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La neige à tra­vers la brume

Snow

La neige à tra­vers la brume
Tombe et tapisse sans bruit
Le che­min creux qui conduit
À l’é­glise où l’on allume
Pour la messe de minuit.

Londres sombre flambe et fume :
Ô la chère qui s’y cuit
Et la bois­son qui s’ensuit !
C’est Christ­mas et sa coutume
De minuit jus­qu’à minuit.

Sur la plume et le bitume,
Paris bruit et jouit.
Ripaille et Plai­sant Déduit
Sur le bitume et la plume
S’exas­pèrent dès minuit.

Le malade en l’amertume
De l’hos­pice où le poursuit
Un espoir tou­jours détruit
S’é­pou­vante et se consume
Dans le noir d’un long minuit…

La cloche au son clair d’enclume
Dans la tour fine qui luit,
Loin du péché qui nous nuit,
Nous appelle en grand costume
A la messe de minuit.

Paul Ver­laine (1844–1896)

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Kubla Khan

Lorsque Samuel Tay­lor Cole­ridge écri­vit Kubla Khan, il était cer­tai­ne­ment sous l’emprise de l’o­pium qu’il pre­nait pour com­battre la dou­leur liée à la dys­en­te­rie, c’est peut-être cela qui en fait un des plus grands poèmes romantiques…

In Xana­du did Kubla Khan
A sta­te­ly plea­sure-dome decree :
Where Alph, the sacred river, ran
Through caverns mea­su­re­less to man
Down to a sun­less sea.
So twice five miles of fer­tile ground
With walls and towers were gird­led round :
And there were gar­dens bright with sinuous rills,
Where blos­so­med many an incense-bea­ring tree ;
And here were forests ancient as the hills,
Enfol­ding sun­ny spots of greenery.


Rudyard Kipling a dit des vers qui suivent : « De tous les mil­lions de vers pos­sibles, il n’y en a pas plus de cinq — cinq petites lignes — dont on puisse dire : « Ceux-là sont de la magie. Ceux-là sont de la vision. Le reste n’est que de la poé­sie ». Les deux autres vers aux­quels il se réfé­rait appar­tiennent à Keats (Ode to a Nigh­tin­gale). »

A savage place! as holy and enchanted
As e’er beneath a waning moon was haunted
By woman wai­ling for her demon-lover!

Lieu sau­vage ! Lieu sacré et d’envoûtement
Comme jamais sous la lune en déclin ne fut hanté
Par femme lamen­tant pour son amant diabolique !

Source Wiki­pe­dia.

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Sen­sa­tion d’un matin assoupi

Le matin se lève sur un ciel fou, bario­lé d’o­ranges qu’on ne connait pas. J’ouvre les rideaux pour me repaître de ces lumières qui me réchauffent et je m’as­sou­pis dans un rêve marin aux allures rayon­nantes de voyage immo­bile, ne me répé­tant les mots de ce poème qu’une fois déjà loin…

Par les soirs bleus d’é­té, j’i­rai dans les sentiers,
Pico­té par les blés, fou­ler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sen­ti­rai la fraî­cheur à mes pieds.
Je lais­se­rai le vent bai­gner ma tête nue.

Je ne par­le­rai pas, je ne pen­se­rai rien :
Mais l’a­mour infi­ni me mon­te­ra dans l’âme,
Et j’i­rai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, — heu­reux comme avec une femme.

Sen­sa­tion, Arthur Rim­baud, 1870

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Kim Høl­ter­mand

Rares sont les pho­to­graphes qui s’ex­priment comme des poètes, dans un jeu de lumières et de ténèbres, dans une métrique simple et une dou­ceur presque lugubre. Il y a de l’é­cole de Düs­sel­dorf dans ces cli­chés d’une sobrié­té enva­his­sante, une âme per­sis­tante, dans un écrin luxueux. Kim Høl­ter­mand.

Via Hip­po­lyte Bayard

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Avant que la terre ne des­sine mol­le­ment ta forme de sa main fouisseuse

Dès la pre­mière lec­ture, cer­taines dédi­caces vous pro­mettent des voyages dont on ne revient pas indemnes. Pour la deuxième fois de ma vie, je tente de me replon­ger dans les lignes sombres de Les sept piliers de la sagesse, l’œuvre sublime de Tho­mas Edward Law­rence dont j’ai inter­rom­pu la lec­ture la pre­mière fois parce que j’ai don­né mon livre à un ami. J’en avais oublié la dédi­cace, poème superbe écrit par l’au­teur à l’at­ten­tion d’un ami dis­pa­ru (cer­tai­ne­ment Sheikh Ahmed connu aus­si sous le nom de Dahoum), un texte en forme de pro­gramme qui donne toute l’en­ver­gure du per­son­nage, à la fois pas­sion­né, méga­lo­mane très cer­tai­ne­ment et char­gé d’une puis­sance à la hau­teur du désert qui l’ac­com­pa­gna une par­tie de sa vie. Sur ce visage solaire, rayon­nant, figé, ne trans­pa­rurent jamais les sca­ri­fi­ca­tions d’une souf­france inté­rieure qui ne put être sou­la­gée que dans les mots de cette œuvre magis­trale, et dans une vie en tous points mar­gi­nale, qui se ter­mi­na au détour d’un virage sur la moto qu’il avait sur­nom­mé George VII, alors qu’il ten­tait d’é­vi­ter deux cyclistes.

à S.A.

Parce que je t’aimais
J’ai pris dans mes mains ces marées d’hommes ;
Avec les étoiles qui le sillonnaient,
Sur le ciel, j’é­cri­vis ma volonté.
A ce prix, j’ob­tins pour toi la liberté,
Demeure sacrée aux sept piliers :
Ain­si tes yeux brillaient-ils pour moi
A mon arrivée.

En route j’eus pour ser­vante la mort.
Nous appro­châmes et t’a­per­çûmes qui attendais.
A la vue de ton sou­rire, pleine d’en­vie et de larmes,
Elle me devan­ça, te prit à part,
Te fit péné­trer dans sa paix.

L’a­mour, las du che­min, aveugle, s’a­van­ça vers toi pour te toucher,
Notre salaire en ce bref instant,
Avant que la terre ne des­sine mollement
Ta forme de sa main fouisseuse,
Que les vers sans yeux ne s’en­graissent de ton corps.

A la prière des hommes j’é­di­fiai notre œuvre,
La mai­son inviolée,
En sou­ve­nir de toi.
Pour­tant je mis en pièces ce monu­ment indigne
Avant de l’achever.
Voi­ci que main­te­nant les créa­tures infimes, timi­de­ment sortent
Se hour­der des masures
Dans l’ombre souillée de mon offrande.

Tho­mas Edward Law­rence, les sept piliers de la sagesse
Tra­duc­tion de Renée et André Guillaume, Livre de Poche col­lec­tion Pochotèque
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