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Mini­ma­liste du same­di matin #3

DistanceJe me répète sou­vent comme pour se récon­for­ter que je suis bien dans mon blog — signe des temps et concept moderne, on n’est plus “bien dans sa tête”, ou “bien dans ses bas­kets” (ça fait exces­si­ve­ment 80’s), désor­mais on est bien dans son blog — que j’y trouve un cer­tain équi­libre en ne suc­com­bant pas devant les affres de la faci­li­té et en réus­sis­sant tout de même à embar­quer avec moi un petit nombre de lec­teurs plus ou moins visibles. C’est avec une cer­taine joie que ce matin je le retrouve pour ma mini­ma­liste, après une soi­rée courte et fati­gante, faite de ravio­lis, de gin et de limo­nade pour boire à rien, de quelques lapins cré­tins et d’une émis­sion d’Arte, sur la rura­li­té en Alle­magne — j’ai vu une vache mettre bas et un ber­ger jouer du fouet (et un homme dire Heu­reu­se­ment que l’eau tombe vers le bas, si elle tom­bait vers le haut, ça débor­de­rait…) — et enfin de quelques lignes de la Mer de la Tran­quilli­té, du qué­bé­cois Syl­vain Tru­del. Un jour, je vous dirai.

 

Le soleil ce matin emplit mon appar­te­ment et le réchauffe de sa nuit ter­ro­ri­sante. Je me répète à l’in­fi­ni ces lignes du poète Pes­soa, lita­nie des temps anciens, ode dio­ny­siaque ou chant dédié à Pan…

Le clair de lune à tra­vers les branches hautes,
Ils disent les poètes, tous les poètes, qu’il est davantage
Que le clair de lune à tra­vers les branches hautes.

Mais pour moi, qui ne sais pas ce que je pense,
Ce que le clair de lune à tra­vers les branches hautes
Est, en plus d’être
Le clair de lune à tra­vers les branches hautes
(Ain­si que je le dis, puis­sé-je aus­si l’entendre)
C’est qu’il n’est rien de plus
Que le clair de lune à tra­vers les branches hautes.

Fer­nan­do Pes­soa, le Gar­deur de trou­peaux, XXXV

PS: ce matin, il fait 23°C à Assouan, en Nubie.
PPS: en forme de mes­sage per­so, je vais cher­cher ma voiture…

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Abou’l Qasim Al-Tamimi

Des tous les poètes qui com­posent la superbe antho­lo­gie de la Poé­sie Arabe, tra­duite et pré­sen­tée par René R. Kha­wam, chez Phe­bus, il a fal­lu que je m’en­tiche du prince des poètes-truands, Abou’l Qasim Al-Tami­mi. Il gagnait sa vie en écri­vant de petites saillies par­fai­te­ment insul­tantes et drôles dont il fai­sait com­merce auprès des notables qui s’of­fraient ses ser­vices dans les socié­tés pri­vées. Pour­tant, ce sont ici deux poèmes de toute beau­té que je repro­duis ici, agré­men­tés d’un mur­ra­qa conser­vé à la BNF (manus­crit per­san enlu­mi­né) et d’un chant sou­fi issu de l’al­bum Hadra par Fadhel Jazi­ri. A noter qu’E­ve­lyne Lar­guèche a dépo­sé un texte sur l’« insul­teur public » sur le site de la Revue des mondes musul­mans et de la Médi­ter­ra­née (REMMM).

Entre deux vins

Rouge avant le mélange, et fauve après,
le vin appa­raît entre deux tuniques
et nous offre son corps entre deux fleurs :
l’un de nar­cisse, l’autre d’anémone.

Pur, il est à l’i­mage de la joue
rosis­sante de la pucelle aimée ;
et livré au mélange, il a la couleur
de la joue d’or pâli du bel amant.


[audio:vin.xol]

Red­di­tion

Une fille blanche
comme de l’argent
mais le front orné
d’une frange noire…

Vois-là s’a­van­cer,
emprun­tant par ruse
le jais de ses yeux
à quelque antilope !

Pareille beau­té
ne sera vaincue
qu’à la reddition
de ses deux paupières !

Abou’l Qasim Al-Tamimi
Xème siècle

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Jab­ber­wo­cky ou Bredoulocheux ?

Il y a quelques années de cela, Hen­ri Pari­sot, grand ami d’Anto­nin Artaud, tra­dui­sait le célèbre poème de Lewis Car­roll, Jab­ber­wo­cky, et en don­na cer­tai­ne­ment la meilleure transcription:

Il était reve­neure; les slic­tueux toves
Sur l’al­louinde gyraient et vriblaient;
Tout fli­vo­reux vaguaient les borogoves;
Les ver­chons four­gus bourniflaient.

«Au Bre­dou­lochs prends bien garde, mon fils!
A sa griffe qui mord, à sa gueule qui happe!
Gare l’oi­seau Jeub­Jeub, et laisse
En paix le fru­mieux, le fatal Pinçmacaque!»

Le jeune homme, ayant ceint sa vor­pa­line épée,
Long­temps cher­chait le monstre manxiquais,
Puis, arri­vé près de l’arbre Tépé,
Pour réflé­chir un ins­tant s’arrêtait.

Or, tan­dis qu’il lour­mait de suf­fèches pensées,
Le Bre­dou­lochs, l’oeil flamboyant,
Rugi­ni­flant par le bois touffeté,
Arri­vait en barigoulant!

Une, deux! une, deux! Ful­gu­rant, d’outre en outre,
Le glaive vor­pa­lin perce et tranche : flac-vlan!
Il ter­rasse la bête et, bran­dis­sant sa tête,
Il s’en retourne, galomphant.

«Tu as tué le Bredoulochs!
Dans mes bras, mon fils rayonnois!
O jour fra­bleux! cal­louh! calloc!»
Le vieux glouf­fait de joie.

Il était reve­neure; les slic­tueux toves
Sur l’al­louinde gyraient et vriblaient;
Tout fli­vo­reux vaguaient les borogoves;
Les ver­chons four­gus bourniflaient.

D’autres tra­duc­tions ici et une liste assez impres­sion­nante sur ce site.

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