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Glis­ser du haut d’une tour de beurre…

Au XIIè siècle, l’au­to­ri­té pon­ti­fi­cale de l’É­glise Catho­lique Romaine léga­lise l’indul­gence, un acte mon­nayable par lequel on obtient rémis­sion par­tielle ou totale de la peine tem­po­relle en rela­tion avec un péché par­don­né lors de la confes­sion. Ain­si, les caisses de l’É­glise se rem­plissent bien vite, car les plus riches des fidèles se paient le luxe de com­mettre des péchés dont ils obtiennent rémis­sion de peine en payant rubis sur l’ongle. C’est sur­tout vrai à une époque où la splen­deur d’un évê­ché se mesure à la taille de son cathèdre, donc de l’é­glise qui va avec, la Cathé­drale (c’est bien la taille qui compte). Construire ces pieux monu­ments est un enga­ge­ment de frais astro­no­miques, et si on assiste fré­quem­ment à des détour­ne­ments de fonds ou des méthodes peu recom­man­dables de finan­ce­ments, l’indul­gence y prend une grande part. Ain­si, on voit les cathé­drales de Bourges et de Rouen se parer d’une « Tour de beurre ». Ce nom pour le moins étrange n’a rien à voir avec la cou­leur tendre de celle qu’on peut admi­rer à Rouen et qui s’é­lance à 75 mètres du sol, dans un délire de détails en fai­sant un fleu­ron de l’ar­chi­tec­ture gothique dite « flam­boyante », mais évoque les nom­breux cachets reçus de la part des fidèles qui se per­met­taient de consom­mer des matières grasses pen­dant le Carême et s’of­fraient ce droit, puis­qu’a­près tout, ce n’é­tait  pas si inter­dit que ça…

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Musique à grande vitesse / Michael Nyman

Pho­to © Ryan Gal­la­gher

[audio:mgv.xol]

Il est de ces musiques que l’on a envie d’é­cou­ter à l’in­fi­ni parce que tout est juste et fonc­tionne à la per­fec­tion. Le Bri­tan­nique Michael Nyman fait par­tie de ces artistes qui œuvrent dans le sens d’une ratio­na­li­sa­tion et d’une sim­pli­fi­ca­tion de la musique pour le bien de tous. Musique à grande vitesse a été com­po­sée pour l’i­nau­gu­ra­tion du TGV Nord-euro­péen ligne Paris-Lille en 1993 et reste une de ses grandes œuvres.

Note : le mor­ceau se ter­mine un peu brus­que­ment car les 5 mou­ve­ments sont joués à la chaîne.

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Toxiques (Cus­sac — Cue­va de Vil­la Luz — Mer noire)

La grotte qui res­te­ra dans l’ombre

En 2000, une grotte de grande impor­tance a été décou­verte — on dit inven­tée, et le décou­vreur devient inven­teur — entre Ber­ge­rac et Sar­lat-la-Cané­da, sur le com­mune de Le Buis­son-de-Cadouin. La grotte de Cus­sac ren­ferme plus de cent cin­quante gra­vures du Gra­vet­tien. L’âge des gra­vures — on y trouve éga­le­ment quelques rares traces de ponc­tua­tion de cou­leur — remonte à 25 000 ans et sa spé­ci­fi­ci­té consiste en l’as­so­cia­tion des gra­vures et de sépul­tures amé­na­gées dans les bauges à ours (cavi­tés de trois à quatre mètres de dia­mètre, creu­sées par les ours dans l’ar­gile meuble pour leur hiber­na­tion). Contrai­re­ment à d’autres grottes, l’ac­cès en aurait été com­blé après les inhu­ma­tions, ce qui étaie l’i­dée que ce lieu était une sépul­ture ; la pré­sence de gra­vures sur les murs ren­force la pré­sup­po­si­tion que cette forme d’art est asso­ciée sinon à une reli­gion, au moins à des croyances cer­tai­ne­ment cha­ma­niques (voir Clottes et Lewis-Williams).
Cette grotte est encore sous sur­veillance scien­ti­fique car tous les rele­vés n’ont pas encore été effec­tués à ce jour. De plus, de fortes éma­na­tions de dioxyde de car­bone en inter­disent l’ac­cès et pour cette rai­son, ce chef-d’œuvre ne pour­ra cer­tai­ne­ment jamais être ouvert au public.

La ville de lumière

Non loin de la légen­daire pénin­sule du Yucatán, près de la petite ville de Tapi­ju­la­pa coule une rivière lai­teuse, d’une vague cou­leur tur­quoise, por­tant le nom pré­des­ti­né d’Azufre (souffre). Cette rivière pro­vient des confins de la terre et lors­qu’on en remonte le cours d’eau vers sa source, une affreuse odeur d’œuf pour­ri sai­sit à deux kilo­mètres à la ronde, à tel point qu’au­cune avan­cée n’est pos­sible sans masque à gaz. La rivière prend sa source dans une grotte nom­mée Vil­la Luz (ville de lumière), en rai­son des grandes cavi­tés qui lui confèrent une source lumi­neuse non négli­geable, et elle est ali­men­tée par une ving­taine de sources sul­fu­rées dont on ne connait pas l’o­ri­gine, puits pétro­li­fère ou proxi­mi­té avec le vol­can El Chi­chón…? Ici, la faune micro­bienne trans­forme l’hy­dro­gène sul­fu­ré en acide sul­fu­rique et se nour­rit de cet envi­ron­ne­ment par­ti­cu­liè­re­ment hos­tile. D’af­freuses bac­té­ries blanches col­lées aux parois pen­douillent en se repais­sant de cet air par­ti­cu­liè­re­ment nocif qui ne contient plus à cer­tains endroits que 9,6% d’oxy­gène. Ces concré­tions sont appe­lées pro­saï­que­ment « sta­lac­tites de morves » et contri­buent à l’ap­pel­la­tion d’une des caves de « para­dis de morve ».  La pré­sence de lumière dans cette grotte à l’at­mo­sphère par­ti­cu­liè­re­ment irres­pi­rable (les cavi­tés à l’air libre ont été creu­sées par le gaz, aug­men­tant rapi­de­ment le volume de la grotte) est à l’o­ri­gine de cette vie étrange qui s’est déve­lop­pée ici, comme par exemple Poe­ci­lia Mexi­ca­na, une sorte de Mol­ly qui prend une colo­ra­tion rouge vif en rai­son du fort taux d’hé­mo­glo­bine lui per­met­tant de cap­tu­rer le peu d’oxy­gène des lieux, ou une espèce de diptère chi­ro­no­mide, enva­his­sant la grotte à rai­son de dix indi­vi­dus par cen­ti­mètre car­ré. L’es­pèce adulte ne se nour­rit pas, pui­sant ses réserves accu­mu­lées à l’é­tat lar­vaire. Une par­tie de la popu­la­tion est de cou­leur verte, l’autre de cou­leur rouge, sans rai­son appa­rente, ou connue en tout cas. D’autre part, fait étrange, deux cou­loirs inac­ces­sibles four­millent d’un bour­don­ne­ment intense, et on ima­gine que c’est le diptère qui en est à l’o­ri­gine, mais à l’en­droit où on peut l’ob­ser­ver, il reste silencieux.

Une civi­li­sa­tion révé­lée grâce au poison

En 1996, Robert Duane Bal­lard, le décou­vreur des épaves du Tita­nic et du Bis­mark, se lance dans un pro­jet qui consiste à com­prendre les ori­gines de la Mer Noire. On savait depuis que cer­tains rele­vés avaient été faits dans le bas­sin que plu­sieurs couches d’eau dif­fé­rentes se super­po­saient. La pre­mière plon­geant à 200 mètres est une couche oxy­gé­née. Le seconde, entre ‑200 et ‑600 mètres est une couche mixte fluc­tuante. La troi­sième sous 600 mètres est tota­le­ment anoxique (pri­vé d’oxy­gène). Il y a des mil­liers d’an­nées, la Mer Noire était un lac d’eau douce fai­sant envi­ron les deux tiers de sa taille actuelle, une oasis féconde entou­rée par un pay­sage de steppes sèches. Avec les images satel­lites, on voit bien la limite de l’an­cien lac. Il y a envi­ron 12000 ans, la fin de la période gla­ciaire fait mon­ter le niveau des océans.  La Mer de Mar­ma­ra se forme et il y a envi­ron 7500 ans, ouvre une brèche dans une langue de terre qu’on appelle le Bos­phore. En 1998, deux scien­ti­fiques, William Ryan et Wal­ter Pit­man découvrent, après avoir trou­vé des restes de coquillages d’eau douce que le phé­no­mène n’a pas été gra­duel mais au contraire d’une rare vio­lence. Une cas­cade impé­tueuse se met alors en branle et déverse l’eau salée dans la cuvette avec un débit esti­mé à deux cents fois celui des chutes du Nia­ga­ra. Le niveau de l’eau aurait mon­té de 15 cm/jour et aurait refou­lé les rive­rains des rivages d’un kilo­mètre par jour jus­qu’à ce que le niveau de l’eau monte jus­qu’à 180 mètres au-des­sus du niveau initial.
Les rési­dus trou­vés sur les rivages par l’ex­pé­di­tion Bal­lard ont mis en évi­dence qu’une acti­vi­té com­mer­ciale a fleu­ri sur ces rives pen­dant 3000 ou 4000 ans. Des restes d’ha­bi­ta­tions de bois et de boue ont été décou­verts en dehors de la zone anoxique sul­fu­rée, à quelques cen­taines de mètres du rivage, ce qui indique clai­re­ment que la nappe se déplace, tuant les pois­sons et noir­cis­sant les filets des pêcheurs. La par­ti­cu­la­ri­té de cette couche empê­chant la pro­li­fé­ra­tion de la vie et notam­ment des espèces per­ceuses de bois comme le taret, est qu’elle per­met la conser­va­tion des matières orga­niques et donc du bois. L’ex­pé­di­tion a pu ain­si mettre à jour les restes de navires datant de l’empire romain et de l’empire byzan­tin datant de 1500 ans. Aucun autre milieu n’au­rait pu ame­ner jus­qu’à notre époque de tels vestiges.

Pho­to © Cau­cas
Rivages de la Mer Noire à Sinop, Turquie

Ce déluge d’eau salée a balayé des popu­la­tions vers de nou­velles terres, expul­sant des mil­liers de per­sonnes en étoile qui auraient col­por­té le récit de cette inva­sion d’eau. C’est très cer­tai­ne­ment de là que viennent les récits bibliques du Déluge (le Mont Ara­rat ne se trouve qu’à 200 kilo­mètres des rives de la Mer Noire), mais éga­le­ment le pas­sage du Déluge de l’Épo­pée de Gil­ga­mesh ou encore le mythe de l’Atlantide.

Loca­li­sa­tion Google Maps de la grotte de Cus­sac, de Vil­la Luz et du lieu des recherches de l’ex­pé­di­tion Bal­lard.

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Des pay­sages dans l’art

Tout est dans le titre, ou presque. Voi­ci com­ment se défi­nit ce blog : Ce site parle des pay­sages évo­qués, repré­sen­tés ou trans­for­més dans les arts: pein­ture, lit­té­ra­ture, musique, ciné­ma, etc. Il traite éga­le­ment de la créa­tion ou la trans­for­ma­tion des pay­sages par les archi­tectes, les artistes et les paysagistes.
Tout sim­ple­ment cap­ti­vant de retrou­ver Rubens, Tur­ner ou Cas­par Friedrich.
Some Land­scapes, par Andrew Ray ; beau comme un laby­rinthe végé­tal, ludique, touf­fu et spa­cieux comme un jar­din anglais.

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Mini­ma­liste du (dimanche) matin #6

Dans le monde, il se passe de drôles de choses. Le verre en fusion tom­bant dans l’eau dur­cit à une vitesse inégale à sa sur­face et à l’in­té­rieur, créant ain­si une ter­rible zone de contrainte à l’in­té­rieur d’une minus­cule goutte. Lors­qu’on en brise la queue, la goutte explose, ou plu­tôt implose sous le coup du réta­blis­se­ment des forces. On appelle ça les gouttes du Prince Rup­pert, ou larmes hol­lan­daises.
Si on me deman­dait mon avis, pour la musique, je vous conseille­rais Aloe Blacc, I need a dol­lar, sublime de soul d’un autre âge, et aus­si New-York I love you but you’re brin­ging me down de LCD Sound­sys­tem. Mais si c’é­tait pour une vidéo, je conseille­rais une céré­mo­nie mev­le­vi par­fai­te­ment obs­cure et envoû­tante. Si c’é­tait un lieu dans le monde, ce serait le Pol‑e kha­joo d’Is­pa­han ou des piliers égyp­tiens.
Si c’é­tait pour un blog, ce serait le blog d’Agnès, un blog plein d’his­toires et d’His­toire et ce serait aus­si l’inven­taire de l’es­thé­tique, de la jolie Marion Ber­rin qui flâne et picore des images qui racontent des his­toires, comme par exemple la mer du Japon. Il y a du Bou­vier dans cette nar­ra­tion et dans le reste, beau­coup de sensualité.

On est dimanche matin, il fai­sait beau jusque là et il pleut à pré­sent. On n’est pas bien là ? Les der­niers pétales des ceri­siers gisent à pré­sent sur le sol.
Je ne sais pas encore ce que je fais, je sors, je sors pas ? Oui, mais c’est le pre­mier dimanche du mois. Il fau­drait peut-être se bou­ger un peu.

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