Il n’est pas possible de fixer la minute, ni de désigner l’œuvre où ce que nous appelons aujourd’hui l’âme hellénique essaya de se définir pour la première fois. Nous ne pouvons que tourner les yeux vers celles qui commencent à tressaillir, sur qui semble passer le premier souffle de liberté et de joie spirituelle pour tenter d’y surprendre l’éveil à la beauté de vivre d’une nouvelle humanité.
Les jeunes femmes trouvées il y a vingt ans, près de l’Erechtheion, dans le remblai de soutènement du Parthénon, où les terrassiers grecs les avaient mises après le sac et l’incendie de l’Acropole par les soldats de Xerxès, ont peut-être les premières le sourire ivre qui l’annonce. Sans doute le parfum des îles y domine. Elles songent surtout à plaire, elles sont femmes, une force amoureuse invincible rayonne d’elles, les environne et les accompagne d’une rumeur de désirs. Mais à voir leurs plans plus sûrs, leur net et puissant équilibre, on ne peut douter que l’artisan dorien qui travaillait alors à Egine, à Corinthe, à Athènes même, ait eu des contacts répétés avec l’immigrant ionien que la conquête perse a rejeté sur l’Occident.
Amenées d’Orient par les aventuriers de la mer, les hommes aux récits menteurs, enivrants et sauvages, elles se gardent bien d’effaroucher le monde austère et dur qu’elles sont venues visiter. Elles se tiennent immobiles, tiennent leur robe d’une main. Leurs cheveux roux qui pendent dans le dos et dont les tresses passent de chaque côté du cou pour retomber sur la poitrine, sont nattés et frisés, teints sans doute, et ruissellent de bijoux. Le front est diadémé quelques fois, le poignet cerclé de bracelets, les oreilles chargées de boucles. De la tête aux pieds elles sont peintes, de bleu, de rouge, d’ocre, de jaune et leurs yeux d’émail brillent dans leur visage souriant. Ces créatures barbarement enluminées, éblouissantes et bizarres comme des oiseaux des tropiques, ont la forte saveur des femmes d’Orient, fardées, parées, peut-être assez vulgaires, fascinantes pourtant, lointaines, des êtres de conte, des animaux puérils, des esclaves gâtées. Elles sont belles. Nous les aimons d’une tendresse qui ne peut pas s’épuiser. C’est de leurs flancs étroits et fermes qu’est sorti notre labeur.
Elie Faure, Histoire de l’art, t.1
Les sources de l’art grec, IV (Folio Essais, p.196–197, imprimé en 1988)
Le terme Koré (Κόρη — Korai au pluriel) signifie simplement jeune fille. L’équivalent masculin est Kouros (Κοῦρος — Kouroi au pluriel) et signifie plutôt éphèbe.
- D’autres Korai du musée d’Athènes.
- Les corps de korai.
- Ancient-greece.org
L’esprit des formes d’Elie Faure: c’est mon livre de chevet. On y revient sans cesse a chaque visite de musee.
Ah mais euh !!! Pourquoi je connais pas ça ! Han lala, mais tu ne te rends pas compte que je risque de l’acheter ?
Je ne sais pas si tu rigoles ou pas, mais si tu ne l’as pas deja, c’est un bon investissement! Tres beau et tres alambique! Poetique.
Je ne rigole jamais 🙂 Je viens de redécouvrir cette histoire de l’art que j’ai dans ma bibliothèque depuis vingt ans et j’aime beaucoup la prose de Faure, passionnée et lyrique parfois. Donc je ne rigole pas, et je risque vraiment de l’acheter… 🙂
Cela s’appelle aussi Histoire de l’Art, il y a deux volumes intitules: L’esprit des formes.
Noté. Merci