Mar 1, 2010 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Wilfred Thesiger, sage parmi les sages, homme aux semelles de vent parmi les hommes a parcouru pendant des années le sable brûlant du Kenya et de l’Éthiopie et ses lieux interdits, à la rencontre de ceux qui vivaient il y a encore quelques années sans avoir connu d’autres hommes que ceux de leur tribu — et ceux contre qui ils combattaient. Samburu, Kalenjin, Kikuyu, Rendile et Turkana, des noms qui chantent les grands hommes de la vallée du Rift et du Maasai Mara ou du Tanganyka, le lac le plus poissonneux du monde, des hommes longilignes, agressifs, belliqueux et fins, beaux et rebelles comme des femmes dont les traditions veulent qu’ils s’habillent avec les attributs féminins jusqu’à l’âge sacré de leur circoncision et portent dans les cheveux les plumes des petits oiseaux qu’ils ont tué avec leurs traits et un arc tout ce qu’il y a de plus artisanal. Tous les quatorze ans, un nouveau cycle de la vie commence et se fête dignement dans le berceau de l’humanité, qui est une des régions les plus giboyeuses d’Afrique.


Photos extraites de son livre Visions d’un nomade, chez Plon, 1987, coll. Terre humaine.
Billet suivant : Églises monolithiques de Lalibela, Wilfred Thesiger le nomade #2
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Feb 17, 2010 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Pendant des années, Nicolas Bouvier a vécu au Japon, se déracinant complètement avec sa femme et leur deux enfants et vivant dans un pays avec lequel s’instaurera un dialogue qu’on connaît déjà au travers de ses chroniques japonaises. Toutefois, si y on décelait une certaine sérénité et une joie de vivre, ses carnets du Japon prennent une toute autre teinte, celle du voile de la réalité, même si au fond, rien de tout ceci ne l’empêche de vivre des moments de pure félicité.
Le ciel n’est pas un usurier mais je sais qu’il me demandera des comptes pour chacune des journées passées dans cette paix, dans ces grands arbres, dans cet espace, luxe suprême du Japon.

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On y retrouve également des moments d’interrogation, des textes très personnels, pas toujours très gais, des moments de flottements au pays de l’Ukiyo‑e. Si Bouvier est un grand poète, un voyageur hors pair, c’est avant tout un homme qui ne cesse d’écrire sur ce qui le motive ou l’agace.
La vie est courte aussi et ce n’est pas la peine d’en consacrer la moitié à des irritations superflues. Ensuite, comme dit Michaux : « Tout ce qui ne contribue pas à mon édification : zéro. » En troisième lieu, parce qu’il y a moins de variété et d’invention dans les défauts que dans les qualités (je me rends bien compte qu’il s’agit là d’un postulat, mais j’y crois absolument).
On y retrouve ce goût de la flânerie et toujours ces adresses à l’attention du lecteur. On y exhorte le voyageur potentiel à se préparer au monde, à faire usage du monde… Comme si son but n’était que de nous rendre familier du monde dans lequel on vit.
Tous les voyages sont ethnographiques. Votre propre ville même, si vous l’étudiez avec la patience, la curiosité et la méthode que les meilleurs esprits mettent à l’étude d’une tribu sauvage, attendez-vous à des surprises. Le quotidien n’existe pas. L’ordinaire n’existe pas. Vous croyiez connaître la chambre ? Vous vous apercevrez que vous ne savez pas même d’où viennent les meubles, ni qui paie le loyer.

Ce qui est épatant dans ces lignes, c’est que contrairement à ses chroniques japonaises dans lesquelles il nous initie au sens de la vie japonaise, à tous ses mystères et ses enchantements, ses carnets sont plutôt de nature à montrer les coutures mal finies, l’envers d’un décor trop poli pour être honnête. Par-dessus tout, il déteste ce principe selon lequel l’unité vaut moins que un, en vigueur depuis toujours dans ce pays d’insulaires exaltés par leur propre culture et si réfractaire à l’extérieur et cela, depuis les premiers shogunats. Ici, le vernis craque, la carapace se fend et on voit dans cette société bassesses et mesquineries de petites gens sans envergure. Bouvier nous rappelle qu’il a beau être à l’autre bout de la Terre, que tout ici sonne exotique, rien n’empêche l’humain d’être aussi mesquin ici qu’ailleurs. Et puis sans rire, cette société stricte, rigoureuse, efficace parfois, cache de vilains vices qu’il est bon de dénoncer, on ne vous trompe pas sur la marchandise.
Le dégoût de l’efficacité : Faites à loisir quelque chose de modérément agréable mais surtout de parfaitement inutile. Une nostalgie. Mais la nostalgie est un sentiment subalterne, d’où jamais rien de bon n’est sorti. C’est, si vous voulez, la bonne du désir, le désir du pauvre d’esprit.
On y retrouve également parfois des échos de son Meisterstück, L’usage du monde, des mots qui nous rappellent quelque chose. On dirait du Bouvier… (étonnant qu’on l’aime)
Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne vous lui laissez pas aussi le droit de vous détruire. C’est une règle vieille comme le monde. Un voyage est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n’a pas coulé ne sauront jamais rien de la mer. Le reste, c’est du patinage ou du tourisme.

Plus étonnant, pour une fois, on y voit l’auteur parler de l’écriture, de son hésitation, de ses doutes. Lui qui contre toute apparence éprouve un langage fluide et poétique semble se heurter à des murs et rejette ses mots. On savait qu’il mettait des années à écrire ses livres de voyages, on a peut-être ici un embryon d’explication.
Une phrase comme : « Ils écrivent avec leurs sabres une page sanglante de l’histoire japonaise » devrait vous envoyer directement un homme en prison. C’est un faux billet ou un billet qui n’a pas cours. Même au fond des campagnes vous n’obtiendrez rien en échange. Autre expression, encore plus riche : « Un peintre témoin de son temps. » Comment diable pourrait-il faire autrement ? Être témoin du temps des autres ? D’un temps dans lequel il n’a pas vécu ? Cela aussi relève de la correctionnelle. Hélas quatre-vingt-dix-neuf pour cent du langage est aujourd’hui dans cet état.
Voilà pourquoi écrire m’est tellement ardu. Presque tout ce qui me vient, je le rejette : faux billets, chèques sans provision.
Toutes les photos © Okinawa Soba
Nicolas Bouvier, Le vide et le plein
Carnets du Japon 1964–1970 (Poche)
Folio Gallimard
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Feb 5, 2010 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Le très excellent blog Bibliodyssey, spécialisé dans l’art de l’illustration et les documents anciens et qui a pour habitude d’alimenter abondamment d’images chacun de ses billets, vient de publier un très bel article sur le Codex de Dresde qui a fait coulé tant d’encre ces derniers temps à cause de la sortie du film 2012 (ceci est un euphémisme car on était tout de même plus près de l’asphyxie d’information et de délires paranoïaques). Conservé à la Sächsische Landesbibliothek de Dresde, le manuscrit aurait été rédigé au XIIè siècle et se compose de 39 feuillets en accordéon de 9 × 20,5 cm pour une longueur totale de 3,56m et reste considéré comme le plus beau et le plus complet des manuscrits maya ; il est une source essentielle de compréhension pour le calendrier maya et leur système astronomique. Avant tout, c’est un superbe document en couleur, dont on doit en partie la découverte à l’explorateur allemand Alexander von Humboldt, même s’il a été endommagé par une inondation suite au bombardement de la ville de Dresde de 1945. Toutefois, ce document est réputé n’être qu’une copie envoyée par Hernán Cortés en 1519 en Europe d’un original composé entre 700 et 900 après J.-C., ce qui en fait, de loin, le plus vieux livre du continent américain
Liens:
- Le document intégral sur le site de la bibliothèque
- Liste des Codex de Méso-Amérique sur le site du FAMSI
- Voir également la collection de liens sur le sujet, sur le billet original
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Dec 31, 2009 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Dans le sud de l’état de l’Ohio, près des rivages d’un affluent de la rivière éponyme et dans le comté d’Adams se trouve une bien étrange construction que n’importe quel œil peu avisé serait à même de prendre pour les accidents d’un parcours de golf. En prenant un peu de hauteur, on se rend compte que ces monticules forment en réalité un ensemble représentant très distinctement un serpent, dont la tête est parfaitement dessinée, ce qui ne laisse aucun doute quant à une éventuelle interprétation. Toutefois, on peut y voir également la possibilité d’un têtard, voire d’un spermatozoïde, ce qui ne serait pas sans aller dans le sens symbolique du tertre.

La première évocation écrite de ce lieu remonte à 1848, sa longueur totale est d’à peu près 420 mètres et les variations de hauteur du monticule sont de 30 à 100 cm. Même s’il est fait mention de ce lieu dans les témoignages oraux des cultures ou traditions Adena, Hopewell et Fort Ancient, et même si après avoir longtemps hésité sur une date possible d’élévation entre 3000 et 1200 av. J‑C. il semblerait, d’après datation au carbone 14 de restes de charbon de bois à proximité du tertre, indiquant que des hommes y ont travaillé, que l’origine du serpent remonte en réalité à une période située aux alentours de 1070 après J.-C. Quoi qu’il en soit, il a été mis en évidence que ce tertre n’est en réalité pas un tumulus, une sépulture, contrairement aux autres élévations de terre situées à proximité et sur lesquelles plusieurs couches de terre ont été superposées afin d’ensevelir d’autres corps à des périodes différentes, comme on peut le voir sur les maquettes visibles sur cette page, mais il semble avoir une fonction symbolique, liée aux croyances des Indiens de l’époque, comme on en trouve encore aujourd’hui chez les Indiens Cherokee.
On peut trouver une explication de cette construction dans l’alignement du serpent avec le point de lever du soleil au solstice d’hiver, mais si la construction a réellement eu lieu aux alentours de 1070, cela correspond également à deux phénomènes astronomiques visibles à l’époque : la supernovæ créée par la nébuleuse du Crabe et le passage de la comète de Halley en 1066, ce qui n’est pas sans rappeler la forme du serpent.
Si le mystère demeure autour de la réelle signification de ce lieu hors du commun, il n’en reste pas moins un des plus grands tertres de ce genre qui n’ait pas été détruit.

Liens:
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Dec 28, 2009 | Eclairs de génie |
Pour tout savoir sur Saint-Nicolas, un site lui est entièrement consacré. On vous dira même comment fêter la Saint-Nicolas comme il se doit. Saint-Nicholas Center.

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