Prendre l’a­vion est tou­jours pour moi une angoisse pas pos­sible. Les longs voyages m’é­puisent, même si je suis bien évi­dem­ment tou­jours heu­reux de me dire qu’au bout je me réveille­rai dans un autre pays, peut-être à l’autre bout du monde. Mais voi­là, je déteste être coin­cé 7 heures ou plus dans une car­lingue volante, d’au­tant que je ne sais pas dor­mir assis et que le moindre bruit me réveille. En géné­ral, j’at­tends mon pla­teau repas que j’en­glou­tis avant de fer­mer l’œil. Pour la pre­mière fois, je suis par­ti en empor­tant mon enre­gis­treur, à l’af­fût de la moindre cocas­se­rie — autant dire qu’elle n’ar­rive pas sou­vent, ou alors bien avant qu’on ait eu le temps de sor­tir l’instrument.
J’ai tenu à enre­gis­trer une par­tie de mon voyage jus­qu’en Indo­né­sie, pour me replon­ger dans cette ambiance si par­ti­cu­lière propre aux aéro­ports, aux salles d’at­tente ou aux abords des files où passent les taxis qui vous inter­pellent à grands coups de klaxons et c’est tou­jours avec plai­sir que je ferme les yeux en écou­tant l’a­vion décol­ler ou l’am­biance dans l’aéroport.

Détails du vol Paris-Dubaï-Jakarta-Denpasar :

  • 21h15 CDG ✈ DXB 6h45
  • 10h45 DXB ✈ CGK 21h55
  • 5h40 CGK ✈ DPS 8h45

Voi­ci mes notes prises en vol, ou dans l’at­tente, faute de faire autre chose. Je sais tou­jours très bien m’occuper.

Mau­vais moment dans l’a­vion, impos­sible de dor­mir à cause d’une migraine tenace. J’ai tour à tour eu chaud, envie de vomir, d’al­ler au toi­lettes et une soif atroce. En gros, je me suis endor­mi quand l’a­vion a tour­né au-des­sus de Dubaï, comme d’habitude.

L’aé­ro­port de Dubaï n’est qu’une immense vitrine, un centre com­mer­cial géant d’où acces­soi­re­ment décollent quelques avions, où tra­vaillent des Chi­nois et des Pakis­ta­nais sous-payés. Le Hei­ne­ken Lounge cible une cer­taine popu­la­tion qui s’y recon­naît bien. Le duty free est fon­ciè­re­ment cher et un café et un jus d’o­range me reviennent à 8 euros ; on me rend la mon­naie en dirham des Émi­rats Arabes (AED) dont je ne sais que faire.

L’at­ter­ris­sage a été com­pli­qué, et sur une grosse bête comme l’A380, ça fait du bruit.

En atten­dant l’a­vion, j’ose à peine m’en­dor­mir, de peur de ne pas me réveiller. Je com­mence à flan­cher. J’ai fini par dor­mir une demi-heure à deux pas de la porte d’embarquement. Pour la pre­mière fois, je vois des Indo­né­siens, des visages dif­fé­rents, des gens au visage brun, por­tant le calot natio­nal, le songkok.

L’a­vion a du retard aus­si au départ. A chaque fois à Dubaï, quelque chose ne tourne pas rond, à part les avions qui attendent d’at­ter­rir. Leur aéro­port est énorme, n’ac­cueille que des vols inter­na­tio­naux sur Emi­rates et QA, d’im­menses salles d’at­tente sont com­plè­te­ment vides, mais ça bou­chonne tou­jours sur le tarmac.

L’an­nonce au micro dans l’a­vion est faite en baha­sa, et pour la pre­mière fois depuis que je vole sur cette com­pa­gnie, je vole dans un avion vide. Busi­ness class fer­mée, éco rem­plie au deux tiers. Cer­tains s’offrent quatre places pour dor­mir. Je ne sau­rais dire com­bien de temps j’ai dor­mi dans ce Boeing 777 mais ça reste stric­te­ment anecdotique.

Fina­le­ment, j’ai quand-même réus­si à me repo­ser un peu et j’ai pris le par­ti de ne me fier ni à l’heure ni au jour, mais à la fatigue. Pour l’ins­tant, tout va bien, je ne me sens pas épui­sé. L’i­dée d’ar­ri­ver en Indo­né­sie me fait bizarre, tout y sera nou­veau pour moi, à décou­vrir, peut-être un peu pit­to­resque. Il paraît que l’aé­ro­port de Jakar­ta est un peu… rus­tique. Je vais y pas­ser la nuit, je ver­rai bien.

Pen­dant une bonne par­tie du voyage, l’ap­pa­reil est bal­lo­té dans tous les sens. On tra­verse un sacré orage, même les hôtesses n’en mènent pas large.

Des gens habillés dans un beau blanc, des femmes voi­lées, des song­kok, des barbes. Des visages agréables. Je me suis fait un pote d’un type qui venait d’A­ra­bie Saou­dite et qui ne savait pas rem­plir son for­mu­laire d’im­mi­gra­tion, il m’ex­plique dans un anglais approxi­ma­tif qu’il ne connait que l’al­pha­bet arabe. Du coup, c’est moi qui lui rem­plit sa carte. C’est quand-même un peu drôle comme situa­tion. Il me demande si je suis Amé­ri­cain ou Cana­dien, un peu sur la défen­sive, mais quand je lui dit que je viens de France, il a comme l’air sou­la­gé. Il s’ap­pelle Nader et me remer­cie cha­leu­reu­se­ment de l’a­voir aidé et me serre la main. Il finit par me dire “good french…”

Arri­vée à l’aé­ro­port. Il fait lourd, la cli­ma­ti­sa­tion n’est pas à fond, loin de là. Tra­cas­se­rie du visa à payer en dol­lars, puis attente pour les papiers à la douane. Les types ont vrai­ment des sales gueules, me demandent d’où je viens. France.

Je suis en tran­sit dans l’aé­ro­port, mais en dehors de l’aé­ro­port, sous les néons jaunes du hall. Je suis har­ce­lé par les taxis et les por­teurs mais main­te­nant j’ai la tech­nique. Ils sont gen­tils et pré­ve­nants, même s’ils essaient de m’emmener dans un hôtel pas cher. Je m’é­tais dit que la pre­mière chose que je ferai en arri­vant, ce serait fumer un ciga­rillo. Un taxi s’as­soit à côté de moi, il essaie de m’embarquer dans son manège, mais je lui pro­pose un ciga­rillo qui lui cloue le bec, il a l’air heu­reux, un peu sur­pris tout de même. Il a vrai­ment l’air sym­pa, et n’in­siste pas. Mon pre­mier contact avec cet Indo­né­sien me fait oublier un peu les Thaïs.

Diner dans un boui­boui cher où je mange un Ipoh lun mee, je ne sais pas ce que c’est, c’est impos­sible à décrire, c’est gras et ça res­semble à des ramens.

Soe­kar­no ne res­semble à rien de ce que je connais. Samui qui est plus petit est aus­si plus moderne. On est loin de Suvar­nabhu­mi qui est à la pointe de la moder­ni­té. Ici, c’est un vaste hall en lon­gueur dont le toit imite l’ar­chi­tec­ture bali­naise en bois, mais le tout est hété­ro­clite et un peu sale. Je ne pense pas pou­voir entrer dans la zone d’embarquement avant 3h00. Dehors, la patrouille aéro­por­tuaire passe dans une espèce de taxi 4x4 qui pousse d’é­tranges glous­se­ments que des types assis par terre imitent en se marrant.

Une petite salle fait office de mos­quée. J’au­rais dû me conver­tir à l’is­lam pour aller dor­mir sur les cous­sins moi aussi

L’o­deur humide, les insectes, les éclairs dans le ciel ora­geux, les hauts-par­leurs qui crient leurs annonces, les sirènes des voi­tures de police, les chats qui se battent.

Arrive 3h10 après un somme sur un banc en pierre, le seul que j’ai trou­vé est dans la zone fumeurs. Je me suis fina­le­ment replié dans une salle cli­ma­ti­sée, avec des familles indo­né­siennes qui l’air de rien me regardent avec cir­cons­pec­tion, tout en sou­riant ; je m’ins­talle à côté d’eux et tente de fer­mer l’œil, la tête posée sur la bouche de la clim, un coup à attra­per la mort. Un type ronfle à en faire trem­bler les vitres.

Enre­gis­tre­ment au comp­toir de Garu­da Air­lines. Tous les comp­toirs ont une orchi­dée blanche, les employées sont toutes voi­lées, vêtues de turquoise.

Le type du contrôle me parle en baha­sa, mais j’ai beau faire des efforts, je ne com­prends pas. Il chante tout seul entre deux passagers.

Je mange un Roti’O (“savour hard to des­cribe”, on dirait quelque chose comme notre tour­teau au fro­mage, sauf que c’est aro­ma­ti­sé au café), l’aé­ro­port se rem­plit, il a plus de gueule dans la zone d’embarquement que dans la zone d’at­tente. J’ar­rive dans une salle car­rée magni­fique, les employées ne sont plus voi­lées pas­sés les contrôles. Les éclairs illu­minent le ciel où le soleil pointe le bout de son nez. Il a plu fort sans que je m’en rende compte.

La suite, c’est à Bali.

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