La hau­teur des mon­tagnes, la lon­gueur des rivières…

La hau­teur des mon­tagnes, la lon­gueur des rivières…

Tout com­mence par des cita­tions qui résonnent étran­ge­ment en nous, des bouts de phrases tirés de livres qui racontent votre his­toire à vous. Lorsque Kes­sel ou Bou­vier parlent, c’est de vous dont ils parlent, c’est de votre enfance dont il est ques­tion. La preuve…

New and Impro­ved View of the Com­pa­ra­tive Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers In The World. 1823

J’é­coute d’a­bord Joseph Kes­sel, pour qui Les grands voyages ont ceci de mer­veilleux que leur enchan­te­ment com­mence avant le départ même. On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magni­fiques des villes incon­nues… Puis un peu plus près de chez moi, de ma tem­po­ra­li­té, Nico­las Bou­vier, dans L’u­sage du monde. C’est la contem­pla­tion silen­cieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ain­si l’en­vie de tout plan­ter là. Son­gez régions comme le Banat, la Cas­pienne, le Cache­mire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux pre­mières atteintes du bon sens, on lui cherche des rai­sons. Et on en trouve qui ne valent rien. La véri­té, c’est qu’on ne sais com­ment nom­mer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous gran­dit et détache les amarres, jus­qu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.

Et puis un jour, vous par­tez trop loin, ce qui vous parle, ce ne sont plus que les cartes elles-mêmes, elles vous ont enva­hi. Cer­taines sont affi­chées au-des­sus de votre bureau, voire dans la salle de bain, au-des­sus des toi­lettes, peut-être même dans votre chambre. Au-des­sus de mon bureau se trouve un ancienne carte de Constan­ti­nople, entiè­re­ment écrite en fran­çais, où même les noms turcs sont trans­crits dans un fran­çais de car­na­val. Mais la carte est belle car c’est une vue pano­ra­mique du Bos­phore. J’ai d’autres cartes qui appa­raissent sur des minia­tures per­sanes, des repro­duc­tions un peu gros­sières, ache­tées dans une toute petite bou­tique d’Is­tan­bul, recou­verte de feuilles de Corans enlu­mi­nées, peintes et repeintes. Il me semble même que de là où je me trouve je peux entendre le muez­zin enton­ner la prière du soir non loin de Sul­ta­nah­met. Ce sont les cartes qui vous ont hap­pé, elles sont venues vous cher­cher et puis vous ne savez pas quoi faire de celle-ci. J’ai éga­le­ment un vieil atlas datant des années 50, aux feuilles jau­nies, et dont cer­tains noms de pays n’existent plus…

Entre le début et la fin du XIXème siècle, dans les atlas et sur les murs des écoles sont appa­rues de nou­velles cartes, des cartes d’un nou­veau genre, des cartes qu’on appelle com­pa­ra­tives. Alors on y com­pare quoi sur ces cartes com­pa­ra­tives ? La lon­gueur des fleuves et la hau­teur des mon­tagnes. Au pre­mier abord, on com­prend tout de suite que ces cartes com­pa­ra­tives mettent au même niveau deux des élé­ments géo­gra­phiques dont les mesures sont les plus proches, mais ensuite, on se demande quelle rai­son étrange a pu pous­ser cer­tains car­to­graphes à consti­tuer ce genre de cartes, car effec­ti­ve­ment, ces choses-là n’ont rien à voir entre elles. Aus­si bien je pour­rais com­prendre la mise en rela­tion des mon­tagnes avec la pro­fon­deur des fosses marines, mais com­pa­rer la hau­teur des mon­tagnes et la lon­gueur des fleuves n’a à mon sens pas vrai­ment d’autre inté­rêt que de pro­duire de belles cartes qui ont le mérite d’être cap­ti­vantes, même si elles sont par­fois dif­fi­ciles à déchif­frer. C’est là toute la poé­sie de la chose, assem­bler des formes, des cou­leurs, des mesures, des légendes, pour en faire des objets d’une belle pré­ci­sion, même si tou­te­fois, les cartes sont sou­vent fausses. Mais qui se sou­cie de leur véra­ci­té ? Tenons-nous en à la poésie.

Allons faire un tour par­mi les plus belles d’entre elles. Toutes sont dis­po­nibles sur le site David Rum­sey Map Col­lec­tion, un des plus beaux sites de car­to­gra­phies du web mon­dial. Pre­nons-en de tout petits mor­ceaux pour les regar­der de près et voir ce qu’elles ont à nous dire.

Cette pre­mière carte en fran­çais (Gou­jon et Andri­veau) datant de 1836 montre les fleuves en par­tant du plus long, les som­mets en par­tant du plus court ; l’im­bri­ca­tion des deux donne la forme de la carte. C’est une très belle carte avec beau­coup d’in­di­ca­tions et de nom­breux chiffres repris dans les colonnes laté­rales. A cette époque, le som­met le plus haut du monde est le Dhau­la­gi­ri.

1836 Andri­veau Gou­jon Com­pa­ra­tive Moun­tains and rivers chart

Sur cette carte, on peut consta­ter que les deux com­pa­rai­sons sont empi­lées l’une sur l’autre, ce qui a pour effet de les pla­cer sur la même échelle. Un peu moins soi­gnée que la pré­cé­dente, elle est tout de même colo­rée et rela­ti­ve­ment précise.

A com­pa­ra­tive view of the heights of the prin­ci­pal moun­tains and lengths of the prin­ci­pal rivers of the World; Fen­ner, 1835.

Cette fois-ci, les mon­tagnes ne sont plus ali­gnées les unes à côté des autres mais empi­lées, pour ne for­mer qu’un seul et même som­met. Les fleuves sont mis à l’é­chelle mais pas for­cé­ment ordon­nés, et ornent chaque côté de l’im­mense mon­tagne représentée.

A Com­pa­ra­tive View of the Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers in the World, Dower, John Nica­ra­gua; Tees­dale, Hen­ry, Lon­don, 1844

Celle-ci a la par­ti­cu­la­ri­té de ne par­ler que de l’Écosse. Et comme l’Écosse, la cou­leur domi­nante en est le vert sombre… J’aime beau­coup cette carte car elle a un côté natu­ra­liste assez pra­tique. En effet, les rivières des­cendent des mon­tagnes et sont repré­sen­tées dans une mise en relief assez intéressante.

A com­pa­ra­tive view of the lengths of the prin­ci­pal rivers of Scot­land. Com­pa­ra­tive view of the height of the falls of Foyers and Cor­ba Linn, Thom­son, John, Lizars, William Home, Edin­burgh, 1822

Celle-ci et la pro­chaine, ne sont en réa­li­té qu’une seule et même carte. La pre­mière repré­sente la par­tie est de l’hé­mi­sphère, la seconde la par­tie ouest. Cette fois-ci, ce ne sont plus sim­ple­ment les mon­tagnes et les rivières, mais éga­le­ment, les chutes d’eau, les îles éga­le­ment les lacs qui y sont repré­sen­tés, le tout dans une mise en page élé­gante et assez effi­cace pour la com­pré­hen­sion des légendes et la lec­ture des informations.

A Com­pa­ra­tive View Of The Prin­ci­pal Water­falls, Islands, Lakes, Rivers and Moun­tains, In The Eas­tern Hemis­phere; Mar­tin, R.M.; Tal­lis, J. & F.; New York; 1851

A Com­pa­ra­tive View Of The Prin­ci­pal Water­falls, Islands, Lakes, Rivers and Moun­tains, In The Wes­tern Hemis­phere; Mar­tin, R.M.; Tal­lis, J. & F.; New York; 1851

Celle-ci et celle d’a­près sont les deux pages de deux gra­phiques dif­fé­rents. Mais ce ne sont plus vrai­ment des cartes, plu­tôt des graphiques.

Com­pa­ra­tive heights of moun­tains; Wor­ces­ter, Joseph E.; Bos­ton; 1826

Com­pa­ra­tive lengths of rivers; Wor­ces­ter, Joseph E.; Bos­ton; 1826

Cette carte a l’a­van­tage d’être dans un excellent état, en plus d’être pliable. On peut voir les marges des plis écar­tés lais­sant entr’apercevoir la toile de jute qui sert de sup­port aux jointures.

Com­pa­ra­tive heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers Publi­sher William Darton

Encore une carte en deux hémi­sphères dis­tincts. Mise en page sobre, bico­lore, effi­cace, gracieuse…

Eas­tern Hemis­phere; Mit­chell, Samuel Augus­tus; Phi­la­del­phia; 1880.

Wes­tern Hemis­phere; Mit­chell, Samuel Augus­tus; Phi­la­del­phia; 1880.

Celle-ci est une de mes pré­fé­rées, de par ses cou­leurs et sa per­ti­nence. Sont lis­tées les indi­ca­tions sur la végé­ta­tion en fonc­tion des dif­fé­rents mas­sifs. La carte elle-même indique les types de végé­ta­tion en fonc­tion des lati­tudes. Elle contient un superbe petit synop­sis des régions phyto-géographiques.

Geo­gra­phi­cal dis­tri­bu­tion of indi­ge­nous vege­ta­tion. The dis­tri­bu­tion of plants in a per­pen­di­cu­lar direc­tion in the tor­rid, tem­pe­rate and fri­gid zones- Hen­frey, Arthur, 1819–1859

Celle-ci intègre les lon­gueurs des rivières et les hau­teurs de mon­tagne dans les espaces vides lais­sés par les arron­dis des hémisphères.

Gray’s new map of the World in hemis­pheres, with com­pa­ra­tive views of the heights of the prin­ci­pal moun­tains and lengths of the prin­ci­pal rivers on the globe, Gray, Frank Arnold, Houl­ton, Maine, 1885

Une autre ver­sion d’un type de carte déjà vu plus haut.

Heights Of The Prin­ci­pal Moun­tains In The World, Tan­ner, Hen­ry S., Phi­la­del­phia, 1836

Une autre ver­sion encore…

Heights Of The Prin­ci­pal Moun­tains In The World. Lengths Of The Prin­ci­pal Rivers In The World, S. Augus­tus Mit­chell, 1846

J’aime par­ti­cu­liè­re­ment celle-ci, pour son aspect mono­chrome, mais aus­si pour la dou­ceur des arron­dis des légendes attri­buées aux som­mets. Elle est vrai­ment com­plète, puisque par conti­nent, on peut retrou­ver faci­le­ment les mon­tagnes et les fleuves décrits avec précision.

John­son’s Chart of Com­pa­ra­tive Heights of Moun­tains, and Lengths of Rivers of Afri­ca … Asia … Europe …South Ame­ri­ca … North Ame­ri­ca; John­son, A.J.; 1874.

Ega­le­ment une autre ver­sion d’un type de carte connu, un peu piquée, un peu jaunie…

Moun­tains & Rivers; Col­ton, G.W; 1856

Com­pa­rai­son des deux hémi­sphères, de manière par­fai­te­ment symétrique.

Rand, McNal­ly & Com­pa­ny’s indexed atlas of the world Wes­tern Hemis­phere, Eas­tern Hemis­phere, Rand McNal­ly and Com­pa­ny, Chi­ca­go, 1897

Une autre ver­sion très colo­rée par conti­nent, mais désor­mais rien que de très commun…

Table of the Com­pa­ra­tive Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains &c. in the World; Fin­ley, Antho­ny, Phi­la­del­phia, 1831

Exac­te­ment la même, mais sous forme de graphiques…

Table of the Com­pa­ra­tive Lengths of the Prin­ci­pal Rivers throu­ghout the World; Fin­ley, Antho­ny, Phi­la­del­phia, 1831.

Cer­tai­ne­ment la plus belle de toute, une carte riche, avec le bas­sin de cer­tains fleuves signi­fi­ca­tifs, une carte qu’on aime­rait bien avoir au-des­sus de son bureau…

The World in Hemis­pheres with Com­pa­ra­tive Views of the Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Basins of the prin­ci­pal Rivers on the Globe, Ful­lar­ton, A. & Co., Lon­don and Edin­burgh, 1872

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Cou­rir le monde avec la Table de Peu­tin­ger (Tabu­la Peutingeriana)

Cou­rir le monde avec la Table de Peu­tin­ger (Tabu­la Peutingeriana)

La Tabu­la Peu­tin­ge­ria­na est un objet fas­ci­nant qui ne peut lais­ser qui que ce soit indif­fé­rent. Décou­verte par hasard dans une obs­cure biblio­thèque de Rhé­na­nie-Pala­ti­nat en 1494 par un poète alle­mand, Conrad Celtes, ama­teur de belles lettres et foui­neur impé­ni­tent dans les reliques cultu­relles de son pays, elle fut léguée à son ami l’hu­ma­niste Kon­rad Peu­tin­ger dont elle prit le nom.

Tabula Peutingeriana - Pars VIII

Com­po­sée de plu­sieurs par­che­mins, il manque mani­fes­te­ment à cette carte dans la ver­sion pri­mi­tive une par­tie sur la gauche puisque la pénin­sule ibé­rique n’y est pas repré­sen­tée. Le fac-simi­lé de Conra­di Mil­lie­ri réa­li­sé en 1887 pro­pose une recons­ti­tu­tion de cette par­tie man­quante. C’est tout de même une repré­sen­ta­tion qui mesure dans son inté­gra­li­té 6.82m x 0.34m et couvre une par­tie du monde connu d’une époque loin­taine puis­qu’elle a été des­si­née au XIIIè siècle et ce n’est déjà qu’une copie d’une carte romaine qui aurait été rédi­gée sous Théo­dose au IVè siècle. En effet, cette carte est une repré­sen­ta­tion de l’Em­pire Romain, mais à ceci près que la volon­té de celui qui l’a des­si­né n’é­tait pas réel­le­ment de des­si­ner une carte, mais bien plu­tôt une sché­ma­ti­sa­tion d’un ter­ri­toire sous forme de réseau, car ce qui est repré­sen­té en pre­mier lieu, ce sont les routes qui rejoignent les villes entre elles avec cette pré­cieuse infor­ma­tion qui consiste à retrou­ver les dis­tances. La volon­té de son concep­teur était clai­re­ment de don­ner des indi­ca­tions pré­cises pour pou­voir éta­blir un iti­né­raire qui, au besoin, pou­vait aller de l’Es­pagne à Cey­lan, et peut-être même plus loin… Les iti­né­raires sont repré­sen­tés de manière très réa­liste par l’in­clu­sion de détails per­met­tant clai­re­ment l’i­den­ti­fi­ca­tion des lieux, ce qui est assez remar­quable pour un objet cen­sé avoir été conçu il y a 15 siècles.
La Tabu­la Peu­tin­ge­ria­na est consi­dé­rée comme la pre­mière repré­sen­ta­tion «ration­nelle» du monde. Si aujourd’­hui, il existe des cartes très pré­cises, notam­ment grâce aux repré­sen­ta­tions satel­li­taires, il n’existe aucun outil de ce genre…

Tabula Peutingeriana - Table de Peutinger

Cli­quez sur l’i­mage pour la voir dans son intégralité

A lire sur le sujet : Fran­cis de Coninck, Han­ni­bal à tra­vers les Alpes, une énigme de 2000 ans ; aug­men­té des routes romaines pré­to­riennes à tra­vers les Alpes selon la table de Peu­tin­ger, Les Grands iti­né­raires de l’his­toire, Edp Sciences, 1992, 128 p.

Liens :

  1. Copie du fac-simi­lé de Conra­di Mil­lie­ri sur le site de la Biblio­the­ca Augus­ta­na d’Augsbourg
  2. Copie de l’o­ri­gi­nal (ca. 1200)
  3. Copie avec dif­fé­rents masques per­met­tant de repé­rer des élé­ments actuels
  4. Un court docu­men­taire (en anglais) sur la Tabula
  5. Le décou­page du monde actuel selon les parchemins
  6. L’iti­ne­ra­rium roma­num (docu­ment le plus pré­cis per­met­tant la loca­li­sa­tion des élé­ments de la table), une ancienne carte romaine recons­truite avec la tech­no­lo­gie Inter­net avec laquelle on peut même réa­li­ser un iti­né­raire à l’é­poque romaine…
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L’an­cien monde vu au tra­vers de vieilles cartes

Quand le monde n’é­tait pas encore ce qu’il est, vu au tra­vers des yeux de ceux qui le décou­vraient, il était encore plus beau, plus vrai, plus poé­tique et plus sau­vage avec ces vieilles cartes qui par­laient d’une terre bal­bu­tiante, aux contours flous et pour­tant déjà si précis…

Vniversale descrittione di tvtta la terra conoscivta fin qvi - 1565

Vni­ver­sale des­crit­tione di tvt­ta la ter­ra conos­civ­ta fin qvi — 1565

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Cartes de Constan­ti­nople depuis 1493 jus­qu’à 1922

Voi­ci de nou­velles cartes trou­vées sur un site ras­sem­blant un pro­jet com­mun aux trois ins­ti­tu­tions sui­vantes : Le His­to­ric Cities Cen­ter of the Depart­ment of Geo­gra­phy, la Hebrew Uni­ver­si­ty of Jeru­sa­lem et la Jewish Natio­nal and Uni­ver­si­ty Libra­ry. J’y ai donc trou­vé ces petits tré­sors (sauf la der­nière qui est beau­coup plus récentes mais que je trouve très inté­res­santes à plu­sieurs titres).

  1. La pre­mière date de 1493 et est due au méde­cin alle­mand Hart­mann Sche­del qui dans ses chro­niques de Nurem­berg fait la des­crip­tion de la ville. Il n’en est tou­te­fois pas le créa­teur, mais est à l’o­ri­gine de la somme qui porte le nom de Liber chro­ni­ca­rum. Sche­del mérite à lui seul un vrai article. On y voit Constan­ti­nople telle qu’elle était encore lorsque les Turcs prirent la cité, avec la muraille de Théo­dose cei­gnant encore tota­le­ment la ville, Sainte-Sophie, quelques églises qui comptent par­mi les plus impor­tantes, le quar­tier des Blan­chernes en haut à droite, des bâti­ments dont la forme géné­rale fait pen­ser aux anciennes basi­liques chré­tiennes, des mou­lins (?) et aucune mai­son. Sty­li­sée à l’ex­trême, on y per­çoit tou­te­fois une cer­taine pers­pec­tive qui montre la ville sur­éle­vée. On trouve éga­le­ment l’en­ceinte de la ville de Péra ain­si que les deux chaînes qui ferment l’en­trée de la Corne d’or.
  2. Le seconde est due à Sebas­tian Müns­ter, car­to­graphe alle­mand auteur d’une Cos­mo­gra­phia Uni­ver­sa­lis datant de 1550. La ville y est beau­coup plus détaillée sur une carte en cou­leur. On y voit déjà le palais de Top­ka­pi gros­siè­re­ment repré­sen­té et dési­gné par le terme géné­rique de Gynœ­sium (γυναικεῖον, gynae­ceum qui donne le mot gyné­cée) conden­sant l’i­mage du harem avec celle du palais entier. On y voit bien l’hip­po­drome déjà démem­bré et les restes du sphen­do­nè (cour­bure du cirque). On trouve éga­le­ment l’an­cien port (Bou­co­léon), la for­te­resse des Sept-Tours (Yedi kule) en haut à gauche, le palais de Constan­tin des Bla­chernes en haut à droite ain­si que ce qui est peut-être la mos­quée de Meh­met le Conqué­rant (Sul­tan Fatih Meh­met Kül­liye­si) puis­qu’à l’é­poque de la concep­tion de la carte, celle de Süley­man com­men­çait sa construc­tion. On trouve des lettres pour légen­der les quar­tiers, mais la légende ne s’y trouve mal­heu­reu­se­ment pas. A cette époque, on peut encore voir les restes du Palais de Constan­tin près de Sainte-Sophie.
  3. La troi­sième est due aux célèbres Georg Braun et Frans Hogen­berg, auteurs d’un atlas des villes du monde, Civi­tates Orbis Ter­ra­rum. Beau­coup plus docu­men­tée que les pré­cé­dentes, elle com­porte tou­te­fois des impré­ci­sions assez nom­breuses concer­nant les noms. On voit pour la pre­mière fois appa­raître la patriar­cat grec qui existe toujours.
  4. La qua­trième, due à Gio­van­ni Fran­ces­co Camo­cio date de 1572 et est aus­si impré­cise que fausse : le car­to­graphe a situé la Corne d’Or et donc Péra au sud de la ville alors que c’est au nord. Cela en fait une carte abso­lu­ment unique. En regar­dant bien, on voit que la carte a été des­si­née comme en miroir. Par contre, on y trouve, ain­si que sur la carte pré­cé­dente l’ins­crip­tion Alma­ra­tro au des­sus de la mos­quée de Meh­met mais qui ne cor­res­pond à rien de ce que je connais (alma­rai en arabe signi­fie prai­rie). Il est pro­bable que cela soit une forme lati­ni­sée de İmar­et Mahal­le­si (quar­tier d’İmar­et).
  5. La cin­quième date de 1573 et a été des­si­née par Simon Pinar­gen­ti, un car­to­graphe véni­tien. Si la carte n’est pas très pré­cise en terme de repré­sen­ta­tion, elle a l’a­van­tage d’être légen­dée au-des­sous. On peut voir ici tous les noms des douze portes de la ville.
  6. La sixième est due à Hen­ry de Beau­vau, homme poli­tique du XVIIè siècle et date de 1615. Pour la pre­mière fois on voit Sainte-Sophie ornée de mina­rets ; les temps changent. La carte est légen­dée mais pas dessus.
  7. La sixième date de 1638, c’est une gra­vure exé­cu­tée par le poète et gra­veur bohé­mien Daniel Meis­ner, auteur d’un superbe Thé­sau­rus phi­lo­po­li­ti­cus, un recueil de gra­vures sur la vie poli­tique et urba­nis­tique de l’é­poque. La vue est rasante, joli­ment ombrée et donne une idée de ce que pou­vait être la ville au mille mos­quée à l’é­poque, avec sa forêt de minarets.
  8. La hui­tième date de 1654 et a été exé­cu­tée par Jas­par Isac, plus gra­veur que car­to­graphe. La carte pré­sente une vue par le nord, avec Péra au pre­mier plan et pour la pre­mière fois la tour génoise de Gala­ta. Le Palais de Top­ka­pi est repré­sen­té avec plus de réa­lisme que pré­cé­dem­ment. On peut voir les restes de l’a­que­duc der­rière la mos­quée de Beya­zit et la mos­quée de Süley­man est pré­sen­tée comme étant la Roffe Mof­quée de la femme de Soly­man. Pour la pre­mière fois, on peut recon­naître à peu près toutes les mos­quées les plus impor­tantes. L’en­ceinte de Péra est confon­due avec la for­te­resse des Sept-Tours.
  9. La neu­vième date de 1686 et a été exé­cu­tée par Johann David Zun­ner. Ici Constan­ti­nople se résout à quatre monu­ments, dont tou­te­fois le vieux sérail qui se trouve être le Cara­van­sé­rail de la Sul­tane Valide (Valide Han).
  10. La dixième date de 1696 et est due à Nico­las de Fer, gra­veur et géo­graphe du Roi qui pour la pre­mière fois donne à voir une carte en sur­élé­va­tion, très belle avec éga­le­ment des nou­veaux quar­tiers, le port de Cal­cé­doine (Chal­cé­doine, aujourd’­hui Kadıköy) et le sérail de Scu­ta­ri (ancien­ne­ment Chry­so­po­lis, actuel­le­ment Üsküdar).
  11. La onzième date de 1698 et est due à Cor­ne­lis de Bruyn, des­si­na­teur, peintre, voya­geur et écri­vain néer­lan­dais qui pour la pre­mière fois des­sine le sérail de Top­ka­pi de manière très réa­liste, cer­tai­ne­ment depuis la rive de Gala­ta, peut-être même depuis la tour.
  12. La dou­zième date de 1730, exé­cu­tée par le peintre baroque alle­mand Chris­toph Tho­mas Schef­fler. La vue est très idéa­li­sée, loin­taine et prend Gala­ta au pre­mier plan, recon­nais­sable à sa tour. Remar­quez les mina­rets qui ont l’air tout droit sor­tis de châ­teaux bavarois…
  13. La trei­zième a été réa­li­sée par les ate­liers Arta­ria et com­pa­gnie situés à Vienne et a été exé­cu­tée entre 1793 et 1802. Les rele­vés sont très pré­cis notam­ment en ce qui concerne le sérail mais aus­si toutes les rives du Bosphore.
  14. La qua­tor­zième date de 1807 et a été réa­li­sée par F. Kauf­fer et I.B. Leche­va­lier et repré­sente par­fai­te­ment le détail des quar­tiers par des­sus les tra­cés du reliefs des col­lines de la ville, une carte d’une grande précision.
  15. La quin­zième date de 1922 et a été tra­cée par la Socié­té Ano­nyme Otto­mane d’E­tudes et d’En­tre­prises Urbaines qui la pré­sente comme Plan d’En­semble des quar­tiers, bâti­ments et che­mins prin­ci­paux de com­mu­ni­ca­tions de la ville de Constan­ti­nople avec les men­tions Liste des bâti­ments [sic] et monu­ments prin­ci­paux (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Liste des Quar­tiers (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Lignes de Tram­way — Legende. Cette carte fait état à l’é­poque de l’im­pré­gna­tion de la ville de la culture française.

D’autres cartes sont dis­po­nibles sur le site Geo­web (The car­to­gra­phi­cal and gra­hi­cal web­site of the natio­nal Libra­ry Mar­cia­na of Venice).

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