le souvenir persistant de ces femmes nues au bord de l’eau, peintes dans des carnations troublantes, des peaux veloutées et des regards lascifs ou provocateurs. On sent dans l’œuvre de Zorn une certaine violence dans les couleurs, un trouble romantique et l’angoisse du sujet. Je reproduis ici un mini ZornMuseet autour de ces femmes prises sur le vif, sensuelles et callipyges, peintes sans pudeur ou offertes, souvent en présence de l’élément liquide, pour une raison qui m’échappe. La dernière œuvre est une gravure mettant en scène l’auteur et un de ses modèles dans une mise en scène tout à fait étonnante de modernisme…
Si Zorn reste marginal parmi les plus grands peintres, sa notoriété s’est envolée de manière spectaculaire le 3 juin 2010, lorsqu’une de ses plus lumineuses toiles, Sommarnöje (Plaisirs d’été, peinte en 1886) a été vendue 26 millions de couronnes suédoises (soit près de 3 millions d’euros). Ce tableau est majestueux ; il suffit de se rapprocher et de regarder le traitement de la matière de l’eau et de la robe de la femme. Un chef d’œuvre de lumière nordique.
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Nov 18, 2010 | Arts |
Décidément, personne ne sait peindre les neiges comme Carl Larsson… Il y a de la magie et des flammèches de lumière dans ces aquarelles suédoises…


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