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Où que l’on soit à Istanbul, d’où qu’on vienne et où qu’on aille, il est difficile de ne pas passer par Divan Yolu Caddesi. Cette artère qui traverse la ville d’est en ouest et qui sur une bonne partie est interdite à la circulation (sauf au tramway et à quelques taxis) est en réalité l’antique Mésè, une route commençant au Milion, autrefois matérialisé par un arc et qui marquait le point de référence à partir duquel toutes les distances étaient calculées (dont il ne reste aujourd’hui plus qu’un fragment discret non loin de la citerne basilique) et qui rejoignait aux limites de la muraille de Théodose la porte dorée donnant accès à la route vers Rome. Cette route traversait alors le forum de Constantin, dont il ne reste plus aujourd’hui qu’une colonne au sommet de laquelle l’Empereur était représenté sous la forme d’Apollon-Hélios, colonne qu’on appelle aujourd’hui en turc Çemberlitaş ou colonne cerclée.
Imposante et fière, cerclée de métal de manière assez brute pour que son parement de porphyre rouge ne se désagrège pas, cette colonne trône au pied de la ligne de tramway, au beau milieu d’une place qui fourmille jusque tard dans la nuit et où l’on trouve le plus vieux hammam de la ville, construit par Mimar Sinan et datant de 1584, le Çemberlitaş Hamamı ainsi que la Gazi Atik Ali Paşa Camıı (une des plus anciennes de la cité) que j’ai repérée dès le premier jour. D’ailleurs, ce n’est qu’il y a très récemment que je me suis rendu compte que je suis passé devant presque tous les jours et que j’ai littéralement oublié de m’y rendre. Plus loin dans la rue, se trouve un cimetière donnant sur la rue et qu’on peut visiter de nuit ; c’est ici que se trouve le superbe tombeau de Sultan Abdülhamid II, face à une rue qui porte le nom étrange de Piyer Loti Caddesi et qui ne fait que rappeler que l’écrivain français a passé dans cette ville quelques années de sa vie. Un autre écrivain, moins connu, Claude Farrère, a également donné son nom à une rue en raison de son engagement auprès d’Atatürk pendant la guerre d’indépendance. Cette rue porte le nom de Klodfarer Caddesi. Légèrement en retrait de Divan Yolu, au croisement des rues Peykhane, Boyacı Ahmet et Piyer Loti se trouve une place où trônait autrefois l’hôtel de ville (Eminönü Belediye Baskanligi), toujours présent mais tristement à l’abandon derrière sa façade bleue, lequel est construit sur un promontoire qu’une grille encadrée de marbre vient percer et dont (presque) rien n’indique la spécificité. En regardant par la grille, on voit qu’un escalier s’enfonce sous terre à une bonne profondeur et deux paires de bottes indiquent que l’endroit est pour le moins humide. En regardant sur le linteau au-dessus de la porte, j’arrive à déchiffrer l’inscription Theodosius Cistern (Şerefiya sarnıcı) : ce n’est ni plus ni moins qu’une des plus anciennes citernes d’Istanbul qui a été laissée à l’abandon ces dernières années et qui s’est fortement dégradée.
Qu’il fasse soleil ou qu’il pleuve, se promener sur Divan Yolu Caddesi entre Sultanahmet et Çemberlitaş est un bonheur qui démontre que les Turcs savent prendre le temps de vivre.
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