Koré d’Eu­thy­di­kos, a la par­ti­cu­la­ri­té contrai­re­ment à toutes les autres koré, de ne pas sou­rire. 490 av. J.-C., Musée de l’A­cro­pole, Athènes.

Il n’est pas pos­sible de fixer la minute, ni de dési­gner l’œuvre où ce que nous appe­lons aujourd’­hui l’âme hel­lé­nique essaya de se défi­nir pour la pre­mière fois. Nous ne pou­vons que tour­ner les yeux vers celles qui com­mencent à tres­saillir, sur qui semble pas­ser le pre­mier souffle de liber­té et de joie spi­ri­tuelle pour ten­ter d’y sur­prendre l’é­veil à la beau­té de vivre d’une nou­velle humanité.
Les jeunes femmes trou­vées il y a vingt ans, près de l’E­rech­theion, dans le rem­blai de sou­tè­ne­ment du Par­thé­non, où les ter­ras­siers grecs les avaient mises après le sac et l’in­cen­die de l’A­cro­pole par les sol­dats de Xerxès, ont peut-être les pre­mières le sou­rire ivre qui l’an­nonce. Sans doute le par­fum des îles y domine. Elles songent sur­tout à plaire, elles sont femmes, une force amou­reuse invin­cible rayonne d’elles, les envi­ronne et les accom­pagne d’une rumeur de dési­rs. Mais à voir leurs plans plus sûrs, leur net et puis­sant équi­libre, on ne peut dou­ter que l’ar­ti­san dorien qui tra­vaillait alors à Egine, à Corinthe, à Athènes même, ait eu des contacts répé­tés avec l’im­mi­grant ionien que la conquête perse a reje­té sur l’Occident.
Ame­nées d’O­rient par les aven­tu­riers de la mer, les hommes aux récits men­teurs, enivrants et sau­vages, elles se gardent bien d’ef­fa­rou­cher le monde aus­tère et dur qu’elles sont venues visi­ter. Elles se tiennent immo­biles, tiennent leur robe d’une main. Leurs che­veux roux qui pendent dans le dos et dont les tresses passent de chaque côté du cou pour retom­ber sur la poi­trine, sont nat­tés et fri­sés, teints sans doute, et ruis­sellent de bijoux. Le front est dia­dé­mé quelques fois, le poi­gnet cer­clé de bra­ce­lets, les oreilles char­gées de boucles. De la tête aux pieds elles sont peintes, de bleu, de rouge, d’ocre, de jaune et leurs yeux d’é­mail brillent dans leur visage sou­riant. Ces créa­tures bar­ba­re­ment enlu­mi­nées, éblouis­santes et bizarres comme des oiseaux des tro­piques, ont la forte saveur des femmes d’O­rient, far­dées, parées, peut-être assez vul­gaires, fas­ci­nantes pour­tant, loin­taines, des êtres de conte, des ani­maux pué­rils, des esclaves gâtées. Elles sont belles. Nous les aimons d’une ten­dresse qui ne peut pas s’é­pui­ser. C’est de leurs flancs étroits et fermes qu’est sor­ti notre labeur.

Elie Faure, His­toire de l’art, t.1
Les sources de l’art grec, IV (Folio Essais, p.196–197, impri­mé en 1988)

Koré de Chios, dite Vierge de Chios. Pro­duite dans l’île épo­nyme en 510 av. J.-C., Musée de l’A­cro­pole, Athènes

Le terme Koré (Κόρη — Korai au plu­riel) signi­fie sim­ple­ment jeune fille. L’é­qui­valent mas­cu­lin est Kou­rosοῦρος — Kou­roi au plu­riel) et signi­fie plu­tôt éphèbe.

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