Photo © Carole Darchy
Tyr, Sidon, beaux noms, creux aujourd’hui, où chante seul le bruit de la mer, vous êtes morts, embaumés sous les citronniers et les orangers. Dans les vergers irrigués d’eau du Liban, si fraîche qu’y vivraient les truites, derrière les murs de terre ruineux, le présent, lui aussi, s’est écroulé. Ces deux villages de pêcheurs, Sour et Saïda, furent une fois toute l’histoire du monde ; l’essence de l’esprit méditerranéen, de la science venue de Chaldée, l’art décoratif, l’industrie et le commerce de la race blanche vécurent sur ces deux promontoires, deux mille ans avant le Christ. Cèdres destinés aux plafonds du Temple de Jérusalem et aux flottes du Pharaon, c’est ici que vous passâtes, débités en madriers. Que les muftis, évêques maronites, les patriarches orthodoxes se disputent les vieux os blanchis de ces reines-sœurs.
Paul Morand, 1938
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