Nov 14, 2010 | Livres et carnets |

Lorsque Samuel Taylor Coleridge écrivit Kubla Khan, il était certainement sous l’emprise de l’opium qu’il prenait pour combattre la douleur liée à la dysenterie, c’est peut-être cela qui en fait un des plus grands poèmes romantiques…
In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree :
Where Alph, the sacred river, ran
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.
So twice five miles of fertile ground
With walls and towers were girdled round :
And there were gardens bright with sinuous rills,
Where blossomed many an incense-bearing tree ;
And here were forests ancient as the hills,
Enfolding sunny spots of greenery.
Rudyard Kipling a dit des vers qui suivent : « De tous les millions de vers possibles, il n’y en a pas plus de cinq — cinq petites lignes — dont on puisse dire : « Ceux-là sont de la magie. Ceux-là sont de la vision. Le reste n’est que de la poésie ». Les deux autres vers auxquels il se référait appartiennent à Keats (Ode to a Nightingale). »
A savage place! as holy and enchanted
As e’er beneath a waning moon was haunted
By woman wailing for her demon-lover!
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Lieu sauvage ! Lieu sacré et d’envoûtement
Comme jamais sous la lune en déclin ne fut hanté
Par femme lamentant pour son amant diabolique !
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Source Wikipedia.
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Nov 11, 2010 | Livres et carnets |
Le matin se lève sur un ciel fou, bariolé d’oranges qu’on ne connait pas. J’ouvre les rideaux pour me repaître de ces lumières qui me réchauffent et je m’assoupis dans un rêve marin aux allures rayonnantes de voyage immobile, ne me répétant les mots de ce poème qu’une fois déjà loin…

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, — heureux comme avec une femme.
Sensation, Arthur Rimbaud, 1870
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Oct 7, 2010 | Arts, Photo |
Rares sont les photographes qui s’expriment comme des poètes, dans un jeu de lumières et de ténèbres, dans une métrique simple et une douceur presque lugubre. Il y a de l’école de Düsseldorf dans ces clichés d’une sobriété envahissante, une âme persistante, dans un écrin luxueux. Kim Høltermand.


Via Hippolyte Bayard
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Jul 16, 2010 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Dès la première lecture, certaines dédicaces vous promettent des voyages dont on ne revient pas indemnes. Pour la deuxième fois de ma vie, je tente de me replonger dans les lignes sombres de Les sept piliers de la sagesse, l’œuvre sublime de Thomas Edward Lawrence dont j’ai interrompu la lecture la première fois parce que j’ai donné mon livre à un ami. J’en avais oublié la dédicace, poème superbe écrit par l’auteur à l’attention d’un ami disparu (certainement Sheikh Ahmed connu aussi sous le nom de Dahoum), un texte en forme de programme qui donne toute l’envergure du personnage, à la fois passionné, mégalomane très certainement et chargé d’une puissance à la hauteur du désert qui l’accompagna une partie de sa vie. Sur ce visage solaire, rayonnant, figé, ne transparurent jamais les scarifications d’une souffrance intérieure qui ne put être soulagée que dans les mots de cette œuvre magistrale, et dans une vie en tous points marginale, qui se termina au détour d’un virage sur la moto qu’il avait surnommé George VII, alors qu’il tentait d’éviter deux cyclistes.

à S.A.
Parce que je t’aimais
J’ai pris dans mes mains ces marées d’hommes ;
Avec les étoiles qui le sillonnaient,
Sur le ciel, j’écrivis ma volonté.
A ce prix, j’obtins pour toi la liberté,
Demeure sacrée aux sept piliers :
Ainsi tes yeux brillaient-ils pour moi
A mon arrivée.
En route j’eus pour servante la mort.
Nous approchâmes et t’aperçûmes qui attendais.
A la vue de ton sourire, pleine d’envie et de larmes,
Elle me devança, te prit à part,
Te fit pénétrer dans sa paix.
L’amour, las du chemin, aveugle, s’avança vers toi pour te toucher,
Notre salaire en ce bref instant,
Avant que la terre ne dessine mollement
Ta forme de sa main fouisseuse,
Que les vers sans yeux ne s’engraissent de ton corps.
A la prière des hommes j’édifiai notre œuvre,
La maison inviolée,
En souvenir de toi.
Pourtant je mis en pièces ce monument indigne
Avant de l’achever.
Voici que maintenant les créatures infimes, timidement sortent
Se hourder des masures
Dans l’ombre souillée de mon offrande.
Thomas Edward Lawrence, les sept piliers de la sagesse
Traduction de Renée et André Guillaume, Livre de Poche collection Pochotèque
(more…)
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Apr 10, 2010 | Passerelle |
Je me répète souvent comme pour se réconforter que je suis bien dans mon blog — signe des temps et concept moderne, on n’est plus “bien dans sa tête”, ou “bien dans ses baskets” (ça fait excessivement 80’s), désormais on est bien dans son blog — que j’y trouve un certain équilibre en ne succombant pas devant les affres de la facilité et en réussissant tout de même à embarquer avec moi un petit nombre de lecteurs plus ou moins visibles. C’est avec une certaine joie que ce matin je le retrouve pour ma minimaliste, après une soirée courte et fatigante, faite de raviolis, de gin et de limonade pour boire à rien, de quelques lapins crétins et d’une émission d’Arte, sur la ruralité en Allemagne — j’ai vu une vache mettre bas et un berger jouer du fouet (et un homme dire Heureusement que l’eau tombe vers le bas, si elle tombait vers le haut, ça déborderait…) — et enfin de quelques lignes de la Mer de la Tranquillité, du québécois Sylvain Trudel. Un jour, je vous dirai.
Le soleil ce matin emplit mon appartement et le réchauffe de sa nuit terrorisante. Je me répète à l’infini ces lignes du poète Pessoa, litanie des temps anciens, ode dionysiaque ou chant dédié à Pan…
Le clair de lune à travers les branches hautes,
Ils disent les poètes, tous les poètes, qu’il est davantage
Que le clair de lune à travers les branches hautes.
Mais pour moi, qui ne sais pas ce que je pense,
Ce que le clair de lune à travers les branches hautes
Est, en plus d’être
Le clair de lune à travers les branches hautes
(Ainsi que je le dis, puissé-je aussi l’entendre)
C’est qu’il n’est rien de plus
Que le clair de lune à travers les branches hautes.
Fernando Pessoa, le Gardeur de troupeaux, XXXV
PS: ce matin, il fait 23°C à Assouan, en Nubie.
PPS: en forme de message perso, je vais chercher ma voiture…
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