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Un Esto­nien mini­ma­liste et mystique

Arvo Pärt fait par­tie de ces hommes que la dis­cré­tion et la pas­sion font pas­ser pour des maîtres incon­tes­tés dans leur dis­ci­pline. Fervent chré­tien, il a long­temps tra­vaillé sur les chants gré­go­riens et la reli­gio­si­té en musique ; sa musique est imbi­bée d’un mys­ti­cisme lumi­neux et tous ses tra­vaux sont ins­pi­rés par le sen­ti­ment d’hu­mi­li­té et par un dépouille­ment qu’il est d’u­sage de trou­ver dans l’ar­chi­tec­ture mona­cale. Esto­nien d’o­ri­gine, il est alle­mand de cœur car il a fui son pays autre­fois sovié­tique, ron­gé par la cen­sure. Arvo Pärt créé une musique mini­ma­liste, à l’ins­tar de ses contem­po­rains, Phi­lip Glass, Steve Reich ou Ter­ry Riley. Il est d’ailleurs le créa­teur du Style tin­tin­na­bu­lum et ne tra­vaille tou­jours qu’a­vec peu d’élé­ments. La pièce ci-des­sous, Pari Inter­val­lo a été éga­le­ment jouée par 4 flûtes à bec.

[audio:pari_intervallo.xol]

Fratres est une pièce impor­tante de son œuvre, qu’on retrouve éga­le­ment dans le film des frères Cohen, No Coun­try for Old Men.

[audio:fratres.xol] (more…)

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Glis­ser du haut d’une tour de beurre…

Au XIIè siècle, l’au­to­ri­té pon­ti­fi­cale de l’É­glise Catho­lique Romaine léga­lise l’indul­gence, un acte mon­nayable par lequel on obtient rémis­sion par­tielle ou totale de la peine tem­po­relle en rela­tion avec un péché par­don­né lors de la confes­sion. Ain­si, les caisses de l’É­glise se rem­plissent bien vite, car les plus riches des fidèles se paient le luxe de com­mettre des péchés dont ils obtiennent rémis­sion de peine en payant rubis sur l’ongle. C’est sur­tout vrai à une époque où la splen­deur d’un évê­ché se mesure à la taille de son cathèdre, donc de l’é­glise qui va avec, la Cathé­drale (c’est bien la taille qui compte). Construire ces pieux monu­ments est un enga­ge­ment de frais astro­no­miques, et si on assiste fré­quem­ment à des détour­ne­ments de fonds ou des méthodes peu recom­man­dables de finan­ce­ments, l’indul­gence y prend une grande part. Ain­si, on voit les cathé­drales de Bourges et de Rouen se parer d’une « Tour de beurre ». Ce nom pour le moins étrange n’a rien à voir avec la cou­leur tendre de celle qu’on peut admi­rer à Rouen et qui s’é­lance à 75 mètres du sol, dans un délire de détails en fai­sant un fleu­ron de l’ar­chi­tec­ture gothique dite « flam­boyante », mais évoque les nom­breux cachets reçus de la part des fidèles qui se per­met­taient de consom­mer des matières grasses pen­dant le Carême et s’of­fraient ce droit, puis­qu’a­près tout, ce n’é­tait  pas si inter­dit que ça…

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La Royau­mont de Saint-Louis

Une belle après-midi prin­ta­nière, une bou­teille d’eau coin­cée dans le sac-à-dos entre les objec­tifs et l’ap­pa­reil, deux car­nets dans la poche et c’est par­ti sur les routes du Val-d’Oise, à une tren­taine de kilo­mètres de Paris à vol d’oi­seau, exac­te­ment à la limite qui sépare l’Île de France et la Picar­die, der­rière les champs de col­za, les étangs de pêche et un pay­sage d’une pla­ti­tude mono­tone. Par­tir de l’autre côté, sur la route à contre­point. Arri­vée à Asnières-sur-Oise, au hameau de Baillon.

Abbaye de Royaumont

Royau­mont est une abbaye fon­dée par Louis IX entre 1228 et 1235. Celui qui sera cano­ni­sé pour ses actes de pié­té contrite et sa croi­sade par­tiel­le­ment échouée n’a­vait rien d’un joyeux luron (celui-là même qui mou­rut de dys­en­te­rie au bord de la natio­nale 9) et c’est dans ce lieu de médi­ta­tion qu’il se reti­rait pour com­pul­ser les livres de l’arma­rium du cloître. Le lieu est d’ailleurs ponc­tué de cita­tions des œuvres de Guillaume de Saint-Pathus nar­rant la vie et les habi­tudes ô com­bien… sti­mu­lantes de Louis IX. Prières à tous les repas, et même au milieu d’une nuit géné­ra­le­ment courte (les heures cano­niales ne laissent point le temps de se reposer).
Sa mère, Blanche de Cas­tille était, elle, une habi­tuée d’une autre abbaye du dépar­te­ment, Mau­buis­son qu’elle fon­da en 1241 sur la com­mune de Saint-Ouen-l’Aumône.

[audio:funerailles.xol]
Abbaye de Royaumont

On com­mence la visite par un grand parc ombra­gé très sobre, peu fleu­ri mais la sai­son s’y prête peut-être encore assez mal. Il fait bon flâ­ner dans ces larges allées sous les fleurs des marronniers.

Abbaye de Royaumont

Comme toute abbaye digne de ce nom, on y trouve une église, mais ici, on n’en voit plus que quelques rares élé­ments. En effet, l’in­té­gra­li­té du site ser­vit de fila­ture après que la Révo­lu­tion ait dis­sout les Ordres reli­gieux. En 1792 on ordonne de déman­te­ler l’é­glise pour en uti­li­ser les pierres afin de construire d’autres locaux (il est tou­jours déli­cat de poser un regard moral sur les erreurs du pas­sé, mais tout de même, quel gâchis…). Aujourd’­hui, seule reste la tour nord (res­ca­pée par sa construc­tion com­pacte puis­qu’elle contient un esca­lier), ain­si que quelques piliers indi­quant encore l’emplacement du chœur. Autant dire que l’é­di­fice que l’on a sous les yeux n’a plus grand chose à voir avec le bâti­ment d’o­ri­gine, même si le retour des sœurs de la Sainte-Famille de Bor­deaux a per­mis la res­tau­ra­tion par­tielle et donne une idée cor­recte de l’as­pect d’origine.

Abbaye de Royaumont

Il y est éga­le­ment ques­tion d’une vaste salle qui ser­vait de réfec­toire aux frères convers et donc le car­re­lage que l’on foule au pied est fait d’une immense mosaïque des car­reaux de faïence colo­rée res­tau­rés et repro­duits de manière arti­sa­nale, tels qu’ils étaient lorsque l’ab­baye était encore utilisée.

Abbaye de Royaumont

La visite se ter­mine par un bâti­ment scin­dé en deux par­ties, dont la par­tie cen­trale est sou­te­nu par trente-et-une arches sépa­rées par un vide aujourd’­hui com­blé par des dalles de verre, don­nant en sur­plomb sur un petit canal et sous lequel il aurait été mal venu de pas­ser en des temps recu­lés, puisque ce canal porte le doux nom de… latrines.

Abbaye de Royaumont

Mais le clou de la visite reste tout de même le cloître, et y pas­ser quelques minutes bai­gné par la lumière du soleil, dans le silence d’une cam­pagne douce et d’une après-midi tran­quille a un effet réel­le­ment apaisant.

Loca­li­sa­tion de l’abbaye sur Google Maps.
Toutes les pho­tos de cette jour­née ici, et là pour voir les pho­tos en dia­po­ra­ma.

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Sar­ra­si­nades

Pen­dant des années où j’ai consom­mé des galettes de blé noir four­rés à la tomate, à l’œuf et au fro­mage (plus connue sous le terme géné­rique de “com­plète”), je me suis deman­dé d’où venait le terme et sur­tout, qu’est-ce qu’est le blé noir, ou sar­ra­sin ? Il se trouve que ce blé noir, ou blé sar­ra­sin (il tire son nom de l’ex­cep­tion­nelle facul­té des occi­den­taux à attri­buer à l’é­tran­ger loin­tain tout ce qu’ils ne connaissent pas, alors qu’il vient d’A­sie du nord-est, région assez pauvre en Sar­ra­sins) n’a en fait rien à voir avec le blé, mais en plus n’a rien d’une graminée. 

C’est une plante de la famille des poly­go­na­cées, dans laquelle on trouve éga­le­ment les renouées, la rhu­barbe et l’o­seille et dont les graines sont uti­li­sées pour leur absence de glu­ten, ce qui en fait un ali­ment de choix pour ceux qui y sont into­lé­rants. Lar­ge­ment uti­li­sé en Bre­tagne, il est cepen­dant en voie de raré­fac­tion en France, chas­sé par des cultures plus ren­tables, comme le blé et le maïs, ce qui est d’au­tant plus dom­mage que c’est une plante mellifère.

L’autre accep­ta­tion du terme désigne un sens mal connu. Si on se doute que le Sar­ra­sin est Arabe, on ne lui connait pas vrai­ment de pays, ni de reli­gion du moins à l’é­poque où le terme se géné­ra­lise, puisque les terme de musul­man ou d’islam ne sont uti­li­sés que tar­di­ve­ment res­pec­ti­ve­ment au XVIè et XVIIè siècle. On ne sait pas grand chose de lui et c’est pré­ci­sé­ment ce qui fait peur. Oui, l’his­toire se répète et ne se renou­velle guère…
Voi­ci ce qu’en dit Wiki­pé­dia, mais il semble que géné­ra­le­ment, ce soit la défi­ni­tion d’Isi­dore de Séville qui fasse foi :
Le terme sar­ra­sin pro­vien­drait, d’après cer­tains, de l’arabe شرقيين shar­qiyyīn (orien­taux). Selon d’autres, le mot vient de sara­ke­noi en grec ancien, qui a don­né en bas latin Sar­ra­ce­nus (plu­riel: Sar­ra­ce­ni), ce qui a fait dire à Isi­dore de Séville (VIIe siècle):

« Les Sar­ra­sins vivent dans le désert. On les appelle aus­si les Ismaé­lites, comme l’en­seigne le Livre de la Genèse, car ils des­cendent d’Is­maël (fils d’A­bra­ham). Ils sont éga­le­ment nom­més Haga­ré­niens car ils des­cendent d’Ha­gar (esclave et concu­bine d’A­bra­ham, mère d’Is­maël). Il s’ap­pellent eux-mêmes Sar­ra­sins, on l’a dit avec quelque per­ver­si­té, car ils se flattent men­son­gè­re­ment de des­cendre de Sarah (femme légi­time d’Abraham). »

— Isi­dore de Séville, Éty­mo­lo­gies, IX,2,57 Ed. W.M. Lind­say, Oxford 1911 (cité in La croix et le crois­sant de Richard A. Flet­cher).

A l’é­poque d’I­si­dore, Séville n’a encore rien à voir avec l’Es­pagne, mais fait par­tie inté­grante du Royaume Wisi­goth, héri­tier des Grandes Inva­sions bar­bares et dont la capi­tale est Tou­louse. Les Wisi­goths (Goths de l’Ouest), chas­sés de Tou­louse par Clo­vis 1er, ils ins­tallent leur capi­tale à Tolède .
C’est à cette époque que nait le nom don­né à la région d’Anda­lou­sie.
Selon Heinz Halm, le terme Anda­lou­sie vien­drait de l’ex­pres­sion wisi­go­thique « *lan­da-hlauts » dési­gnant l’« attri­bu­tion des terres par tirage au sort », ce qui parait le plus pro­bable, mais il faut quand même savoir qu’on a long­temps cru que le terme signi­fiait “Atlan­tide” ou terre des Van­dales (du ber­bère : al-Anda­lus, pro­ve­nant lui-même de Wan­dal).

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Mini­ma­liste du same­di matin #4

Ma fin de semaine s’é­teint dans un bien-être dou­ce­reux ser­vi ce ven­dre­di midi par une immense assiette de mez­zés liba­nais, salade de per­sils, fala­fels, mou­jad­da­ra, hou­mous… Il y avait long­temps que je n’a­vais pas autant émer­veillé mes papilles, d’au­tant que le jour d’a­vant, je me suis cou­pé l’ap­pé­tit tout seul comme un grand avec un immense gobe­let de cho­co­lat chaud juste avant d’al­ler me cher­cher de quoi manger.
Ma vie se par­sème de chan­ge­ments, ça res­pire par tous les pores de ma peau. Je suis en situa­tion d’at­tente, près à bondir.

[audio:micatone.xol]

J’at­trape des petits bouts de rien du tout et je conti­nue de construire l’i­ma­gi­naire de mon uni­vers avec l’air du temps, une pho­to d’Arthur Rim­baud à Aden, le poète deve­nu mar­chand, des églises russes en bois dont la piste m’a été révé­lée par Fabienne, the FWA, un site de “blogs du jour”, the FWA­pho­to, la même ver­sion mais avec la pho­to du jour, Jong­min Kim, un de ces sites du jour…

Je viens juste de ter­mi­ner le livre de Richard A. Flet­cher, La croix et le crois­sant (le chris­tia­nisme et l’islam, de Maho­met à la Réforme) un livre dans lequel on retrouve des réfé­rences connues sur l’ex­pan­sion encore par­fois mys­té­rieuse du Dâr al-Islâm (دار الإسلام lit­té­ra­le­ment Domaine de la paix) dans le bas­sin médi­ter­ra­néen mais éga­le­ment un aspect assez par­ti­cu­lier qu’on connaît mal à mon avis, c’est la per­cep­tion par les Arabes des évé­ne­ments liés aux Croi­sades fina­le­ment assez peu consi­gnées dans les chro­niques et éga­le­ment, le peu d’in­té­rêt du monde musul­man aux pré­misses de son ins­tal­la­tion pour la civi­li­sa­tion occi­den­tale, cer­tai­ne­ment en rai­son du carac­tère de la “révé­la­tion” véhi­cu­lé par ce que les Chré­tiens consi­dé­raient par­fois comme une vision par­ti­cu­lière du chris­tia­nisme plu­tôt qu’une reli­gion à part entière.
Quan­ta­ra, un très bon site sur le civi­li­sa­tion médi­ter­ra­néenne, et le site de Vincent Bat­tes­ti, cher­cheur en anthro­po­lo­gie sociale.

Mon car­net de notes gros­sit de réfé­rences comme ces superbes enlu­mi­nures du Livre des Jeux d’Alphonse X de Cas­tille (El libro de aje­drez, dados e tablas — “Le livre des échecs, dés et tables”).

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