Apr 10, 2010 | Passerelle |
Je me répète souvent comme pour se réconforter que je suis bien dans mon blog — signe des temps et concept moderne, on n’est plus “bien dans sa tête”, ou “bien dans ses baskets” (ça fait excessivement 80’s), désormais on est bien dans son blog — que j’y trouve un certain équilibre en ne succombant pas devant les affres de la facilité et en réussissant tout de même à embarquer avec moi un petit nombre de lecteurs plus ou moins visibles. C’est avec une certaine joie que ce matin je le retrouve pour ma minimaliste, après une soirée courte et fatigante, faite de raviolis, de gin et de limonade pour boire à rien, de quelques lapins crétins et d’une émission d’Arte, sur la ruralité en Allemagne — j’ai vu une vache mettre bas et un berger jouer du fouet (et un homme dire Heureusement que l’eau tombe vers le bas, si elle tombait vers le haut, ça déborderait…) — et enfin de quelques lignes de la Mer de la Tranquillité, du québécois Sylvain Trudel. Un jour, je vous dirai.
Le soleil ce matin emplit mon appartement et le réchauffe de sa nuit terrorisante. Je me répète à l’infini ces lignes du poète Pessoa, litanie des temps anciens, ode dionysiaque ou chant dédié à Pan…
Le clair de lune à travers les branches hautes,
Ils disent les poètes, tous les poètes, qu’il est davantage
Que le clair de lune à travers les branches hautes.
Mais pour moi, qui ne sais pas ce que je pense,
Ce que le clair de lune à travers les branches hautes
Est, en plus d’être
Le clair de lune à travers les branches hautes
(Ainsi que je le dis, puissé-je aussi l’entendre)
C’est qu’il n’est rien de plus
Que le clair de lune à travers les branches hautes.
Fernando Pessoa, le Gardeur de troupeaux, XXXV
PS: ce matin, il fait 23°C à Assouan, en Nubie.
PPS: en forme de message perso, je vais chercher ma voiture…
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Mar 24, 2010 | Arts, Chambre acoustique, Livres et carnets |
Des tous les poètes qui composent la superbe anthologie de la Poésie Arabe, traduite et présentée par René R. Khawam, chez Phebus, il a fallu que je m’entiche du prince des poètes-truands, Abou’l Qasim Al-Tamimi. Il gagnait sa vie en écrivant de petites saillies parfaitement insultantes et drôles dont il faisait commerce auprès des notables qui s’offraient ses services dans les sociétés privées. Pourtant, ce sont ici deux poèmes de toute beauté que je reproduis ici, agrémentés d’un murraqa conservé à la BNF (manuscrit persan enluminé) et d’un chant soufi issu de l’album Hadra par Fadhel Jaziri. A noter qu’Evelyne Larguèche a déposé un texte sur l’« insulteur public » sur le site de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (REMMM).
Entre deux vins
Rouge avant le mélange, et fauve après,
le vin apparaît entre deux tuniques
et nous offre son corps entre deux fleurs :
l’un de narcisse, l’autre d’anémone.
Pur, il est à l’image de la joue
rosissante de la pucelle aimée ;
et livré au mélange, il a la couleur
de la joue d’or pâli du bel amant.

[audio:vin.xol]
Reddition
Une fille blanche
comme de l’argent
mais le front orné
d’une frange noire…
Vois-là s’avancer,
empruntant par ruse
le jais de ses yeux
à quelque antilope !
Pareille beauté
ne sera vaincue
qu’à la reddition
de ses deux paupières !
Abou’l Qasim Al-Tamimi
Xème siècle
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Mar 15, 2010 | Livres et carnets |
Des mots simples, la douce cohérence du verbe proférée à l’envi, le silence qui en résulte…
Les coursiers de la nuit
et les déserts semés d’embûches
me connaissent.
La guerre et les coups.
le papier, la plume
Al-Moutanabbi
(915 — 965)
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Jan 22, 2010 | Livres et carnets |

Photo © Jeff Kubina
Foulant d’un pas vif
Le givre du pont
Je rends grâce au monde.
Bashō Matsuo
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Jan 4, 2010 | Livres et carnets |

Il y a quelques années de cela, Henri Parisot, grand ami d’Antonin Artaud, traduisait le célèbre poème de Lewis Carroll, Jabberwocky, et en donna certainement la meilleure transcription:
Il était reveneure; les slictueux toves
Sur l’allouinde gyraient et vriblaient;
Tout flivoreux vaguaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
«Au Bredoulochs prends bien garde, mon fils!
A sa griffe qui mord, à sa gueule qui happe!
Gare l’oiseau JeubJeub, et laisse
En paix le frumieux, le fatal Pinçmacaque!»
Le jeune homme, ayant ceint sa vorpaline épée,
Longtemps cherchait le monstre manxiquais,
Puis, arrivé près de l’arbre Tépé,
Pour réfléchir un instant s’arrêtait.
Or, tandis qu’il lourmait de suffèches pensées,
Le Bredoulochs, l’oeil flamboyant,
Ruginiflant par le bois touffeté,
Arrivait en barigoulant!
Une, deux! une, deux! Fulgurant, d’outre en outre,
Le glaive vorpalin perce et tranche : flac-vlan!
Il terrasse la bête et, brandissant sa tête,
Il s’en retourne, galomphant.
«Tu as tué le Bredoulochs!
Dans mes bras, mon fils rayonnois!
O jour frableux! callouh! calloc!»
Le vieux glouffait de joie.
Il était reveneure; les slictueux toves
Sur l’allouinde gyraient et vriblaient;
Tout flivoreux vaguaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
D’autres traductions ici et une liste assez impressionnante sur ce site.
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