Oct 1, 2017 | Arts, Sur les portulans |
C’est un saint qui est passé relativement inaperçu dans les hagiographies principales. Pourtant, Janvier de Bénévent est l’héritier direct d’un dieu romain dont il tire son nom, Janus, le dieu bifrons, à deux têtes, dieu des débuts et des fins, des choix et des portes, célébré le 1er janvier et qui marque le début de l’année du calendrier romain. Ce qui fit de Janvier de Bénévent un saint, c’est son martyr pendant la période de persécution anti-chrétienne de la Tétrarchie sous Dioclétien, suite à quoi il mourut décapité en 305 après avoir passé une vie exemplaire emplie de miracles plus ou moins extraordinaires, relatés notamment par Alexandre Dumas qui déploya ses talents littéraires au service du saint lors de son voyage à Naples, ville dont Saint Janvier est le saint patron. Voilà pour le décor. Pour des raisons pratiques, nous appellerons l’homme San Gennaro. Dans l’histoire, ce n’est ni l’histoire de son martyr, ce qui est somme toute commun à presque tous les saints de la Chrétienté (et parfois fatigant à entendre), ni l’iconographie hagiographique du saint dont la plus célèbre représentation est ce très beau tableau peint par le caravagiste flamand Louis Finson (Ludovicus Finsonius) entre 1610 et 1612, qui nous intéresse, mais bien plutôt ce qui en reste aujourd’hui, à savoir le miracle de la liquéfaction de son sang…

Louis Finson ‑Saint Janvier — 1610–1612 — Palmer Art Museum at Pennsylvania State University
La légende veut que le sang du saint homme ait été recueilli dans deux ampoules de verre suite à sa décapitation en 305 après- J.-C., lors du transfert de sa dépouille vers sa catacombe. Après une histoire pour le moins épique et confuse, le corps du saint repose en partie dans une urne de bronze, tandis que le sang séché placé dans les ampoules sont conservées dans le reliquaire de la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption à Naples. Aujourd’hui, le miracle ne peut avoir lieu que si les deux ampoules sont rapprochées des restes du corps du saint, phénomène qui a été attesté plus de mille ans après la mort du saint, en 1389. Depuis ce jour, le phénomène de l’ostension du sang dans la cathédrale est opéré trois fois par an, et la liquéfaction, si elle est observée, est considérée comme un signe bénéfique pour la ville ; il arrive même parfois que le sans entre en ébullition. Toutefois, il arrive régulièrement que le sang ne se liquéfie pas.
Voici pour la légende et pour le miracle, miracle que toutefois, l’Église ne reconnait pas en tant que tel. Il est arrivé au cours de l’histoire de ce miracle, plusieurs anomalies. Tantôt le sang est liquéfié dès l’ouverture de la châsse, tantôt il ne se liquéfie pas du tout lors de l’ostension. Signe des temps, le Pape François est venu assister à la cérémonie, mais voyant que le sang ne se liquéfia que partiellement, il eut ce trait d’humour de circonstances : « On voit que le saint nous aime seulement à moitié… »
Bien évidemment, cette histoire est étrange, agitant aussi bien la ferveur aveuglée d’un peuple joyeux et fier que les hypothèses les plus saugrenues des scientifiques qui ne peuvent admettre que cela se passe comme cela se passe… Le fait que l’Église elle-même n’atteste pas ce miracle comme un miracle 100% pur miracle est un signe que l’on se trouve face à un événement dont personne ne comprend l’origine. On pourrait croire à une organisation bien rodée qui consiste à montrer aux gens ce qu’ils sont prêts à voir, ou tout au moins à induire leur perception des choses, mais le fait est que, quelle que soit la nature de la « chose » qui se trouve dans ces deux ampoules, cela se transforme bien en liquide. Alors peut-être qu’un jour on découvrira le secret, ou alors la supercherie, mais pour l’instant la ville de Naples continue de vivre au rythme des trois processions annuelles qui rendent son peuple attentif à leur saint protecteur, à la vie de leur communauté et au bien-être de chacun. Au fond, c’est tout ce qui compte…

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Jul 14, 2015 | Balade luxembourgeoise, Carnets de route (Osmanlı lale) |
En sortant de Vianden, je voulais revenir en Allemagne, profiter d’être dans les parages pour nager sur cette frontière incertaine que je n’ai pas arrêté de traverser toute la journée. C’est sur la frontière et non pas de chaque côté qu’il se passe réellement quelque chose, que les identités se brouillent et se départagent pour refonder quelque chose de nouveau, que les certitudes que l’on a d’être soi se départissent de leur oripeaux. Je voulais ressentir cette sensation étrange encore une fois, alors j’ai pris les chemins de traverse, les petites routes passant dans des villages insignifiants pour celui qui est en mal de sensations mais où l’âme est certainement la plus pure de tout préjugé. J’ai l’habitude de dire que c’est lorsqu’il ne se passe rien que les révolutions sont en marche. C’est la même chose pour les lieux ; c’est là où il ne se passe rien que j’aime musarder, parce que je suis certain d’y trouver quelque chose.


En arrivant aux portes de Trèves, je descends une grand côte qui me donne une vue spectaculaire sur ce qu’est la ville ; quelques flèches annoncent de grandes églises au clocher pointu, noyées dans un urbanisme dense et complexe. Je ne sais pas ce que je vais découvrir là, mais je fais plusieurs fois le tour du centre sans arriver à m’en rapprocher. Des rues piétonnes en entravent l’accès, apparemment dans une volonté d’en vider la circulation. Quelques places modernes où trônent un cinéma, un centre commercial, rien de très typique, rien de très excitant, à part peut-être une jeunesse désinvolte qui arpente les petites rues et profite de la température encore clémente. Je finis par trouver de quoi me garer sur une grand artère où l’on trouve quelques hôtels un peu cossus, Christophstraße. Inévitablement, je tombe sur ce superbe monument qui devait autrefois fermer la ville et qui remonte à l’époque romaine tardive ; la Porta Nigra. Son nom fait référence à la couleur de sa pierre, qui sans être véritablement noire est recouverte d’une patine foncée présente depuis quelques centaines d’années. Il paraît que le moine Siméon (un ermite ayant trouvé refuge à Bethléem et sur le Mont Sinaï) s’y fit enfermer jusqu’à sa mort en 1035. Drôle d’idée que de quitter les chaleurs de la Judée pour venir se faire enfermer dans un monument romain, en pleine vallée mosellane où la neige doit tomber drue l’hiver. Une église fut construite pour célébrer le saint, puis détruite par Napoléon pour lui rendre son aspect romain. Ce qui attire mon attention immédiatement, c’est la taille gigantesque des pierres qui composent l’édifice ; on n’est pas face à de la briquette, ni même à de la belle pierre de taille, mais face à des blocs énormes taillés de manière grossière.



La nuit a fini par tomber et c’est dans un semi-soir rosé que je descends l’artère de Simeonstraße, une longue rue commerçante descendant jusqu’à la place du marché, la Hauptmarkt qui paraît être le vrai centre névralgique de la ville. Avec ses belles maisons hautes à fronton baroque, ressemblant fort aux austères maisons flamandes, c’est une place magnifique que la lumière rend irréelle. Ici un carillon sonne l’heure, accroché à la façade d’un café, ici une église se cache dans un recoin, sous un portique où vous attendant trois lascars titubant, prêts à vous demander l’aumône, gentil chrétien. Une magnifique fontaine trône sur le côté de la place, surmontée d’un saint que je ne prends pas la peine de détailler, peut-être Saint Siméon, peut-être pas. Les saints me sortent par les yeux et ne sont que les signes d’un temps révolu dont je veux m’extraire. Je ne regarde plus que les couleurs de peintures, les dorures, les courbes des maisons hautes et ce pavé grossier qui ondule sous les pas. Je détourne le regard de ces vitrines flamboyantes où les marques s’affichent comme dans tous les centres-villes désormais. La flagornerie du monde moderne.





En contournant la place, mon regard est attiré par une flèche qui dépasse du paysage. Une petite rue part sur ma gauche et rejoint une autre place, de belles dimensions. Je trouve ici deux églises collées l’une à l’autre, deux grosses églises, imposantes, de dimensions telles qu’on pourrait les croire cathédrales… La plus grande, avec sa façade austère, son évident style roman, ses deux beaux gros clochers et ses étranges tourelles d’angles est assurément un monument puissant et ancien. Une chose m’étonne tout de suite. On est manifestement du côté de l’entrée de l’église, du côté ouest, mais un renflement dans la structure indique qu’il y a comme un chœur de ce côté-ci, ce qui est vraiment inhabituel. Les arcades en façade et les arcs en pierre de différentes couleurs donnent l’impression d’être face à un monument roman du sud de la France. La comparaison me vient immédiatement avec l’église de Saint-Nectaire. Je n’y m’y suis pas trompé, c’est bien une cathédrale, la cathédrale Saint-Pierre de Trèves. Le nom de son patron indique une autorité supérieure, mais son petit nom, celui qu’on lui donne ici est tout simplement Dom Trier. Je m’extasie également sur le portail historié de sa voisine, l’église Notre-Dame-de-Trèves, qu’on appelle plutôt Liebfrauenkirche. Plus élancée, moins large, moins massive, tout indique qu’elle est tout de même ancienne. C’est une illusion, elles ont été construite à la même période, à la moitié du XIIIè siècle. L’effet est saisissant car ces deux églises dont la date de début des travaux est 1235 sont en réalité dans deux styles différents ; la première en style roman, la seconde dans un gothique primitif. Ma frustration est énorme car il est tard et les deux églises sont fermées depuis plus d’une demi-heure ; je rêve d’un monde où les églises seraient ouvertes la nuit, comme au Moyen-âge où l’on pouvait y entrer à n’importe quelle heure, ouvertes aux quatre vents et dénuées de ces horribles bancs en bois qui brisent la perspective et en feraient oublier certains pavages parfois plus intéressants que les plafonds. A part revenir demain, je ne vois pas comment faire. Revenir dans une autre vie ? Ce serait trop idiot. On en sait jamais si on reviendra dans ses pas, à moins de le désirer très fort.
Je retourne vers la Porta Nigra car mon estomac me fait violence et je me mets en quête d’un restaurant. Une gargote un tantinet bourgeoise me fait de l’œil, mais les prix pratiqués me couperaient presque l’appétit. J’ai finalement trouvé, dans un endroit totalement improbable, une brasserie moderne, à deux pas de la Porta Nigra, mais complètement cachée, cette enseigne qu’on peut trouver en entrant dans la cour du cloître qui porte le nom de Simeonstiftplatz. La brasserie Brunnenhof propose des plats copieux et fins pour une dizaine d’euros, à l’abri du vent mauvais qui souffle le soir, dans un lieu captivant, un ancien cloître illuminé et d’un calme inespéré au beau milieu de la ville. J’y ai mangé une fine tranche de saumon cuite en papillote, avec des zestes de citron et une poêlée de légumes, accompagnée d’une pinte de la bière locale, la Bitburger (Bitte ein bit ! dit le slogan). Je ne cache pas que mes trois mots d’allemand ne m’ont pas beaucoup servi pour traduire le menu et passer la commande auprès du garçon. On m’avait pourtant juré qu’avec la proximité de la frontière française et luxembourgeoise, les gens parlaient forcément quelques mots de français. Tu parles… Une bonne dose de bonne volonté de sa part et une tentative de la mienne à parler anglais sont venus à bout de la commande. Passée l’émotion, je me suis vautré dans mon fauteuil pour profiter de l’air frais de cette belle soirée d’octobre, en sirotant ma bière glacée sous l’ombre imposante de la Porta Nigra, légèrement ivre de fatigue, ivre de vivre cet instant délicat et somptueux.


Je ne pouvais tout simplement pas en rester là. Après être rentré tard sur une route que j’ai eu du mal à apprivoiser, je me suis levé avec une seule idée en tête… déjeuner au beau milieu de ces visages sans âme de l’hôtel Double Tree, ces couples muets et blafards, ces retraités gouailleurs, pour repartir vite fait vers Trier. Sous un ciel bileux qui s’est découvert au fur et à mesure, j’ai découvert l’autre versant du Dom Trier ; son chevet baroque, tout en rondeur et que j’allais découvrir de l’intérieur, le trésor qui s’y cache, et son imposante stature, avec ses angles nets, et deux autres clochers massifs et carrés.


J’ai découvert à l’intérieur un autre monde, la rudesse et la fantaisie allemande, le contre-poids entre la Réforme et la Contre-Réforme, la sécheresse et la gaudriole. Dans ce qui me paraissait être une chœur à l’entrée en est peut-être un, je n’en sais rien, mais son plafond en demi-coupole est ornée d’une superbe décoration de plâtres finement exécutés, sur un fond bleu roi, donnant au tout une étrange impression de camée, apportant une lumière éclatante de crème Chantilly tout juste battue.


Au beau milieu de la nef trône dans les airs les plus belles des orgues, suspendues en l’air ; on appelle ça des orgues en nid d’hirondelle. Celles-ci ont la particularité d’en avoir également la couleur. D’une beauté époustouflante, d’une harmonie gracieuse et presque hautaine, c’est de loin le plus beau buffet d’orgues que j’ai jamais vu.
La crypte, comme souvent les cryptes, n’a pas grand intérêt, si ce n’est que j’y découvre des cuves en étain contenant certainement de l’eau bénite et dont je n’arrive presque pas à lire les étiquettes. C’est trop peu évident pour moi et je ne cherche pas à comprendre ce que cela peut vouloir dire. Je m’en étonnerai plus tard.

La véritable surprise de cette journée, c’est l’abside, celle que j’ai vue de l’extérieur, car elle contient quelque chose d’unique. On y trouve, enfermée, enchâssée dans une gangue de verre, hors de portée de mains, et de fidèles, la très sainte et très véritable tunique du Christ. Enfin une des véritables. Car il en existe plusieurs. Les mauvaises langues diront que le fait qu’il en existent plusieurs est le déterminant même du fait qu’elles sont toutes fausses, c’est ce qu’on appelle la délégitimation mutuelle. Mais c’est sans compter que le Christ avait peut-être un dressing avec plusieurs tuniques, qu’on a toutes retrouvées. Plus sérieusement, les deux tuniques “sérieuses” sont ici, et à… Argenteuil, à deux pas de mon lieu de travail, dans la Basilique. J’y suis allé un midi, mais je ne l’ai jamais trouvée…

A l’extérieur, un cloître magnifique entoure un jardinet dans lequel sont enterrés des prélats qu’on imagine importants et d’où l’on peut voir l’imposante église sous un autre angle. Dans une des ailes, une plaque en cuivre ajourée annonce qu’ici se trouve un ossuaire… De quoi faire trotter l’imagination.


On entre ensuite dans la Liebfrauenkirche, étrange église construite sur un plan de croix grecque, ce qui est passablement étonnant pour une église gothique, alors que les églises romanes étaient déjà construite sur un plan de croix latine. Ses vitraux lumineux et son plafond fleuri sont du plus bel effet et son plan ramassé lui donne une impression de légèreté et d’étroitesse que sa hauteur élève vers… le Très-Haut ?… Je n’ai rien trouvé d’autre à dire. Sans me sentir écrasé par la puissance mystique des deux églises, je sens quand-même que le lieu dégage une certaine aura, peut-être un peu accentuée par la présence de nombreuses personnes venues visiter ces deux églises, en pleine période automnale…



Dans les rues, de grandes maisons ornées de portails imposants, surmontés d’écussons tenus par des lions debout donnent une impression de richesse à la ville. Je marche jusqu’à un autre monument que je ne pourrais malheureusement pas visiter, car fermé pour travaux. C’est la Konstantinbasilika, une ancienne aula romaine ayant de servi de salle du trône à Constantin, reconvertie en église protestante et dont la forme est strictement byzantine. On se croirait dans un faubourg d’Istanbul. D’une rigueur extrême, imposant avec ses 67 mètres de long, ce bâtiment nous vient tout droit de l’Antiquité et demeure le plus grand monument encore intact qui nous soit parvenu de cette époque. Son aspect dépouillé paraît convenir parfaitement à ses nouvelles fonctions de temple protestant, mais la proximité d’un palais baroque rose bonbon collé sur son flanc, construit par Lothaire de Metternich au XVIè siècle, gâche un peu l’ensemble. Aussi bien les Allemands sont capables du meilleur goût que parfois leurs choix esthétiques sont hasardeux. En l’occurrence, comment s’en sentir responsable lorsque ledit bâtiment a 400 ans ?





Je n’ai plus beaucoup de temps à passer ici. Je dois rentrer ce soir, pas trop tard de préférence, et pour l’heure, je dois aller déplacer la voiture si je ne veux pas me prendre une amende. Sur le chemin, j’effleure à nouveau les murs du Dom, je repasse par la Hauptmarkt envahie de monde, fiévreuse, entre dans Fleischstraße (rue de la viande) et m’aventure jusqu’à une boulangerie où j’achète bretzels encore tout chauds, marzipanstollen et apfelstrudel à emporter, mais je mets tellement de temps à choisir que j’ai l’impression que son flegme allemand commence à bouillir sous son tablier bavarois de pacotille.
Il fait encore beau pour un mois d’octobre, le temps est même exceptionnellement doux pour la saison. Dans quelques semaines à peine, la région sera recouverte par la neige et ressemblera peut-être un peu à l’image traditionnelle qu’on se fait de l’Allemagne. Je n’ai pas vraiment pris le temps de parler avec les gens mais je ressens plus la barrière de la langue qu’à Istanbul, étrangement. Ce n’est certainement qu’une impression, parce que les heures sont comptées, parce que le temps file à une vitesse incroyable. Il est temps pour moi de repartir. Je quitte la Hauptmarkt et m’engouffre dans la dernière rue dont je retiens le nom ; Windstraße, la rue du vent qui longe le Dom, comme si on m’indiquait la sortie, ou peut-être ce qui me pousse à ne jamais rester en place, comme une métaphore du passage incertain dans les lieux qui m’habitent et dans lesquels je n’arrive jamais à rester autant que je le souhaiterais…

Voir les 98 photos de cette journée à Trèves sur Flickr.
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Jun 14, 2015 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Carnet de voyage en Turquie : L’église cachée (Saklı Kilise), la vallée de Pancarlık et le ramadan à İstanbul
Bulletin météo de la journée (samedi 18 août 2012) :
10h00 : 28.8°C / humidité : 52% / vent 22 km/h
14h00 : 31°C / humidité : 46% / vent 28 km/h
22h00 : 28,9°C / humidité : 54% / vent 22 km/h
C’est aujourd’hui le dernier jour du ramadan (ramazan), un jour vécu à la fois comme une libération et comme un renouveau, après un mois lunaire éprouvant pour les corps et les esprits, un mois censé mettre son âme à l’épreuve et purifier. Demain, ce sera la fête. Je plains ces hommes et ces femmes qui s’astreignent à ne pas manger et surtout à ne pas boire pendant ces longues journées torrides. Ramadan, c’est aussi l’occasion de se retrouver tous ensemble dans la rue et partager ensemble dans une ambiance chaleureuse son repas dès lors que le muezzin a commencé sa longue complainte, qui sur l’hippodrome, entre Sultanahmet Camii et Sainte-Sophie, dure près de 8 minutes… une éternité qui transperce le cœur et donne la chair de poule, malgré la sueur qui continue de dégouliner sur mon corps et la chaleur insensée. Je regardais hier soir les belles femmes endimanchées (ou plutôt enramadanées) dans leurs manteaux longs traînant par terre, boutonnés jusqu’au col dans lequel est coincé un foulard serré qui leur enserre le visage. Comment supporter la chaleur dans ces conditions ? Certaines sont visiblement à l’aise financièrement, mais on sent clairement le poids de la tradition ; ce n’est pas ici que traîne la jeunesse stambouliote émancipée.
Il fait nuit, une nuit noire, mais certainement pas calme. Les minarets de Sultunahmet, tendus comme des chandelles vers le haut, ne sont qu’à 50 mètres de la chambre. A un peu plus de 4 heures du matin, j’entends comme un craquement dans l’air calme de la nuit, le micro est ouvert et le muezzin entame sa longue plainte en suppliant le nom d’Allah. Le nez dans l’oreiller, un œil à moitié ouvert, il ne me viendrait jamais à l’idée de me lever à cette heure-ci pour prier, mais la magie opère quand-même, malgré l’heure, malgré la fatigue et je me rendors avant que les derniers mots soient prononcés.



Avant d’aller déjeuner, je m’installe quelques instants sur le toit d’hôtel où personne ne vient, le soleil a déjà commencé à chauffer le zinc des toitures sur lesquelles les pattes des corbeaux (kuzgun) grincent dans un petit cliquetis désagréable. Le monde s’arrête ici, comme dans tous les lieux sur lesquels je me suis reposé pendant ce voyage. Je me sens vidé, incapable d’en absorber davantage ; la coupure devient inévitable. Marmara brûle à main droite, laissant pantelantes les silhouettes des cargos qui attendent leur tour pour franchir le Bosphore, dans un air mâtiné des traces de gas-oil consumé. Sultanahmet Camii, à main gauche et du haut de ses six minarets, flamboie comme une armée de lances au lendemain de la victoire et malgré sa pierre grise et sombre, renvoie une lumière aveuglante qui fait pleurer mes yeux fatigués.


J’irai voir ce matin le tombeau de celui qui a donné son nom à la grande Mosquée Bleu, le Sultan Ahmet Ier, juste en face de Sainte-Sophie et derrière la fontaine. Il était encore en travaux la dernière fois que je suis venu et je m’engouffre dans ce mausolée spacieux où reposent le Sultan, son épouse et ses enfants dans de tout petits cercueils recouverts de feutrine verte et à la tête desquels se trouvent les turbans blancs indiquant leur rang. Je suis plus ému par les faïences et les motifs dessinés sur le plâtre que par le lieu lui-même. Quand on a visité les tombeaux qu’on peut voir dans l’enceinte de Sainte-Sophie, celui-ci paraît bien pâle, bien peu charmant…


Mais je repère quand-même quelques douceurs à me mettre sous la dent. Le détail des motifs nacrés de la porte majestueuse me donne à voir des étoiles de bois incrusté d’ivoire et de nacre, dans un mélange étonnant de couleurs simples, primitives, associé au cuivre des poignées et des gonds, des serrures et des ornements. La céramique d’Iznik commence à me sortir par les yeux, même si je reconnais que la multiplicité des motifs m’impressionne à chaque fois un peu plus, surtout depuis que je sais que les vrais carreaux authentiques sont fabriqués à la vitesse du temps qui passe à l’ombre des tonnelles de la ville méditerranéenne. Pas moins de vingt-sept opérations sont nécessaires pour produire ces motifs à la simplicité enfantine.
Pour ce dernier jour, j’ai décidé de visiter à nouveau Sainte-Sophie ; cette église exerce sur moi un attrait incompréhensible. La plus grande église du monde en dehors du monde chrétien est une ode aux croyances barbares, un lieu saint qui a survécu aux hommes, aux religions, aux tremblements de terre — qui sait pour combien de temps encore. J’y reviens parce que je suis atteint du syndrome de Jérusalem. Au contact des lieux sacrés, peu importe de quelle religion il est question, je me sens comme envahi par une force qui me dépasse et me laisse pantelant sur le bas-côté, vidé de ma substance au profit de quelque chose que je ne peux contrôler et dont la puissance m’étreint. C’est peut-être ce que Mircea Eliade appelle le sacré. Vivre des épiphanies qui ressemblent à des orgasmes spirituels à chaque coin de rue n’est pas donné à tout le monde. Certains en sont même morts dans d’atroces souffrances.


Sous le soleil écrasant, les dômes de plomb du hammam Haseki Hürrem sont d’une grisaille époustouflante, les petits bubons de verre étincelant sur cette pesante carapace. Au pied de la plus grande église du monde chrétien oriental, les empiètements des minarets paraissent comme les pieds gigantesques d’une statue d’empereur romain que le temps aurait façonné jusqu’à ce qu’on n’en voit plus que l’armature. L’ingéniosité de cette architecture qui transforme une base carrée en tour ronde dans une douceur de baklava est là le véritable génie de ceux qui ont dessiné la beauté de cette Istanbul ottomane. La brique rose dans l’ombre du bâtiment semble fraîche comme des biscuits de Reims dans une charlotte à la framboise, mais ce n’est qu’une illusion. Le soleil écrase tout.



Dans le jardin qui entoure l’église, je m’attarde sur les piliers des colonnes qui ornaient autrefois les alentours et qui, recouverts par une terre tassée par les années de conquête, ont été préservés des saccages. Sur certains d’entre eux, on peut encore voir gravé le nom de Théodose, l’empereur bâtisseur et dernier empereur romain à avoir régné sur l’Empire d’Orient unifié. Des colonnes au chapiteau sculpté dans un style corinthien pur se retrouvent affublées sur leur fut d’une croix latine, absurdité complète qu’on ne voit qu’ici.




L’effet est toujours le même quand on rentre dans l’église, ou non, il est à chaque fois amplifié, parce qu’on s’attend à ce qu’on va y trouver. Une ambiance barbare, brute, sauvage, l’élément le plus représentatif de l’art byzantin dans toute sa splendeur, en terre musulmane de surcroît. Tout ici fait vaciller les sens, parce qu’on n’y comprend plus rien, si tant est qu’on tente de percer le mystère. On est accueilli par un Christ sur son trône, qui semble, de son regard sévère nous lancer un avertissement. Son imposante stature écrase celui qui entre ici. Misérable vermisseau, prosterne-toi… Les lourdes portes de bronze incitent à ne pas rester trop longtemps ; personne ne songerait à tambouriner dessus pour l’ouvrir. Certaines portes latérales du narthex ne sont plus de style byzantin mais présentent une forme d’ogive telle qu’on en voit sur les bâtiments ottomans. Qui brouille ainsi les pistes ?



Dans ce narthex déjà parcouru, mon regard se perd dans les marbres colorés, veinés comme une peau diaphane sous laquelle on verrait le sang couler alors que ce sont certainement des litres et des litres de sang qui, sur le sol, ont été répandus suite aux querelles des images et aux invasions successives… Sous les pilastres bordés d’une frise florale représentant certainement des vignes, symbole christique par excellence, ce sont des plaques incrustées de couleurs qui déjà annoncent les volutes florales des céramiques d’Iznik, les contours des portes sont capitonnés de gros clous de bronze, censés tenir la structure pour des siècles ; la preuve par l’exemple, tout tient parfaitement en place. Sur une porte en bronze, un vase contenant deux feuilles stylisées et confrontées, des palmes ? Le long des fenêtres, des mosaïques faites de tout petits carreaux dorés, recouvrant savamment les renflements de la structure, s’ornent parfois de feuilles enroulées, motifs qui alternent un peu avec les croix omniprésentes. Ici c’est un trou de serrure qui m’intrigue, laissant supposer des salles secrètes qui n’ont peut-être jamais été ouvertes, là c’est une vasque en marbre ornée d’écritures arabes, recouverte d’une chape de bronze. Tous les matériaux d’ici sont des matières hautement nobles. Le bronze, la pierre, le marbre de Proconnèse, le porphyre rouge sang, la lumière, l’or.


Ici encore, ce sont des plaques marquetées de marbres, un vert sombre et granuleux pour le fond, un veiné jaune et rouge pour donner du relief, un porphyre pour remplir un disque, un vert fin et clair pour les volutes florales… Au dessus d’un pilastre, c’est ici une reproduction d’église en miniature, certainement Sainte-Sophie elle-même, une croix représentée au milieu, entre des rideaux qu’on imagine être de pourpre impériale. Entre chacune des plaques de marbres, c’est un frise faite de carrés alternés donnant l’impression d’une dentelle ; lorsque la pierre se fait tissu…


Et puis, changement de décor, nous sommes dans une mosquée. Derrière les cuivres découpés d’étoiles, les pointes des flèches tendues vers le ciel se terminant par un croissant de lune, lui aussi pointant vers le haut, ce sont les médaillons dans lequel on peut lire en arabe le nom d’Allah, les vitraux d’un pur style ottoman. Un coup d’œil en arrière et l’on tombe à nouveau sur la dentelle de pierre grise, fleurs infinies qui donnent le vertige, sur le sol à nouveau, de gigantesques disques de marbres colorés qui font comme des bulles sous le vide immense de la coupole. Une pièce est ouverte sur le côté du narthex et j’accède à une pièce que je n’ai jamais vue : il me semble que c’est l’horologion, là où se trouvent les psautiers. Ici encore les pistes sont brouillés. Dans cette petite enclave sacrée, les murs sont recouverts de céramiques ottomanes. Au plafond, je découvre des anneaux scellés dans la pierre. Que font-ils là ? Sur les marbres bleus et dans la lumière qui filtre au travers des lucarnes, un chat reste là, assis, se laissant caresser par tous ces gens grossiers qui osent venir ici.





Sur un autre pilastre, je découvre, là où devait se trouver autrefois une porte, la trace d’une main prise dans la couleur de la pierre. Fascinant, et surtout, incompréhensible. C’est là que réside le mystère de ce magnifique monument, dans toutes les petits choses cachées qu’il faut se donner la peine de découvrir. Ces lustres imposants descendant du ciel comme des soucoupes volantes, rappelant les plus grands mystères des livres d’Ezechiel et d’Enoch…



Certaines des colonnes sont cerclées, les autres pas. Et puis au bas des certaines d’entre elles, des frises grecques qui, aux jointures sont comme des swastikas. Est-ce que les autres regardent aussi par terre ? Par là où la lumière entre, la pierre prend une teinte irréelle. Il se passe quelque chose ici qu’on ne voit nulle part ailleurs. Des motifs de vigne que j’ai vus quelques jours auparavant dans les tréfonds de la Cappadoce, notamment à Mustafapaşa sur l’église Saint Constantin et Sainte Hélène. De la loge impériale on voit les arches de soutènement en pierre sèche raclées par le soleil crû. Je suis épuisé de tous ces détails, j’ai l’impression de vaciller et l’espace d’un instant, ma vue se trouble, j’ai comme mal au cœur ; le désir de partir d’ici est le plus fort. La chaleur m’a rincé, exténué, l’émotion a, quant à elle, été la plus forte et encore maintenant me détruit. Il n’y a plus rien, plus rien. Je dois m’asseoir pour ne pas tomber… Quelques instants…












Au centre d’un des séraphins brûle un cœur d’or. Les séraphins, ces êtres redoutables, divins et pourtant toujours destructeurs, objets de fantasmes, délicatement représentés par des plumes bleues tentatrices… Sous mes mains, sur la rambarde de marbre, une inscription en grec que je n’arrive plus à déchiffrer. Peut-être une revendication d’un insurgé de l’époque de la Sédition Nika… Et puis au-dessus de ma tête cette étrange mosaïque noire et or dans les renflements entre les arcades. Encore un petit coin étrange. Je profite des fenêtres ouvertes pour m’extasier depuis ici sur ces minarets tendus comme des arcs, dépassant des rotondes. Sur les murs du narthex, on trouve les plaques gravées des décisions finales du fameux synode de 1165, dans un grec presque compréhensible. Monogrammes, croix, chrismes, le nom d’Allah, de petits crochets au-dessus des portes qui devaient retenir autrefois des tentures, histoire de ne pas donner un air trop évident aux choses. Chaque émotion en son temps. Cette fois-ci, je dois sortir de l’église et j’emprunte une sortie que je ne connaissais pas, la Belle Porte sur le fronton duquel se dresse une mosaïque de la Vierge en majesté. Dehors, c’est le baptistère que je découvre avec sa baignoire immense, taillée dans un seul bloc de marbre. C’est ici qu’étaient immergés les empereurs de l’Empire Romain d’Orient, dans cette cuve que personne ne visite guère. Et pourtant, c’est tout un symbole.




Pour reprendre mon souffle, je m’assois à l’ombre, engloutissant toute l’eau de ma bouteille, et je me pose pour écouter le chant du muezzin. Je reprends mon chemin pour m’enfoncer vers le Grand Bazar. J’ai un rendez-vous non loin de Beyazıt Camii avec Sadık, le vendeur de cuivres. Il m’a fait promettre de revenir pour m’offrir un kebab que nous mangeons, assis dans son échoppe, sur une des tables qu’il est censé vendre et qu’il a posée en plein milieu. Il ferme la porte, histoire de faire comprendre que c’est fermé pendant l’heure du repas, improvisée. J’ai peur qu’il fasse chaud, mais il me montre une trappe au plafond, un simple vantail qu’il ouvre avec une corde. Il se marre en disant « ottoman air conditionning !! ». Malin comme un singe le Sadık… Contrairement à ma dernière visite, il a laissé poussé sa barbe qui dit bien ce qu’il est, un homme indépendant qui se fiche de ce qu’on pense de lui. Sa moustache se perd avec le reste des poils de son visage ; il a l’œil malicieux et tendre. Nous échangeons quelques mots dans un anglais qu’il maitrise moins bien que moi, mais tout passe par les yeux et pendant ce temps, l’ayran coule à flots… Dehors, près du marché aux livres, je retrouve le même petit chat que j’avais pris dans mes bras au mois d’avril. Il a grandi à présent, mais c’est le même, j’en suis certain. Il passera peut-être sa vie ici s’il ne se fait pas écraser par une voiture sur Divan Yolu.





Au pied de la belle mosquée Beyazıt Camii, la mosquée construite par le sultan Bajazed II, successeur du conquérant Mehmet II et destitué par son fils Selim, se trouve un marché d’un genre particulier, car ici on y trouve des billets de tous les pays, et surtout un incroyable marché au tesbih, ces chapelets le plus souvent faits de billes de bois, que les hommes (les femmes aussi, mais pas à Istanbul) s’amusent à égrener toute la journée pour s’occuper les mains. Ici, on échange des regards, on négocie ferme, on s’engueule et on s’empoigne, les billets de lires turques passent de mains en mains et les tesbih rejoignent les mains caleuses de leurs nouveaux propriétaires. Je m’amuse à regarder les visages des hommes, certains émaciés et burinés, d’autres avec un seul œil restant, certains rondouillards et bon-enfant, d’autres durs, mal rasés, inquiétants presque. Ces visages soit barbus, soit moustachus, soit pas vraiment rasés, ont parfois la douceur des heures débonnaires.





La fin de journée arrive, la chaleur, elle, ne descend pas. Le soleil tanne ma peau bien brunie par plus trois semaines passés dans cette fournaise turque ; pas aussi fort toutefois que dans la baie de Kekova ou sur les hauteurs de Pamukkale. Devant la Yeni Camii qui prend les teintes renardes du soleil décroissant, les gens circulent en ne jetant même plus un coup d’œil à ce monument majestueux qui assied la place. Sur les bords de la Corne d’Or, l’odeur des maquereaux grillés refoule vers les quais. C’est presque un bonheur de sentir cette odeur âcre revenir me chatouiller les naseaux. Je n’arrive plus à quitter cette place qui, décidément, reste mon lieu d’amarrage préféré. Ici, tout semble converger ; ceux qui descendent du Grand Bazar, ceux qui viennent de Sultanahmet par le tram, ceux qui viennent de Galata depuis l’autre côté du pont… Carrefour inévitable, croisement de toutes les intentions, c’est Eminönü. Je reste à m’extasier devant les vapuru qui patientent sur le quai en crachant leur immonde fumée crasseuse, portant chacun des noms de personnalités de la ville, puis devant les vendeurs de simits, les petits gitans qui étalent leurs kilims à même le sol pour vendre des petites pochettes pectorales cousues de sequins brillants et les vendeurs de moules démesurées qu’on mange crues avec une giclée de jus de citron, comme on mangerait des huîtres sur le port de Cancale. Dans une rue un peu reculée, je mange un baklava accompagné d’un thé et d’un Sirma au citron. Je m’amuse en regardant les voitures dans lesquelles s’entassent parfois une bonne dizaine de personnes sous les cris des corbeaux.



Je décide, une fois n’est pas coutume, d’aller diner sous le pont de Galata. Une multitude de restaurants s’est installée sous la route, un étage inférieur qui fait penser aux anciens ponts parisiens ou au Ponte Vecchio de Florence, sauf qu’ici on passe sur une coursive d’où pendent les fils en nylon des pêcheurs juste au-dessus de nos têtes. Je m’arrête à une terrasse qui donne du côté le plus étroit de la Corne d’Or, sous une enseigne colorée qui donne au Bosphore une couleur rouge sang. C’est un de ces restaurants qui ne sert pas d’alcool, ramadan ou pas. Moi qui voulait boire une Efes Pilsen, je me contenterai ce soir d’un jus d’abricot (Kayısı suyu) et d’un maquereau grillé. La fatigue me tance, le bruit des voitures passant au-dessus et les cris des gamins, enrobés dans les mélopées des hauts-parleurs vendant leur Bosphorus tour !!!! Bosphorus tour !!!! commencent à me taper sur les nerfs. Je ne supporte plus le bruit de cette ville infernale que j’aime tant. Il est temps pour moi de partir. Qui a dit que les vacances étaient faites pour se reposer ? Il y a les week-ends pour ça. Les voyages sont faits pour vous éreinter, vous essorer comme ces carpettes élimées qu’on lave à grande eau et à la brosse à pont sur les promenades sétoises.
Je retourne à l’hôtel, en empruntant le tunnel dévasté passant sous la route d’Eminönü, en passant devant un reste de mur byzantin, au pied de la Mosquée Bleue, devant des manières de maisons kurdes qui sont en réalité la façade d’un restaurant d’où sort une plainte douce accompagnée par un ud magique. Demain soir, je ne serai plus à Istanbul et je me demande déjà comment je vais faire pour revenir à Paris. Je veux dire, comment je vais faire pour revenir dans mon élément naturel après autant de chambardements et d’émotions. La prochaine que je viendrai ici, je chercherai les morceaux de moi que j’ai laissés sur place.
https://youtu.be/uw3UYdJaEFg
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