Sep 12, 2014 | Sur les portulans |
Dans les anciens royaumes bouddhistes, il n’est pas rare de trouver des caches ou des salles annexes remplies des statues de Bouddha ou de bodhisattvas qui ont été offerts en offrande au temple, et que les textes — ou l’éthique — interdisent de détruire ou de se débarrasser. Il se trouve simplement que la place finit par manquer. De la même manière, les synagogues sont en règle générale, si la place le permet, équipées d’une petite salle servant de remise pour les objets cultuels ou les écrits sur lesquels figurent au moins un des sept noms de Dieu. Puisqu’il est interdit d’effacer le nom de Dieu ou de détruire le document sur lequel il est inscrit, il faut donc remiser le document dans un lieu sacré, mais à l’écart de l’espace principal de culte. Ainsi existent ces petites salles dans les synagogues qu’on appellent gueniza ou guenizah (גניזה). Si le terme hébreu désigne un endroit de mise en dépôt, il signifie également préservation.
Synagogue Ben Ezra (intérieur) — Le Caire
La guenizah la plus connue est celle que l’on nomme guenizah du Caire, que l’on trouve dans une petite synagogue du Caire, la synagogue Ben Ezra. Cette synagogue, lieu de culte juif situé en terre d’islam, porte en elle une histoire particulière ; située dans un vieux quartier cairote, au dessus du portail sud de la Citadelle de Babylone, à deux pas du Nil, elle est construite sur le lieu exact où Moïse aurait été recueilli dans son panier aquatique. On trouve également dans les environs l’étrange et célèbre église suspendue (Al-Kanîsah al-Mu’allaqah) qui fut autrefois le siège du patriarcat copte, ainsi que le monastère Saint-Georges, haut lieu de l’orthodoxie d’Égypte. Non loin de là, on trouvé également l’Église d’Abou Serga, lieu supposé où Marie, Joseph et l’enfant Jésus se réfugièrent lorqu’Hérode ordonna l’exécution des enfants du Royaume. En clair, dans ce Vieux Caire sont rassemblées toutes les religions du livre.
Les Juifs guidés par Jérémie lors de l’exode babylonienne sous Nabuchodonosor II, y construisirent la première synagogue dans laquelle ils déposèrent à l’intérieur de la guenizah la Torah inachevée du scribe Esdras (Ezra — עזרא הסופר). A plusieurs reprises dans son histoire, le lieu fut dévasté puis reconstruit, mais étonnamment, la guenizah fut préservée, ainsi que les documents qui s’y trouvent. Ainsi, ce sont plus de 250 000 documents, rédigés en hébreu, qu’on a pu mettre à jour dans cette petite salle.
Solomon Schechter étudiant les manuscrits de la guenizah de la synagogue Ben Ezra au Caire
Le docteur Solomon Schechter, un érudit moldave exilé ensuite aux États-Unis où il fonda le conservatisme juif américain se fixa comme objectif de recenser les ouvrages conservés ici. A partir de 1896, il passa son temps à décortiquer les lignes, dans la poussière nocive de ce lieu éteint et secret qui altéra profondément sa santé et fit des découvertes exceptionnelles. La plus importante pièce de cette collection se trouve être précisément la Torah inachevée d’Ezra, mais également le contrat de mariage d’un rabbin égyptien ayant vécu au XIIIème siècle, Avraham Maïmonide, fils de Moïse Maïmonide, célèbre rabbin andalou, une Torah écrite sur une peau de gazelle remontant au Vème siècle AEC et enfin, deux exemplaires d’un extrait du Manuscrit de Qumrân qui n’avait pas encore été découvert lors du recensement.
Lettre autographe d’Avraham Maïmonide, conservée à la Gueniza du Caire
Tous ces documents ont permis d’avoir une vision profonde des mœurs juifs en terre d’islam puisque nombre d’entre eux permettent de connaître la manière dont on parlait l’arabe au début de la conquête de l’Égypte par les peuples arabes, mais également, puisque beaucoup de ces documents sont des actes de la vie quotidienne administrative, de comprendre comment évoluait cette société dans ces rapports de cohabitation entre les différentes religions. La synagogue telle qu’on peut la voir aujourd’hui a été rénovée il y a peu, mais la majeure partie du bâtiment est identique à la synagogue reconstruite en 1115, ce qui en fait une des plus anciennes synagogues du monde. Aujourd’hui, la totalité des documents sont dispersés et conservés dans des bibliothèques américaines ou anglaises.
Synagogue Ben Ezra — Le Caire
Localisation de la Synagogue Ben Ezra du Caire sur Google Maps
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Jun 28, 2014 | Chambre acoustique, Doğu dinleme |
Troisième album de cette jolie fille venue de Jérusalem, à la croisée des cultures méditerranéennes. Ascendances perses, marocaines, juives, elle mêle sa voix cristalline et légèrement tremblante à une langue que vous aurez peut-être du mal à reconnaître, même si on y ressent clairement des accents espagnols. En effet, cette langue est le ladino, la langue utilisée par les Juifs espagnols dans leur longue errance, jusqu’au bas des murailles de Constantinople.
Mor Karbasi chante l’oppression des séfarades sur des airs qui frisent le flamenco ou le fado, passe par l’émotion sur des musiques aux accents égyptiens ou marocains, avec une grâce superbe qui ne peut laisser de marbre et qui fait d’elle la courroie de transmission de cette langue qui tend à disparaître.
- 2008 : The Beauty and the Sea
- 2011 : Daughter of the Spring
- 2013 : La Tsadika
http://youtu.be/88OM1PzcHK0
Site officiel : morkarbasi.com/
ℑ — Doğu dinleme n°2 : Mercan Dede
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Jun 21, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Le clergé catholique au service de l’Antéchrist (« Unterscheid zwischen der waren Religion Christi und falschen Abgöttischenlehr des Antichrists in den fürnemsten Stücken »)
Gravure sur bois en deux parties de Lucas Cranach l’Ancien (1472 – 1553), 1ère moitié du XVIe siècle (reproduit dans : The German Single-Leaf Woodcut : 1550 – 1600, ed. Max Geisberg, New-York, 1974, vol. 2, p. 619)
J’ai trouvé dans le livre de Fatih Cimok (Anatolie Biblique, de la Genèse aux Conciles) une légende faisant appel à la fois au Déluge, aux peuples Hourrites et à un des mythes de la Bible les plus inquiétant ; celui de l’Antéchrist.
Dans la légende du Déluge, que ce soit celui des Chrétiens ou celui dont j’ai déjà parlé lorsqu’il était question du Mont Ararat, il est question au travers de cette épiphanie d’un moment de purification du mal sur Terre par l’eau, ce que l’on peut traduire dans une certaine mesure comme une métaphore à une différente échelle du baptême. Mais après le déluge ? Non, il n’est pas question ici de l’aphorisme de Madame de Pompadour, « Après moi, le déluge… » mais bel et bien de ce qui s’est passé après que la Terre fut envahie par l’eau, que Noé se retrouva perché sur Ararat et qu’il repeupla la terre par sa progéniture (Table des Nations) en la personne de ses fils, Sem, Cham et Japhet et de leurs enfants.
Dans les croyances populaires, des monstres sont nés du déluge, comme en témoignent les Chroniques de Nuremberg écrites en 1493 par l’humaniste Hartmann Schedel. Il est d’autre part question dans l’Ancien Testament, d’un passage peu connu (l’Ancien Testament est de toute façon trop peu connu, les Chrétiens préférant s’extasier sur la vie parfaite et tragique du Christ) du Livre des Nombres. Dans ce livre, il est question d’une race de géants appelés les Nephilim (הנּפלים: géant) :
27 Voici ce qu’ils [les chefs des douze tribus envoyés par Moïse en mission de repérage] racontèrent à Moïse : « Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. À la vérité, c’est un pays où coulent le lait et le miel, et en voici les fruits.
28 Mais le peuple qui habite ce pays est puissant, les villes sont fortifiées, très grandes ; nous y avons vu des enfants d’Anak.
29 Les Amalécites habitent la contrée du midi ; les Héthiens, les Jébuséens et les Amoréens habitent la montagne ; et les Cananéens habitent près de la mer et le long du Jourdain. »
30 Caleb fit taire le peuple, qui murmurait contre Moïse. Il dit : « Montons, emparons-nous du pays, nous y serons vainqueurs ! »
31 Mais les hommes qui y étaient allés avec lui dirent : « Nous ne pouvons pas monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous. »
32 Et ils décrièrent devant les enfants d’Israël le pays qu’ils avaient exploré. Ils dirent : « Le pays que nous avons parcouru, pour l’explorer, est un pays qui dévore ses habitants ; tous ceux que nous y avons vus sont des hommes d’une haute taille ;
33 et nous y avons vu les nephilim, enfants d’Anak, de la race des nephilim : nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles.
Nombres, 13, 27–33
Albrecht Dürer — Révélation de Saint-Jean (12) Le monstre des mers et la Bête à cornes d’agneau
Les Nephilim, personnages pour le moins mystérieux ont été assimilés, dans certaines interprétations, à des anges déchus, que le passage du Déluge aurait eu pour mission d’exterminer en tant que tel. L’hébreu nephel désigne qui celui qui tombe (ליפול). Dans cette ambiance inquiétante apparait un personnage qu’on retrouve dans nombres de récits ésotériques et eschatologiques, souvent intégré aux théories complotistes ; l’Antéchrist. Ce personnage est considéré comme un double néfaste du Christ, ayant pour fonction de détourner l’œuvre christique et par son imposture d’infléchir la marche de l’histoire pour que celle-ci prenne un mauvais tournant. Je me garderai bien ici de commenter quoi que ce soit sur cette histoire que les Chrétiens connaissent à la lecture des Épîtres de Jean et qu’on retrouve aussi dans la mythologie juive sous le nom d’anti-messie et dans les hadîth musulmans sous le nom de Masih ad-Dajjâl (le faux messie). L’origine de ce type de figure peut toujours paraître un peu obscure, mais il faut regarder dans la longue histoire de la religion juive pour en retrouver des traces et c’est ici qu’intervient un autre personnage ; Armilus ou Armillus, ארמילוס (Armilos) en hébreu. L’origine de ce nom est inconnue, bien qu’on en retrouve des traces dans le Sefer Zerubbabel, dans l’Apocalypse du pseudo-Méthode ainsi que dans le Midrash Vayosha où il apparaît sous la forme d’un roi qui verra son avènement à la fin des temps. La plupart des sources qui citent Armillus prennent leurs sources dans des textes mésopotamiens ou syriaques, et pour cause, puisqu’on suppose qu’il est un double d’une autre histoire, plus ancienne encore et c’est dans cette niche qu’intervient le mythe de Teshup (Teshub) au sein du Chant d’Ullikumi, un chant provenant de la civilisation hittite (centrée sur l’Anatolie), qui s’est elle-même réapproprié une vieille légende hourrite.
Le peuple des Hourrites trouve son origine deux millénaires av. J.-C. dans le bassin mésopotamien et parlait une langue réputée être la plus ancienne langue indo-européenne connue. C’est dans ce recoin de l’histoire que prend forme la légende d’Armillus auprès d’un personnage nommé Teshup, roi des dieux du panthéon hourrite qui complote pour prendre la place de son père, le dieu Kumarbi, dont le chant éponyme a été repris en partie par Hésiode dans sa Théogonie. C’est dans cet acte de vouloir prendre la place de entre le père et le fils bilatéralement que le parallèle se fait entre les deux légendes et se forge dans le temps jusqu’à nos mythes fondateurs au travers d’un phénomène étrange ; la substantiation dans la pierre et la vénération des pierres, comme on peut le voir dans les religions anté-islamiques. Voici ce qu’en dit Fatih Cimok :
La légende eschatologique juive de Armillus, l’Antéchrist semble avoir été inspirée par l’épopée hourrite du « Chant d’Ullikummi ». Le sujet de ce mythe hourrite est la tentative du dieu de l’orage, Kumarbi, de détrôner son fils Teshup, qui l’avait lui-même évincé. Kumarbi féconda « le sommet d’une grande montagne » qui enfanta Ullikummi, un monstre aveugle et sourd fait de diorite. Teshup grimpa au sommet du mont Hazzi, à l’embouchure de l’Oronte pour observer ce monstre de pierre poussé hors de la mer, aujourd’hui le golfe d’İskenderun. A la fin de l’histoire, les dieux entrèrent en guerre contre le monstre et semblèrent l’avoir vaincu. Le thème de la naissance à partir de la roche semble avoir été rapporté par les Hourrites du Nord-Est de la Mésopotamie. Cette idée était familière aux Sémites occidentaux qui révéraient des rochers animés, pouvant êtres considéré comme les mères symboliques des êtres humains. Ainsi Jérémie (2:27) reproche à ses compatriotes de suivre des étrangers qui disent au bois : « Tu es mon père ! » et à la pierre : « Toi, tu m’as enfanté ! ». On rencontre ce concept plusieurs fois dans la Bible, par exemple dans Isaïe (51:1–2), Abraham et Sarah sont comparés à des rochers qui ont donné naissance au peuple d’Israël : « Regardez le rocher d’où l’on vous a tirés… Regardez Abraham votre père et Sarah qui vous a enfantés ». De même on retrouve cette image dans l’évangile selon Saint Matthieu (3:9) lorsque Jean le Baptiste dit « Dieu peut, des pierres [de l’hébreu abanim] que voici, faire surgir des enfants [de l’hébreu banim] à Abraham », et répétée dans l’évangile selon Saint Luc (3:8). Selon la légende de Armillus :
Il existe à Rome une pierre de marbre, et elle a la forme d’une jolie fille. Elle fut créée durant les six jours de la Création. Des gens sans valeur venus des nations viennent et l’abusent et elle devint enceinte et à la fin des neuf mois elle éclate et un enfant mâle en sort de la forme d’un homme dont la hauteur est de douze cubes et dont la largeur est de deux cubes. Ses yeux sont rouges et tors, les cheveux de sa tête sont rouges comme de l’or, et les empreintes de ses pieds sont vertes et il a deux crânes. Ils l’appellent Armillus.
Fatih Cimok, Anatolie biblique, de la Genèse aux Conciles
A Turizm Yayınları, İstanbul, 2010
Une histoire tout à fait surprenante qui fait appel aux mystères originels de la Création et aux mythes de la Destruction. L’Α et l’Ω en somme.
Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant.
Εγώ ειμι το Αλφα και το Ωμεγα, λέγει κύριος ο θεός, ο ων και ο ην και ο ερχόμενος, ο παντοκράτωρ.
Apocalypse 1:8
Sources :
Image d’en-tête : Rencontre de la procession des dieux menés par le Dieu de l’Orage du Hatti/Teshub (à gauche) et la procession des déesses menées par la Déesse-Soleil d’Arinna/Hebat (à droite). Dessin d’un bas-relief de la Chambre A de Yazılıkaya par Charles Texier.
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Mar 29, 2014 | Livres et carnets |
Si un jour vous allez à Istanbul, vous pourrez voir à quel point les Turcs musulmans ont été respectueux des lieux de prière chrétiens en les convertissant en mosquées lorsqu’en 1453 ils conquirent la Rome d’Orient, en répandant sur le sol de l’eau de rose et en badigeonnant d’une simple épaisseur de chaux blanche les représentations non conformes à l’esprit de la religion. Mohammed Aïssaoui, dans L’étoile jaune et le croissant, nous parle de l’Algérie qui accueillait des Juifs et en particulier d’Oran où se trouve une des plus grandes synagogues d’Afrique du Nord ; si elle fut confisquée en 1972, elle fut simplement convertie en mosquée, dans le respect des confessions, ce qui laisse l’auteur songeur sur ces lieux qui n’ont pas de mémoire et qui auraient vocation à rapprocher les Hommes.
Synagogue d’Oran
Ainsi, cette grande synagogue d’Oran a été transformée en mosquée sans aucune retouche. Ça ne remonte pas à si longtemps — c’était en 1975. Je croyais que les lieux avaient une âme, un esprit. Qu’ils pouvaient être purs, ou impurs. Je suis étonné de voir le vendredi une foule de musulmans entrer dans cette synagogue… pardon, dans cette mosquée. Ainsi, les lieux n’auraient pas de mémoire. Une synagogue peut devenir une mosquée, et ça n’a l’air de gêner personne — alors que vous n’arrivez pas à faire manger un musulman dans une assiette déjà utilisée par un Juif. Et vice versa.
Intérieur de la synagogue d’Oran
La légende dit que l’on aurait amené dans cette synagogue des pierres de Jérusalem. On y met les pieds, on prie, on espère. Des Juifs y ont prié, espéré… Puis, des musulmans y ont prié, espéré. Et pourquoi pas alors un lieu où pourraient se retrouver des Juifs et des musulmans ? Parfois les hommes me sidèrent.
A Alger aussi, des synagogues ont été transformées en mosquées.
Dans les documents retrouvés aux archives d’Oran, je lis des phrases qui surprendraient aujourd’hui, et je souris. Un exemple, déniché dans une sorte d’atlas de l’époque : « En 1938, la France compte 25 millions de sujets musulmans. » Ça me fait sourire, parce que les nostalgiques de l’ancien empire colonial n’y avaient pas pensé. « La France compte 25 millions de musulmans », la phrase effraieraient certains aujourd’hui…
Mohammed Aïssaoui, L’étoile jaune et le croissant
Gallimard, 2012
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Mar 18, 2014 | Histoires de gens, Livres et carnets |
C’était un roi comme les autres après tout, peut-être un peu plus qu’un roi puisqu’il fut aussi sultan, mais aussi parce qu’il est considéré comme le père fondateur de la nation marocaine moderne et qu’il fut décoré par le général de Gaulle. Mohammed Aïssaoui, dans son livre L’étoile jaune et le croissant, nous fait une brève description de l’attitude qu’eut Mohammed V envers les Juifs installés au Maroc depuis des générations. Si la France attendait de lui qu’il eut un rôle prépondérant dans les rafles qui auraient permis aux Allemands de déporter les ressortissants marocains de confession juive, le monarque se comporta en juste, ce qui fait de lui un potentiel candidat au titre de « juste parmi les nations » auprès du mémorial de Yad Vashem, ce qui ferait de lui le premier musulman de l’histoire (car il y en eut d’autres) à porter ce titre.
Le sultan chérifien Mohammed V du Maroc
Par son comportement durant la Seconde Guerre mondiale, Mohammed V fait la fierté des Marocains et de tous les Maghrébins qui n’ont jamais versé dans l’antisémitisme. On connaît la légende du roi du Danemark qui aurait porté l’étoile jaune durant l’Occupation — mais ce n’est qu’une légende. On connaît moins celle du roi du Maroc, celle-là corroborée par des faits. Alors sous protectorat français, le sultan a refusé que les Juifs de l’empire chérifien arborent l’étoile jaune comme en France et comme voulait le lui imposer le gouvernement de Vichy. A l’époque, il y avait 200 000 Juifs au Maroc, le résident général Noguès représentant de Vichy avait fait préparer 200 000 étoiles jaunes. Serge Berdugo a raconté que le sultan aurait alors répondu à Noguès qu’il lui fallait rajouter une cinquantaine d’étoiles jaunes : pour lui et les membres de sa famille. La phrase attribuée à Mohammed V qui revient le plus souvent lorsque l’on évoque les années d’Occupation au Maroc est : « Les Juifs marocains sont mes sujets, et comme tous les autres sujets, il est de mon devoir de les protéger. » Il est clair que le sultan du Maroc a fait preuve de résistance face aux nazis, au moins une résistance passive, en prenant par exemple tout son temps pour signer les décrets, et qu’il a protégé comme il a pu les Juifs de son royaume.
Mohammed Aïssaoui, L’étoile jaune et le croissant
Gallimard, 2012
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