Sorting by

×

Le Faune Barberini

Taillé dans le marbre à l’é­poque hel­lé­nis­tique à la fin du troi­sième siècle av. J.-C. et conser­vé à la Glyp­to­thèque de Munich, le Faune Bar­be­ri­ni a de quoi cho­quer et ce qu’il repré­sente est pour le moins un sujet  éloi­gné de la vie quo­ti­dienne, même si on y voit tout de go un jeune homme endor­mi. En fait, le per­son­nage repré­sen­té est un faune, on le sait après exa­men. En effet, depuis le creux de son dos dépasse une petite queue ani­male et sur sa tête repose une cou­ronne de lierre. Les traits fron­cés du visage laissent sup­po­ser qu’il dort mal sous l’ef­fet de l’al­cool. C’est une véri­table ode à la débauche…
Si la posi­tion du faune semble repré­sen­ter un tour de force pour le sculp­teur, sur­tout dans la posi­tion du bras qui sert d’o­reiller, la jambe droite passe pour ne pas avoir été si hau­te­ment rele­vée à l’o­ri­gine. On doit cette res­tau­ra­tion à l’a­te­lier du Ber­nin qui, dit-on, en ren­for­ça l’as­pect éro­tique. Tou­te­fois, il semble que l’as­pect artis­tique l’emporta sur, dirons-nous, l’in­dé­cence de la pos­ture puisque la sta­tue fut acquise par les proches de la famille du pape Urbain VIII (même si les Papes de cette époque n’é­tait pas recon­nus pour être des modèles de ver­tu), la famille flo­ren­tine Barberini.
Même si la pos­ture peut cho­quer au pre­mier abord et pré­sen­ter un aspect un peu par­ti­cu­lier, on peut s’at­tar­der sur les reliefs de la puis­sante mus­cu­la­ture don­née par le sculp­teur (enfin, si on veut…).

Read more

La légende d’A­lexandre jus­qu’au Gandhāra

Il se tient en ce moment au musée Gui­met une expo­si­tion tout à fait magique sur l’art du Gandhā­ra, cet étrange chose qui s’est éten­due dans les plaines du Pakis­tan et de l’Af­gha­nis­tan, dans les val­lées de la Swât et de la Kâboul. L’art du Gandhā­ra est un syn­cré­tisme dans lequel les formes de l’hin­douisme et du boud­dhisme se sont déve­lop­pées sur des sources artis­tiques grecques et moyen-orien­tales. L’art sculp­tu­ral qui en émane est un des seuls reli­quats de cette civi­li­sa­tion qui a vu son heure de gloire au Ier siècle et qui a dis­pa­ru sous la bru­ta­li­té des inva­sions des Huns Shve­tahū­na .

Étran­ge­ment, celui par lequel ces influences se sont frayées un che­min jus­qu’au del­ta du Gange est le plus grand conqué­rant de tous les temps, Alexandre, fils de Phi­lippe II, roi de Macé­doine et qui a par­cou­ru le monde jus­qu’aux rives du fleuve sacré. L’his­toire de ce per­son­nage mythique est macu­lée d’une série de légendes qui seront por­tées jus­qu’au Moyen-Âge sous forme de récit épique et for­te­ment roman­cé, dans lequel tout est fait pour magni­fier l’homme qui selon la légende finit empoi­son­né alors qu’il péri­ra en fait à Baby­lone, ter­ras­sé par la malaria.
C’est ce texte qu’a tra­duit et com­men­té Jacques Lacar­rière dans la Légende d’A­lexandre pour trans­crire la vision que l’homme a véhi­cu­lé au tra­vers des siècles. La réa­li­té est moins belle ; Alexandre, mal­gré sa jeu­nesse et sa fougue, res­sem­blait plus à une brute avi­née et orgueilleuse qu’au bel­lâtre conqué­rant des médailles et des bustes à son effigie.

L’en­tre­prise d’A­lexandre per­mit donc à l’hel­lé­nisme de s’im­plan­ter dura­ble­ment dans ces régions et de créer une culture ori­gi­nale, encore peu étu­diée, un riche métis­sage d’hel­lé­nisme, d’i­ra­nisme et d’hin­douisme qui s’ex­pri­ma sur­tout dans le domaine de l’art. Ce sont ces grecs implan­tés en Bac­triane et en Sog­diane qui, les pre­miers, don­nèrent un visage au Boud­dha. Jus­qu’a­lors, les Indiens ne le figu­raient que par des sym­boles. Et ce visage serein et pur, ce visage si révé­la­teur de ce qu’on nomme l’art gré­co-indien du Gand­ha­ra est l’œuvre d’ar­tistes grecs venus d’A­lexan­drie qui l’empruntèrent aux sta­tues et au visage d’A­pol­lon ! Les pre­mières sta­tues du Boud­dha ne sont pas en marbre, maté­riau inexis­tant dans ces régions, mais en schiste et en stuc — mélange de chaux vive et de sable — dont la tech­nique est ori­gi­naire d’A­lexan­drie. Si les artistes grecs s’ins­pi­rèrent d’A­pol­lon pour don­ner des traits au Boud­dha, c’est qu’a­vec son fin sou­rire, ses traits sereins, sa tunique sobre­ment plis­sée, le Dieu de la Lumière pro­po­sait une sorte d’es­quisse grecque de l’illu­mi­na­tion boud­dhique. Le Lumi­neux prê­ta ses traits à l’Illu­mi­né. Où trou­ver sym­bole plus riche et plus fort de la ren­contre har­mo­nieuse de deux cultures et de deux religions ?

Le roi Darius n’é­cou­ta pas les paroles de Can­dar­cou­sis. Il dépê­cha Cli­téus, son bien-aimé, vers Alexandre pour qu’il le voie et qu’il lui donne son avis. Il lui fit por­ter aus­si une petite pou­pée en bois qu’on fait tour­ner avec une baguette, deux cof­frets vides, deux sacs de graines et la lettre suivante :

« Darius, le roi des rois, dieu de Perse,  à son enfant Alexandre, salut. Il me semble Alexandre que tu te sois fâché de ma pre­mière lettre dans laquelle je t’é­cri­vais de me ser­vir. Aus­si je t’en­voie aujourd’­hui un jouet, un petite pou­pée en bois que l’on fait tour­ner avec une baguette, pour que tu joues avec. Je t’en­voies aus­si deux cof­frets vides et deux sacs de graine. Les cof­frets, rem­plis-les avec les impôts de trois années, et les graines conte­nues dans les sacs, dénombre-les si tu le peux et tu sau­ras com­bien j’ai de sol­dats. Je te par­donne pour cette fois, mais si tu ne veux pas te retrou­ver devant moi, pri­son­nier, veille bien à m’en­voyer les impôts et les sol­dats qui doivent ser­vir dans mon armée, comme ton père le faisait. »

Cli­téus remit la lettre à Alexandre et se pros­ter­na devant lui. Il lui remit aus­si les cof­frets, les graines et la pou­pée. Alexandre lut la lettre et, cepen­dant qu’il la lisait, hocha la tête et dit : « L’in­sen­sé, l’or­gueilleux Darius, tout dieu qu’il se nomme lui-même, tom­be­ra comme un simple mor­tel. Pour s’être éle­vé jus­qu’au ciel, il chu­te­ra ensuite jus­qu’au fond de l’Ha­dès. » Il bri­sa les cof­frets, mâcha les graines, puis répon­dit à Darius :

« Le roi des Macé­do­niens, Alexandre, à Darius, roi des Perses, salut. Tu m’as fait grand hon­neur et grande consi­dé­ra­tion en m’en­voyant cette pou­pée comme jouet. Tu te gonfles d’or­gueil et c’est pour­quoi tu tom­be­ras de très haut. C’est un bon jouet que tu m’as adres­sé, à ce qu’il semble, car un jour je ferai tour­ner l’u­ni­vers comme je fais tour­ner cette pou­pée. Sache aus­si que j’ai mâché les graines, qu’en­suite je les ai recra­chées et qu’ain­si je rédui­rai en miettes ton armée, avec la volon­té du Ciel et du Sei­gneur Sabaoth. J’ai reçu les cof­frets comme un cadeau pré­cieux à l’i­mage des for­te­resses que je pren­drai. Limite-toi donc au Levant et au pays des Perses et renonce, une fois pour toutes, au Ponant. »

Il remit la lettre à Cli­téus et le ren­voya en Perse avec un bois­seau de poivre, en guise de pré­sent pour Darius. Avant son départ, Alexandre lui dit : « Tu as vu par toi-même com­ment j’ai mâché les graines et com­ment je les ai recra­chées. Que Darius compte les grains d’une cosse de ce poivre : j’ai autant de soldats. »

Cli­téus retourne chez Darius.
Cette cor­res­pon­dance entre Alexandre et Darius est entiè­re­ment ima­gi­naire. Ce Cli­téus, « bien-aimé de Darius » était en réa­li­té le bien-aimé et le favo­ri d’A­lexandre. Il s’a­git de Klei­tos, un Noir qui ser­vit comme offi­cier sous le règne de Phi­lippe et com­man­dait un esca­dron nom­mé « L’Île royale ». Il sui­vit Alexandre dans toutes ses cam­pagnes et lui sau­va même la vie à la bataille du Gra­nique. Des années plus tard, au cour d’un ban­quet à Samar­cande,  Alexandre le poi­gnar­da dans un moment d’ivresse.

Read more

Kom ash-Shu­q­qa­fa

Ima­gi­nez-vous mar­cher dans les rues d’A­lexan­drie en 1900 der­rière un âne. L’âne marche d’un air débon­naire et sou­dain dis­pa­rait de l’ho­ri­zon, englou­ti par un trou béant qui s’est ouvert sous son poids. C’est appa­rem­ment le scé­na­rio qui s’est dérou­lé le jour où ont été décou­vertes les cata­combes de Kom ash-Shu­q­qa­fa (Kom-el-Chou­qa­fa — la col­line aux tes­sons), non loin du canal el Mah­mou­diya. Cet immense hypo­gée est le plus grand site archéo­lo­gique mis à jour à Alexan­drie et demeure le der­nier ves­tige de la reli­gion égyp­tienne, même si le style en est clai­re­ment romain, et la déco­ra­tion dans un style typi­que­ment gré­co-romain carac­té­ris­tique d’A­lexan­drie. Construit à la fin du Ier siècle, il a été uti­li­sé pen­dant près de trois siècles. Ce sont en tout 300 tombes qui ont été mises à jour, répar­ties sur trois niveaux dont le plus bas est aujourd’­hui inon­dé et impra­ti­cable, à 35 mètres sous terre, le tout entiè­re­ment creu­sé dans la roche. Le lieu est orga­ni­sé autour d’une grande rotonde qui des­sert toutes les pièces, tombes prin­ci­pales comme d’autres plus récentes. L’en­semble est com­po­sé d’un puits par lequel on pas­sait les corps, la rotonde, la salle prin­ci­pale, toute un bor­dée de locu­li (niches) et un tri­cli­nium, une salle de ban­quet des­ti­née aux invi­tés. Les pre­miers archéo­logues à y entrer trou­vèrent de la vais­selle et des amphores encore pleines de vins.

L’é­poque de construc­tion de cet hypo­gée cor­res­pond avec le moment où la ville d’A­lexan­drie ne sait pas quelle reli­gion adop­ter, tiraillée entre les pré­misses d’un chris­tia­nisme hési­tant, le pan­théisme de Rome ou d’A­thènes et les anciennes croyances égyp­tiennes. On voit mêlé dans la tombe disques solaires, sta­tues d’Anu­bis (dieu dévoué au pas­sage vers le pays des mort) affu­blée de la queue de ser­pent d’Aga­thos (Aga­tho­dae­mon, αγαθος δαιμων) et vêtu comme un légion­naire  romain. On y voit éga­le­ment des pein­tures repré­sen­tant l’en­lè­ve­ment de Per­sé­phone par Hadès et la momi­fi­ca­tion d’Osi­ris. La confron­ta­tion des dif­fé­rents styles a tou­jours quelque chose d’un peu étrange par­fois, pour ne pas dire ridi­cule. Le haut-relief d’A­nu­bis sty­li­sé “à la grecque”, avec muscles saillants et pose manié­rée, le tout mêlé à la repré­sen­ta­tion dans laquelle s’ex­prime le refus de tour­ner le corps est sin­gu­liè­re­ment inap­pro­priée, mais c’est un témoi­gnage des temps trou­blés, entre deux eaux.

  1. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part I: An Intro­duc­tion and the First Level by Zah­raa Adel Awed
  2. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part II: The Second Level and the Main Tomb by Zah­raa Adel Awed
  3. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part III: The Hall of Cara­cal­la (Neben­grab) by Zah­raa Adel Awed

Mes­sage per­so : page 453

Read more