Constan­tin VI, Irène l’A­thé­nienne, Léon III, Constan­tin V et Léon IV

Léon IV le Kha­zar, qui fut empor­té par son amour immo­dé­ré des richesses dorées et des bre­loques et en par­ti­cu­lier de sa cou­ronne fétiche, était le père d’un des empe­reurs les plus mal­chan­ceux de l’his­toire de Constan­ti­nople, Constan­tin VI, fils d’I­rène l’A­thé­nienne. A la mort de son père, n’ayant que 9 ans, sa mère prit la régence de l’Em­pire, réta­blis­sant et per­met­tant pour un temps le culte des icônes qui fut à cette époque un des enjeux majeurs de la poli­tique reli­gieuse (concile de Nicée II). Per­son­nage des plus effa­cés, sans réel pou­voir, com­plè­te­ment étouf­fé par une mère qui de régente se fait nom­mer basi­lis­sa (βασίλισσα, reine) à la suite du suc­cès de ce concile, Constan­tin, jaloux de son pou­voir, s’al­lie aux ico­no­clastes pour reprendre les rênes de l’Em­pire, sans réel suc­cès. Ses défaites face aux Bul­gares qui poussent aux portes de Constan­ti­nople et son image désas­treuse liée au fait qu’il ait divor­cé puis se soit rema­rié avec une incon­nue, Théo­do­ra, que le peuple même appe­lait son auguste putain, en firent un empe­reur détes­té du peuple autant que de sa cour, qu’il a réus­si à se mettre à dos par une savante manœuvre par­ti­cu­liè­re­ment éclai­rante sur sa couardise :

On ne nous avait pas jugés assez sûrs : je n’é­tais donc pas pré­sent à la bataille de Mar­kel­lai où sont tom­bés ces sol­dats, où périt l’as­tro­logue Pau­cra­tios, où l’empereur lui-même, encer­clé de tous côtés par les Bul­gares, ne dut d’a­voir la vie sauve qu’au cou­rage de ses géné­raux, qui ris­quèrent la leur pour pro­té­ger sa fuite. De cette défaite, et de la confu­sion qui s’en­sui­vit, cer­tains des nôtres tirèrent par­ti pour essayer de por­ter au trône un autre des fils de Constan­tin V, l’illustre Nicé­phore, depuis long­temps acquis aux thèses ico­no­clastes. J’a­voue avoir été tenu à l’é­cart de ce pro­jet. Je n’eus donc pas à en souf­frir : car Irène et ses eunuques, par ailleurs bien ren­sei­gnés, n’eurent aucun mal à parer le coup. On pro­fi­ta de l’au­baine, non seule­ment pour cre­ver les yeux à Nicé­phore, mais aus­si, pen­dant qu’on y était, à ses quatre frères. Constan­tin qui n’a­vait su vaincre les Bul­gares, trou­va la res­source de mar­cher contre ceux qui avaient été jadis ses plus chauds par­ti­sans, qui l’a­vaient por­té au trône, qui avaient cru en lui et que, pour finir, il avait déçus. Le sou­lè­ve­ment de l’ar­mée du thème des Armé­niaques lui ser­vit de pré­texte pour l’é­cra­ser tout entière, par traî­trise, et avec une cruau­té sans pareille, comme s’il avait vou­lu se ven­ger sur elle de ses déboires et de sa propre lâche­té. Inutile de dire que per­sonne ne ver­sa de larmes lorsque, quatre ans plus tard, sa mère, à laquelle il était si atta­ché, le ser­ra contre elle pour l’é­touf­fer. On a pu dire qu’il avait d’a­bord ten­té de fuir, qu’il avait même cher­ché à nous rejoindre. Seule­ment ses amis d’hier ne pou­vaient être au ren­dez-vous, puis­qu’il les avait mas­sa­crés. Ceux qui res­taient lui tour­nèrent le dos. Rat­tra­pé, il fut recon­duit chez sa mère. Entre ses bras on raconte qu’elle l’im­mo­bi­li­sa, quand on lui cre­va les yeux. Dans son sup­plice, appe­la-t-il à son secours Alexis Mosèle, auquel il avait fait subir un châ­ti­ment semblable ?

Memo­ran­dum adres­sé par Nico­las, ancien scho­laire de la garde impé­riale, à Léon V, dit l’Ar­mé­nien, nou­vel empe­reur de Constantinople,
cité in l’I­co­no­claste, d’Alain Nadaud
Edi­tions Quai Vol­taire, 1989

Irène l’A­thé­nienne, unique impé­ra­trice de Rome

Ain­si finit l’empereur Constan­tin VI dans son palais de Saint-Mamas, fou de dou­leur, iso­lé et errant dans une exis­tence incer­taine, expi­rant dans les bras de son épouse des suites de ses hor­ribles bles­sures. Sa mère, Irène, ten­tant de se réap­pro­prier la légi­ti­mi­té de l’empire sur l’en­semble de l’Eu­rope, se démène pour arran­ger un mariage avec l’empereur d’Oc­ci­dent, Char­le­magne, en vain. Sa poli­tique désas­treuse en termes de finances publiques et ses défaites mili­taires la rendent impo­pu­laire. Le fait d’être régente n’a plus lieu d’être, son fils hors-jeu. Les eunuques du palais et les hauts fonc­tion­naires s’al­lient et Irène est relé­guée dans un couvent, enfer­mée dans la for­te­resse de Prin­ki­po, où elle meurt un an après le coup d’é­tat. Ain­si s’é­teint la très digne dynas­tie isaurienne…

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