May 31, 2010 | Arts, Chambre acoustique |

Arvo Pärt fait partie de ces hommes que la discrétion et la passion font passer pour des maîtres incontestés dans leur discipline. Fervent chrétien, il a longtemps travaillé sur les chants grégoriens et la religiosité en musique ; sa musique est imbibée d’un mysticisme lumineux et tous ses travaux sont inspirés par le sentiment d’humilité et par un dépouillement qu’il est d’usage de trouver dans l’architecture monacale. Estonien d’origine, il est allemand de cœur car il a fui son pays autrefois soviétique, rongé par la censure. Arvo Pärt créé une musique minimaliste, à l’instar de ses contemporains, Philip Glass, Steve Reich ou Terry Riley. Il est d’ailleurs le créateur du Style tintinnabulum et ne travaille toujours qu’avec peu d’éléments. La pièce ci-dessous, Pari Intervallo a été également jouée par 4 flûtes à bec.
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Fratres est une pièce importante de son œuvre, qu’on retrouve également dans le film des frères Cohen, No Country for Old Men.
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May 5, 2010 | Arts, Histoires de gens |
Au XIIè siècle, l’autorité pontificale de l’Église Catholique Romaine légalise l’indulgence, un acte monnayable par lequel on obtient rémission partielle ou totale de la peine temporelle en relation avec un péché pardonné lors de la confession. Ainsi, les caisses de l’Église se remplissent bien vite, car les plus riches des fidèles se paient le luxe de commettre des péchés dont ils obtiennent rémission de peine en payant rubis sur l’ongle. C’est surtout vrai à une époque où la splendeur d’un évêché se mesure à la taille de son cathèdre, donc de l’église qui va avec, la Cathédrale (c’est bien la taille qui compte). Construire ces pieux monuments est un engagement de frais astronomiques, et si on assiste fréquemment à des détournements de fonds ou des méthodes peu recommandables de financements, l’indulgence y prend une grande part. Ainsi, on voit les cathédrales de Bourges et de Rouen se parer d’une « Tour de beurre ». Ce nom pour le moins étrange n’a rien à voir avec la couleur tendre de celle qu’on peut admirer à Rouen et qui s’élance à 75 mètres du sol, dans un délire de détails en faisant un fleuron de l’architecture gothique dite « flamboyante », mais évoque les nombreux cachets reçus de la part des fidèles qui se permettaient de consommer des matières grasses pendant le Carême et s’offraient ce droit, puisqu’après tout, ce n’était pas si interdit que ça…
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Apr 30, 2010 | Arts, Histoires de gens, Sur les portulans |
Une belle après-midi printanière, une bouteille d’eau coincée dans le sac-à-dos entre les objectifs et l’appareil, deux carnets dans la poche et c’est parti sur les routes du Val-d’Oise, à une trentaine de kilomètres de Paris à vol d’oiseau, exactement à la limite qui sépare l’Île de France et la Picardie, derrière les champs de colza, les étangs de pêche et un paysage d’une platitude monotone. Partir de l’autre côté, sur la route à contrepoint. Arrivée à Asnières-sur-Oise, au hameau de Baillon.

Royaumont est une abbaye fondée par Louis IX entre 1228 et 1235. Celui qui sera canonisé pour ses actes de piété contrite et sa croisade partiellement échouée n’avait rien d’un joyeux luron (celui-là même qui mourut de dysenterie au bord de la nationale 9) et c’est dans ce lieu de méditation qu’il se retirait pour compulser les livres de l’armarium du cloître. Le lieu est d’ailleurs ponctué de citations des œuvres de Guillaume de Saint-Pathus narrant la vie et les habitudes ô combien… stimulantes de Louis IX. Prières à tous les repas, et même au milieu d’une nuit généralement courte (les heures canoniales ne laissent point le temps de se reposer).
Sa mère, Blanche de Castille était, elle, une habituée d’une autre abbaye du département, Maubuisson qu’elle fonda en 1241 sur la commune de Saint-Ouen-l’Aumône.
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On commence la visite par un grand parc ombragé très sobre, peu fleuri mais la saison s’y prête peut-être encore assez mal. Il fait bon flâner dans ces larges allées sous les fleurs des marronniers.

Comme toute abbaye digne de ce nom, on y trouve une église, mais ici, on n’en voit plus que quelques rares éléments. En effet, l’intégralité du site servit de filature après que la Révolution ait dissout les Ordres religieux. En 1792 on ordonne de démanteler l’église pour en utiliser les pierres afin de construire d’autres locaux (il est toujours délicat de poser un regard moral sur les erreurs du passé, mais tout de même, quel gâchis…). Aujourd’hui, seule reste la tour nord (rescapée par sa construction compacte puisqu’elle contient un escalier), ainsi que quelques piliers indiquant encore l’emplacement du chœur. Autant dire que l’édifice que l’on a sous les yeux n’a plus grand chose à voir avec le bâtiment d’origine, même si le retour des sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux a permis la restauration partielle et donne une idée correcte de l’aspect d’origine.

Il y est également question d’une vaste salle qui servait de réfectoire aux frères convers et donc le carrelage que l’on foule au pied est fait d’une immense mosaïque des carreaux de faïence colorée restaurés et reproduits de manière artisanale, tels qu’ils étaient lorsque l’abbaye était encore utilisée.

La visite se termine par un bâtiment scindé en deux parties, dont la partie centrale est soutenu par trente-et-une arches séparées par un vide aujourd’hui comblé par des dalles de verre, donnant en surplomb sur un petit canal et sous lequel il aurait été mal venu de passer en des temps reculés, puisque ce canal porte le doux nom de… latrines.

Mais le clou de la visite reste tout de même le cloître, et y passer quelques minutes baigné par la lumière du soleil, dans le silence d’une campagne douce et d’une après-midi tranquille a un effet réellement apaisant.
Localisation de l’abbaye sur Google Maps.
Toutes les photos de cette journée ici, et là pour voir les photos en diaporama.
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Apr 27, 2010 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Pendant des années où j’ai consommé des galettes de blé noir fourrés à la tomate, à l’œuf et au fromage (plus connue sous le terme générique de “complète”), je me suis demandé d’où venait le terme et surtout, qu’est-ce qu’est le blé noir, ou sarrasin ? Il se trouve que ce blé noir, ou blé sarrasin (il tire son nom de l’exceptionnelle faculté des occidentaux à attribuer à l’étranger lointain tout ce qu’ils ne connaissent pas, alors qu’il vient d’Asie du nord-est, région assez pauvre en Sarrasins) n’a en fait rien à voir avec le blé, mais en plus n’a rien d’une graminée.

C’est une plante de la famille des polygonacées, dans laquelle on trouve également les renouées, la rhubarbe et l’oseille et dont les graines sont utilisées pour leur absence de gluten, ce qui en fait un aliment de choix pour ceux qui y sont intolérants. Largement utilisé en Bretagne, il est cependant en voie de raréfaction en France, chassé par des cultures plus rentables, comme le blé et le maïs, ce qui est d’autant plus dommage que c’est une plante mellifère.

L’autre acceptation du terme désigne un sens mal connu. Si on se doute que le Sarrasin est Arabe, on ne lui connait pas vraiment de pays, ni de religion du moins à l’époque où le terme se généralise, puisque les terme de musulman ou d’islam ne sont utilisés que tardivement respectivement au XVIè et XVIIè siècle. On ne sait pas grand chose de lui et c’est précisément ce qui fait peur. Oui, l’histoire se répète et ne se renouvelle guère…
Voici ce qu’en dit Wikipédia, mais il semble que généralement, ce soit la définition d’Isidore de Séville qui fasse foi :
Le terme sarrasin proviendrait, d’après certains, de l’arabe شرقيين sharqiyyīn (orientaux). Selon d’autres, le mot vient de sarakenoi en grec ancien, qui a donné en bas latin Sarracenus (pluriel: Sarraceni), ce qui a fait dire à Isidore de Séville (VIIe siècle):
« Les Sarrasins vivent dans le désert. On les appelle aussi les Ismaélites, comme l’enseigne le Livre de la Genèse, car ils descendent d’Ismaël (fils d’Abraham). Ils sont également nommés Hagaréniens car ils descendent d’Hagar (esclave et concubine d’Abraham, mère d’Ismaël). Il s’appellent eux-mêmes Sarrasins, on l’a dit avec quelque perversité, car ils se flattent mensongèrement de descendre de Sarah (femme légitime d’Abraham). »
— Isidore de Séville, Étymologies, IX,2,57 Ed. W.M. Lindsay, Oxford 1911 (cité in La croix et le croissant de Richard A. Fletcher).

A l’époque d’Isidore, Séville n’a encore rien à voir avec l’Espagne, mais fait partie intégrante du Royaume Wisigoth, héritier des Grandes Invasions barbares et dont la capitale est Toulouse. Les Wisigoths (Goths de l’Ouest), chassés de Toulouse par Clovis 1er, ils installent leur capitale à Tolède .
C’est à cette époque que nait le nom donné à la région d’Andalousie.
Selon Heinz Halm, le terme Andalousie viendrait de l’expression wisigothique « *landa-hlauts » désignant l’« attribution des terres par tirage au sort », ce qui parait le plus probable, mais il faut quand même savoir qu’on a longtemps cru que le terme signifiait “Atlantide” ou terre des Vandales (du berbère : al-Andalus, provenant lui-même de Wandal).
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Apr 17, 2010 | Passerelle |
Ma fin de semaine s’éteint dans un bien-être doucereux servi ce vendredi midi par une immense assiette de mezzés libanais, salade de persils, falafels, moujaddara, houmous… Il y avait longtemps que je n’avais pas autant émerveillé mes papilles, d’autant que le jour d’avant, je me suis coupé l’appétit tout seul comme un grand avec un immense gobelet de chocolat chaud juste avant d’aller me chercher de quoi manger.
Ma vie se parsème de changements, ça respire par tous les pores de ma peau. Je suis en situation d’attente, près à bondir.

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J’attrape des petits bouts de rien du tout et je continue de construire l’imaginaire de mon univers avec l’air du temps, une photo d’Arthur Rimbaud à Aden, le poète devenu marchand, des églises russes en bois dont la piste m’a été révélée par Fabienne, the FWA, un site de “blogs du jour”, the FWAphoto, la même version mais avec la photo du jour, Jongmin Kim, un de ces sites du jour…
Je viens juste de terminer le livre de Richard A. Fletcher, La croix et le croissant (le christianisme et l’islam, de Mahomet à la Réforme) un livre dans lequel on retrouve des références connues sur l’expansion encore parfois mystérieuse du Dâr al-Islâm (دار الإسلام littéralement Domaine de la paix) dans le bassin méditerranéen mais également un aspect assez particulier qu’on connaît mal à mon avis, c’est la perception par les Arabes des événements liés aux Croisades finalement assez peu consignées dans les chroniques et également, le peu d’intérêt du monde musulman aux prémisses de son installation pour la civilisation occidentale, certainement en raison du caractère de la “révélation” véhiculé par ce que les Chrétiens considéraient parfois comme une vision particulière du christianisme plutôt qu’une religion à part entière.
Quantara, un très bon site sur le civilisation méditerranéenne, et le site de Vincent Battesti, chercheur en anthropologie sociale.
Mon carnet de notes grossit de références comme ces superbes enluminures du Livre des Jeux d’Alphonse X de Castille (El libro de ajedrez, dados e tablas — “Le livre des échecs, dés et tables”).


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