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Dans le port de Hong-Kong avec Kessel

[audio:grieved.xol]

En 1957, Joseph Kes­sel se rend à Hong-Kong pour témoi­gner de ce qu’est cette ville concen­trée sur une coin de roche et qui devien­dra l’i­cône du tra­fic d’o­pium et du jeu, ville mys­tère et ville fan­tôme, ville au rythme infer­nal, orien­tale jus­qu’au bout des ongles trans­for­mée par l’Oc­ci­dent en avant-poste du vice et du vide, rem­plis­sant ses rues étroites de ban­deaux publi­ci­taires et de lumières et les arrières cours de pros­ti­tuées et de dro­gués. Tou­te­fois, mal­gré la honte de sur­face, arrive à trans­pa­raître le goût suave de l’é­va­sion dans cette méga­pole per­chée sur un bout de rocher plon­geant à pic. On s’i­ma­gi­ne­rait bien comme Kes­sel arri­ver à Hong-Kong par la mer, dans les odeurs de die­sel et de pois­son pour­ris­sant cher­cher un marin de Gibral­tar ou une jeune femme qu’on aurait aimé autrefois…

Tous les voi­liers sont beaux et tous ils portent l’une des plus vieilles chi­mères de l’homme dans leur grée­ment ailé. Mais les barques des mers de Chine, parce qu’elles n’ont pas chan­gé de des­sin depuis des siècles, que leur châ­teau arrière s’é­lève sur l’eau comme une gueule de dra­gon, que leur arma­ture est faite de bam­bous, que leurs voiles ont la forme et la cou­leur d’é­normes feuilles rousses, aux ner­vures déli­cates, que dres­sées, incli­nées ou cou­chées elles décorent leurs mâts de fron­dai­sons mira­cu­leuses, et que sou­vent, rapié­cées, déchi­rées, elles laissent pas­ser à tra­vers leur flot­tante ten­ture le feu du soleil et l’a­zur du ciel, que leur équi­page est fait d’hommes ou de femmes aux yeux bri­dés et secrets — ces barques des mers de Chine dépas­sant toutes les autres en mythe de pou­voir et d’évasion.
Ain­si à tra­vers les paque­bots, les canots, les car­gos, les vedettes, les trans­bor­deurs mas­sifs, les vagues, les brises et les jonques, le fer­ry approche de Hong-Kong.
La foule qu’il porte se met en mou­ve­ment. Sur le quai bougent et crient d’autres foules. Les rues qui gra­vissent le roc abrupt sur lequel est bâtie la ville ne sont qu’un four­mille­ment humain. Des files de voi­tures passent sur les quais. Les grues élèvent et baissent leurs énormes bras de fer. Les rick­shaws galopent. Les che­nilles du funi­cu­laire grimpent vers les cimes. Les édi­fices eux-mêmes semblent remuer. Au-des­sus de la cité fré­missent jus­qu’aux faîtes les fleurs et les arbres. Et les nuages légers comme des pétales et des flo­cons, les brumes de mer trans­pa­rentes comme une buée, s’ar­rêtent un ins­tant contre les flancs de l’île et glissent non­cha­lam­ment à leur surface.

Joseph Kes­sel, Hong-Kong et Macao. 1957
Folio Gal­li­mard, col­lec­tion voyages, pp. 33–34

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Un agneau végétal

C’est l’é­té, il fait presque beau, j’ai déci­dé de ne pas trop écrire et de par­ta­ger quelques textes ori­gi­naux. En plein dans le texte de Colin Thu­bron, l’ombre de la route de la soie, j’exulte devant une série d’a­nec­dotes délec­tables, comme l’his­toire de l’a­gneau végétal.

Spring Lamb

Pho­to © Sarah Mac­mil­lan

La Chine et l’Ouest conti­nuèrent pour­tant à vivre dans l’i­gno­rance l’une de l’autre pen­dant des siècles. Ain­si les Romains, connais­sant le coton, s’i­ma­gi­nèrent que la soie pous­sait sur des arbres, pen­dant que les Chi­nois se fon­daient sur ce qu’ils savaient du ver à soie pour en déduire que le coton pro­ve­nait d’un ani­mal. Ils s’in­ven­tèrent donc un « agneau végé­tal », une créa­ture sur­gie du sol, laquelle brou­tait secrè­te­ment la nuit et met­taient bas des petits qui don­naient du coton. Les Romains voyaient dans les loin­tains Chi­nois un peuple doux et béni ;  simul­ta­né­ment, se répan­dait en Chine la rumeur, vague au départ, de l’exis­tence d’une puis­sante monar­chie élec­tive, au-delà de la Perse, dotée de citoyens hon­nêtes et paisibles.

Colin Thu­bron, L’ombre de la route de la soie Folio, 2006, p148

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Le monde sou­ter­rain de Qin Shi Huangdi

Si les chro­niques de l’é­poque sont exactes, le ter­rible empe­reur gisait dans sa tombe, sous mes pieds, entou­ré de ses épouses exé­cu­tées et au milieu d’une repro­duc­tion à l’i­den­tique de son empire — modèle vaste et com­pli­qué, sillon­né de rivières de vif-argent et ani­mé par d’in­vi­sibles méca­niques. Sept cents mille ouvriers, dit-on, avaient tri­mé sur ce mau­so­lée au cours des der­nières années de son règne et, à l’a­chè­ve­ment de l’ou­vrage, ceux qui en savaient trop avaient été emmu­rés dedans au moyen de portes de pierre qui s’a­bais­saient d’elles-mêmes. Dans la chambre funé­raire, par­mi des mon­tagnes sculp­tées dans le cuivre et des villes de pierres pré­cieuses, l’empereur navigue dans un cer­cueil en forme de barque, sur une rivière de mer­cure qui débouche dans une mer du même métal, sous un ciel de nuit constel­lé de perles.

Archer de Qin Shi Huangdi

Ain­si il s’é­tait ména­gé dans la mort un royaume miroir auto­nome, une maî­trise par­faite. Ses cités de gemmes bâties pour l’é­ter­ni­té fai­saient écho au sta­tisme des cieux. Des portes et des pas­sages inté­rieurs, secrè­te­ment pro­té­gés par des arque­buses armées et poin­tées des­sus, scel­laient les fron­tières de son état post­hume. Il avait emmu­ré le pas­sé et l’a­ve­nir. Ses ancêtres, comme ceux de l’Em­pe­reur jaune, avaient sans doute été des bar­bares, et pour­tant c’est de lui que la Chine tient son nom. Les lampes de graisse de phoque qui éclai­raient sa tombe devaient, paraît-il, brû­ler à jamais.

Colin Thu­bron, L’ombre de la route de la soie
Folio, 2006, p39

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Xuan Kong Si

Sur la route de Datong en Chine, dans la pro­vince du Shan­xi se trouve le monas­tère boud­dhiste de Xuan Kong Si ou Heng Shang (loca­li­sa­tion). Datant du VIIè siècle, il a été éle­vé sur la paroi à cin­quante mètres du sol pour évi­ter les crues de la rivière qui se trouve en contre­bas. Chef d’œuvre d’ar­chi­tec­ture aérienne, il semble repo­ser sur de fins piliers à peine posés sur la paroi, mais en réa­li­té son entière struc­ture repose sur un réseau d’é­normes poutres en bois fichées hori­zon­ta­le­ment dans la paroi. Le pay­sage de val­lée au pied du monas­tère contraste avec la ver­ti­ca­li­té de l’en­droit et offre un pano­ra­ma splen­dide sur les mon­tagnes alentour.

Pho­to © EmmaG

Quelques pho­tos assez impres­sion­nantes ici.

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