De mémoire d’humain, les premières représentations humaines retrouvées parmi les fouilles archéologiques du paléolithique supérieur ne sont pas des représentations masculines, mais bel et bien féminines. On pourrait être amené à croire que l’être humain, dans le développement de son intellect aurait représenté en premier lieu ce qu’il avait sous les yeux, c’est-à-dire son alter ego, lui-même, mais il n’en a rien fait, il a commencé par représenter l’animal comme vu précédemment, c’est en tout cas une supposition facile puisque ce sont les seuls vestiges de cette époque parvenus jusqu’à nous. Concernant le pariétal, mais pour d’autres raisons (voir cet article), les humains ne sont que très peu représentés. Ici, la femme est donc en première position et la raison en est simple. Dans un contexte où les éléments naturels ont une vertu magique, la femme, génitrice, symbole de fécondité, mère protectrice et préceptrice jusqu’à l’âge adulte, est magnifiée dans les formes qui la font reconnaître comme étant le médium de la conservation de l’espèce. Il est de notoriété commune que l’éthologie sexuelle met en lumière la recherche des attributs sexuels primaires évidents comme des signes de reconnaissance des meilleures conditions possibles de reproduction (seins volumineux aux aréoles proéminentes, hanches larges et clairement dessinées, cambrure marquée, fesses rondes, cuisses robustes sont autant d’assurances que la personne sera à même de supporter une grossesse, de la mener à son terme et de nourrir sa progéniture dans les meilleures dispositions). C’est donc tout naturellement que la femme est un symbole fort, présent dans toutes les formes primitives de l’art comme un canon. Pendant tout un pan de l’histoire de l’humanité — aurignacien (37 000 à 28 000 BP1), gravettien (29 000 à 22 000 BP), solutréen (22 000 à 17 000 BP), magdalénien (17 000 à 10 000 BP) — , ce qui nous est parvenu consiste en de très belles productions stylisées, dans le prolongement de ce qui nous a été laissé en terme de production artistique naturaliste. Sept femmes, sept Vénus célèbres qui sont autant d’hymnes à la femme, à l’art et à la nature humaine, classées par âge.
Vénus de Hohle Fels (ou de Schelklingen)
Mise au jour en 2008 dans le Jura souabe, elle remonte à une période allant de 35000 à 40000 BP, mesure 59 mm de haut sur 34 de large pour 33 grammes. Taillé dans de l’ivoire de mammouth laineux, c’est le plus ancien témoignage représentant une femme. On suppose qu’elle était montée en pendentif et porte des motifs sous forme d’incisions représentant certainement un maillage vestimentaire. Les microphotographies relevées montrent une grande variété de traitement de surface. On peut également voir une incision symbolisant la vulve, de manière prononcée.
Vénus de Galgenberg
Cette petite statue de stéatite verte a cette particularité d’avoir quelques temps tenu la place de plus ancienne représentation féminine, avant d’être supplanté par celle de Hohle Fels. Elle mesure 72 mm de haut et pèse 10 grammes. Trouvée en 1988 dans un abri de chasseur, elle est estimée à 30000 BP. Figure stylisée, elle exalte un peu moins les formes féminines que ses congénères.
Vénus de Dolní Věstonice
Découverte en 1925 en Moravie, c’est la plus ancienne céramique (argile cuite) connue, mais c’est surtout la seule Vénus produite dans cette matière. Haute de 111 mm et large de 43 mm, elle est datée entre 29 000 et 25 000 BP. Représentée les bras joints dans le dos, ses seins sont étirés à l’extrême et son nombril fortement marqué. Un examen minutieux a révélé l’empreinte digitale d’un jeune adolescent avant cuisson.
Le site de Dolní Věstonice a également révélé certaines autres figures tout à fait particulières, montrant à quel point la stylisation a été poussée à son paroxysme avec ces deux représentations féminines pouvant être confondues avec des organes génitaux masculins.
Dame de Brassempouy (ou dame à la capuche)
Découverte en 1894, c’est la plus petite des Vénus avec 36mm de haut pour 22 de large, mais on n’en a retrouvé que la tête. On imagine que les proportions sont plus réalistes que ses congénères, mais elle reste un modèle unique en son genre. Son visage est fin, et la stylisation concerne les traits du visages, nez et arcades, mais la bouche et les yeux sont absents. Datée entre 29000 et 22000 BP, on peut la voir au Musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain-en-Laye.
Vénus de Lespugue
Vénus stéatopyge par excellence, elle a été découverte en 1922 et a été datée entre 26000 et 24000 BP. Fortement endommagée par un coup de pioche (qui révèle la subtilité de certaines méthodes archéologiques en des temps pas si éloignés), elle mesure après reconstitution 147 mm de haut et 60 mm de large. De formes a priori disproportionnées, elle représente le canon paléolithique inclus dans un losange ; ses seins et ses fesses sont surdimensionnés, sa tête et ses pieds, réduits à leur plus simple expression. Elle porte également un pagne visible de derrière.
Vénus de Tursac
C’est certainement la plus intriguante de toutes. Haute de 80mm, elle est taillée dans un bloc de calcite translucide, elle n’a plus (en eut-elle un jour ?) ni tête, ni bras, et se trouve recroquevillée dans une position accroupie (ressemblant quelque peu à la Vénus de Sireuil2) et repose sur un appendice dont on ne saurait trop affirmer la nature, qui n’est peut-être que le prolongement des jambes.
Vénus de Willendorf
Haute de 110mm et taillée dans le calcaire, c’est une des Vénus les plus formées qui soit et fait partie des Vénus stéatopyges. Portant une poitrine énorme sur laquelle reposent deux bras malingres et des mains très fines, sa tête est toute entière représentée sous un motif de boucles ou de tresses enroulées. Découverte en 1908, on estime sa création à 23000 BP. Ses rondeurs et sa perfection stylistique en fait un des objets les plus connus et les plus représentatifs de cette époque.
Notes :
1- Les datations absolues concernant l’archéologie à l’aide du carbone 14 ne sont plus exprimées en années avant Jésus-Christ ou avant notre ère, mais en années BP (before present, c’est à dire avant le présent), notion qui trouve plus de légitimité dans la communauté scientifique en raison de son objectivité.
2- D’autres Vénus, sur cet article…
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