Assis sur le bord de l’océan en haut de la dune cou­verte d’oyats et de camo­milles sau­vages, face aux bri­sants en ce jour de grandes marées, face contre soleil et vent dans les oreilles, il y a quelque chose qui me revient en mémoire ; j’ai une vie là-bas alors que l’océan m’appartient, ou plu­tôt il me pos­sède en propre, c’est lui qui me retient et retient le temps, je n’y fais même plus atten­tion, fait accom­pli et irré­fu­table. Il me hante depuis tout petit et me ramène sans arrêt vers lui, me faire dire des gros­siè­re­tés à l’attention de tout ce qui n’est pas océan, les mers sont des pis­cines dont les bords ne connaissent pas la vie intense de la marée, lieux sans vie réelle. L’océan est fas­ci­nant lorsque la terre est au vent. L’écume bave sur les côtes, la vie y est sans cesse renou­ve­lée et chaque marée apporte son lot de sur­prise sur le rivage, tan­tôt une bouée décro­chée et lar­dée d’anatifes, tan­tôt un tronc de cèdre arra­ché au sol. Violent et pas­sion­nant, il est le maître de la terre, gri­gno­tant à chaque fois un peu plus de ter­rain, inexo­ra­ble­ment, et montre à chaque coup de bou­toir, que quoi qu’il en soit, c’est bien lui le plus fort.
Ici le temps s’est arrê­té, les flots et les jusants se trouvent loin­tains désor­mais, mais telle une terre nour­ri­cière, l’océan conti­nue de vivre en moi. Retour à la normale.
La jour­née d’hier a été courte, révé­lée par l’inadvertance du cours de la vie. Je me sens épui­sé et seul, bri­sé par le chan­ge­ment d’atmosphère, la simple idée du retour aux jours qui se suc­cèdent me casse les genoux. Il me vient des idées sau­gre­nues de jour­nal au fil des jours, des pas­sions ordon­nées heures après heures qui se déversent dans une immense clep­sydre. Rem­plir ma vie, voi­là tout ce que je souhaite.
J’ai retrou­vé toutes mes petites affaires et ne sais pas trop par où com­men­cer. Trop de choses fina­le­ment, énor­mé­ment de choses (des pol­lu­tions ?), trop de choses… Je ne sais tou­jours pas ce que je cherche, mais je conti­nue de cou­rir après.

Tout bien consi­dé­ré, il y a deux sortes d’hommes dans le monde : ceux qui res­tent chez eux, et les autres.
Rudyard Kipling

A force de trop creu­ser, on finit par retrou­ver dans le pas­sé ce qui n’est rien d’autre que le pré­sent. Le pas­sé, ce sont des rêves qu’on a fabri­qué de toute pièce… petite chose exhu­mée du 25 août 2008

Pho­to d’en-tête © David

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