Dans la jungle de Bang­kok #1 : Wat Intharawihan

Dans la jungle de Bang­kok #1 : Wat Intharawihan

Bang­kok m’a accueillie en plein milieu de la nuit, avec les cris avi­nés des Russes qui bar­bo­taient dans la pis­cine trop grande pour eux. Pre­mière sen­sa­tion dans cette ville ten­ta­cu­laire ; une impres­sion de fatras incon­trô­lé, des blocs de quar­tiers noc­turnes pla­cés les uns à côté des autres et n’ayant aucun autre rap­port entre eux que leurs racines, l’i­dée peut-être loin­taine que quelque chose les relie par le sang ou la reli­gion, quelque chose comme ça, d’aus­si vague et impré­cis qu’une croyance en un Dieu éteint depuis long­temps, je ne sau­rais com­ment dire. Peut-être cette impres­sion m’est elle don­née par l’om­ni­pré­sence des icônes de ces vieux rois qu’on trouve sur des pho­tos jau­nies, por­tant tous à peu près le même pré­nom et ne dis­tin­guant que par un numé­ro… la dynas­tie Cha­kri s’est dotée d’un seul et même pré­nom, Rama. Rama Ier, Rama III, Rama V, Rama VIII, Rama IX, l’ac­tuel roi Bhu­mi­bol Adu­lya­dej, dont les petites lunettes et l’air un peu absent lui confèrent une image pas très solen­nelle, un peu… (chut, insul­ter le roi est un crime de lèse-majes­té). Il règne depuis 1950, étant ain­si un des plus anciens monarques du monde.

7 - Dans la jungle de Bangkok - 01 - Wisut Kasat

7 - Dans la jungle de Bangkok - 04 - Wisut Kasat

7 - Dans la jungle de Bangkok - 05 - Wisut Kasat

Au petit matin, je sors de l’hô­tel pour aller à la ren­contre de ce quar­tier qui m’a été conseillé par une per­sonne qui connaît bien Bang­kok. J’ai l’im­pres­sion qu’i­ci rien n’est vrai­ment cen­tral, ni vrai­ment ordon­né. Alors je me laisse por­ter, je ver­rai bien ce qu’il en est.
L’a­ve­nue Wisut Kasat est une artère labo­rieuse de moyenne impor­tance, don­nant d’un côté sur un auto-pont dou­blant la cir­cu­la­tion à par­tir du pont Rama VIII, de l’autre côté jus­qu’à J.P.R. junc­tion (ne me deman­dez pas pour­quoi ça s’ap­pelle comme ça), là où l’a­ve­nue rejoint Rat­cha­dam­noen Nok Road, au car­re­four duquel se trouve un immense por­trait de la reine Siri­kit Kitiya­ka­ra. Ce qui me sur­prend tout de suite, c’est la cha­leur, acca­blante déjà dès le matin, mais sur­tout l’o­deur, un mélange de die­sel lourd et de pour­ri­ture maré­ca­geuse. Il faut dire que les pre­miers khlongs (canaux) ne sont qu’à quelques cen­taines de mètres d’i­ci, à peine plus loin que les rives de la Chao Phraya. Sur cette ave­nue, nombre de maga­sins sont fer­més, comme aban­don­nés ; le soir on peut voir des rats et des cafards, les uns presque aus­si gros que les autres, aller et venir par les inter­stices de ces rideaux de fer bais­sés. La jour­née, cer­taines ouvrent pour lais­ser place à des ate­liers de méca­nique auto­mo­bile. On répare de tout ici, des moby­lettes, des tuk-tuks, de voi­tures désos­sées à même le trot­toir, déver­sant l’huile de leur pont dans les cani­veaux pois­seux. Der­rière le bruit des scies élec­triques et des pon­ceuses, des bruits de mar­teau sur la tôle, der­rière les grin­ce­ments et les stri­du­la­tions, des hommes trans­pirent toute l’eau de leur corps dans des échoppes aveugles et encom­brées, dans l’at­mo­sphère lourde et confi­née, empuan­tie par l’o­deur épaisse de la fumée de cigarette.

7 - Dans la jungle de Bangkok - 09 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 11 - Wat Intharawihan

Dans cette artère à taille humaine, où l’on compte encore sur des trot­toirs, dans cette ville où si vous expri­mez le sou­hait de mar­cher, on vous répond gen­ti­ment « don’t… », je tombe sur une ouver­ture sous un por­tail taillé comme l’en­trée d’un temple. Des voi­tures et des motos entrent et sortent d’i­ci, à un rythme assez sou­te­nu sous un soleil écra­sant dans un ciel à peine nua­geux. Si j’ar­rive jus­qu’i­ci, c’est parce que de loin, j’ai vu émer­ger la tête haute et apla­tie d’un Boud­dha géant. C’est pour concré­ti­ser cette vision que je me dirige dans cet enche­vê­tre­ment de bâti­ments posés les uns à côté des autres afin de voir cette sta­tue qui paraît com­plè­te­ment inap­pro­priée dans cette ville qui semble n’a­voir pas de frontières…

7 - Dans la jungle de Bangkok - 12 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 14 - Wat Intharawihan

Der­rière le por­tail du temple Wat Intha­ra­wi­han (วัดอินทรวิหาร), c’est toute une petite ville qui s’est orga­ni­sée là, avec son mar­ché, une école, des temples posés les uns à côté des autres, et une place autour de laquelle gra­vitent d’autres temples. Des moines par­courent la cité sur un espace inté­gra­le­ment recou­vert de car­re­lage ; cer­tains sont mêmes recou­verts d’un beau marbre lus­tré que les jours de pluie doivent rendre glis­sant comme des pommes pour­ries. Tout est abri­té du soleil, créant une ombre oran­gée empê­chant l’air de cir­cu­ler. Tout dans cette ville semble être fait pour empê­cher de res­pi­rer nor­ma­le­ment ; quand ce n’est pas la pol­lu­tion, ce sont des espaces confi­nés dans un air sans vent, où le recours à un éven­tail semble être la seule solu­tion viable pour évi­ter un malaise. On vient ici se recueillir, que ce soit en ayant l’in­ten­tion de frap­per les cloches du temple ou alors de dépo­ser des offrandes devant les mul­tiples autels lar­dés de bâtons d’en­cens et de col­liers de fleurs orange, de pots plan­tés d’é­tranges plantes. A l’in­té­rieur d’une petite cabane, je découvre une sta­tue de cire éton­nam­ment vivante à tel point que je res­sors de là trou­blé, ne sachant s’il s’a­git d’un humain ou pas ; j’ap­pren­drai plus tard, dans un pre­mier temps pour avoir croi­sé de mul­tiples fois le visage buri­né de cet homme rabou­gri à l’in­té­rieur des temples, que c’est la sta­tue de Luang Pu Thuat (หลวงปู่ทวด), né en 1582 et mort cent ans plus tard et sur­tout connu pour avoir accom­pli des miracles. Il est éton­nant de voir à quel point les rois de la dynas­tie Cha­kri sont autant révé­rés que les per­sonnes reli­gieux les plus importants.

7 - Dans la jungle de Bangkok - 15 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 16 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 19 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 25 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 21 - Wat Intharawihan

Il règne ici une ambiance à la fois fébrile autour des prières et des offrandes, mais éga­le­ment un cer­tain calme que chaque per­sonne en prière semble s’ap­pro­prier au beau milieu de cette ville endia­blée. Cha­cune de ces images donne l’im­pres­sion que nous nous trou­vons dans un grand centre de prière recu­lé sur une mon­tagne éloi­gnée de tout, un lieu de pèle­ri­nage hors du com­mun, mais ce n’est qu’un temple par­mi d’autres, comme il en existe des cen­taines au tra­vers de la ville, un temple très fré­quen­té car ici la reli­gion, contrai­re­ment à la France, même si nous avons tou­jours plus ou moins une église dans chaque ville, est omni­pré­sente. Une pause au tra­vail et hop on vient prier, une balade en famille et hop on passe par le temple… Tout ici semble étran­ge­ment banal, éton­nam­ment nor­mal, à part peut-être cette énorme sta­tue Boud­dha de 32 mètres de haut com­men­cée en 1867.

7 - Dans la jungle de Bangkok - 26 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 31 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 36 - Wat Intharawihan

7 - Dans la jungle de Bangkok - 40 - Wat Intharawihan

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Par­tir pour Krung Thep, ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude… Bangkok

Par­tir pour Krung Thep, ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude… Bangkok

Voi­là. Ko Phan­gan, c’est ter­mi­né. Quelques jours dans un enfer vert qui res­semble au para­dis. Il fait 32°C sur les rives du Golfe de Thaï­lande tan­dis qu’à Paris, la tem­pé­ra­ture de la jour­née ne dépasse pas les 7°C. C’est aujourd’­hui le 10 mars, jour de l’an­ni­ver­saire de ma grand-mère et à qui je pense énor­mé­ment, parce qu’elle est seule en ce jour par­ti­cu­lier. Je lui envoie un e‑mail qu’elle lira, je l’es­père, dans la jour­née, avec quelques heures de décalage.

Ce soir, je serai pro­je­té dans la grande métro­pole, à Bang­kok, « Ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude, ville impre­nable du dieu Indra, grande capi­tale du monde cise­lée de neuf pierres pré­cieuses, ville heu­reuse, géné­reuse dans l’é­norme Palais Royal pareil à la demeure céleste, règne du dieu réin­car­né, ville dédiée à Indra et construite par Vish­nu­karn » Sacré pro­gramme, mais je n’en suis pas encore là. Pour l’heure, je suis englué dans une tor­peur moite. Hier soir, avec le peu de connexion inter­net que j’ai réus­si à sta­bi­li­ser, j’ai réus­si à trou­ver un billet pour le len­de­main soir pour l’aé­ro­port Suvar­nabhu­mi, départ à 21h30, ce qui me laisse fina­le­ment encore un peu de temps pour pro­fi­ter de cette plage qui court au pied de l’hô­tel. Pré­cau­tion­neux, j’ai envoyé dans la fou­lée un mail à l’hô­tel où je suis cen­sé arri­ver que je serai là cer­tai­ne­ment après 23h00 en deman­dant si ça ne posait pas de sou­ci, mais aucune réponse, silence radio… Le check-in sur inter­net ne fonc­tionne pas ce matin. Aurais-je des rai­sons de m’in­quié­ter ? Trop d’in­cer­ti­tudes d’un seul coup ; le voyage reste trop incer­tain pour mon esprit qui a besoin d’être rassuré.

6 - Carnet de Thaïlande - 02 - Port de Thong Sala

Petit déjeu­ner, chambre libé­rée, les valises en consigne à la récep­tion. La fille me donne une ser­viette pour aller à la plage où je reste deux bonnes heures à me dis­soudre comme un sucre can­di dans une tasse de thé. Sur la plage, un chien a fait son trou dans le sable et se mor­fond à l’ombre. Der­nier déjeu­ner devant le spec­tacle de l’eau qui cla­pote et le soleil qui écrase les pentes arbo­rées plon­geant dans la mer tur­quoise. Ma valise part en scoo­ter pour rejoindre le taxi tout en haut du che­min escar­pé ; on a tout pré­vu à ma place. Le taxi, les billets du bateau pour rejoindre Samui, le trans­fert à l’aé­ro­port… C’est impres­sion­nant de voir à quel point tout ceci est coor­don­né par des per­sonnes qui n’ont qu’un seul inté­rêt : se mon­trer hos­pi­ta­liers pour que vous ayiez le moins de choses pos­sibles à pen­ser, et c’est exac­te­ment ce qui se passe. Je salue les deux ser­veurs du res­tau­rant, Mr Sim et Mr Sia, que je remer­cie d’un wai res­pec­tueux qu’ils me rendent au cen­tuple. Ce sera mon der­nier signe ici, comme le moment d’une rup­ture qui, à ce moment-là sans le savoir, n’en était pas vrai­ment une.

6 - Carnet de Thaïlande - 03 - Port de Thong Sala

Le taxi conduit comme une brute et passe par une route qui n’est pas la route côtière que j’ai vue tout au long de cette semaine. Il me fait presque regret­ter de ne pas avoir loué de scoo­ter pour visi­ter l’in­té­rieur de l’île, en pas­sant devant des temples que j’au­rais aimé visi­ter. Il me dépose sur le port en me lan­çant une for­mule qui me fait encore rire aujourd’­hui ; Thank you Khrap… J’en ris parce que j’ai bien sai­si que les for­mules de poli­tesse sont ponc­tuées de ces petites par­ti­cules finales, khrap si c’est un homme qui parle, peu importe le sexe de la per­sonne à qui il s’a­dresse, ka (son long) si c’est une femme qui parle. Le mer­ci pro­non­cé par un homme donne quelque chose comme khop kun khrap (le r après le kh est une sorte de son aspi­ré qui fait qu’on ne le pro­nonce pas). Ce qui signi­fie que le taxi, avec ses che­veux longs et son éter­nelle cas­quette de base-ball défraî­chie mélange allé­gre­ment le mer­ci anglais avec la for­mule de poli­tesse thaïe.

6 - Carnet de Thaïlande - 04 - Port de Thong Sala

6 - Carnet de Thaïlande - 06 - Port de Thong Sala

Le hall de la gare mari­time est un vaste han­gar ouvert aux quatre vents autour duquel gra­vitent les stands des com­pa­gnies mari­times et dans lequel le vent s’en­gouffre de tous les côtés, fai­sant de cette étuve métal­lique un lieu fina­le­ment assez frais. Lais­sant ma valise dans l’en­clos pré­vu à cet effet, l’é­ti­quette de la com­pa­gnie Sea­tran Dis­co­ve­ry Link col­lée sur la poi­trine, je longe le quai jus­qu’aux échoppes ambu­lantes ins­tal­lées autour de motos tra­fi­quées ven­dant pad thaï et jus de fruits frais, canettes de soda et man­gous­tans blets sous un soleil impla­cable don­nant une teinte jaune cha­leu­reuse aux lieux. L’at­tente est longue. J’at­tends sous l’a­bri, mor­fon­du sur un banc en fer­raille, trans­pi­rant comme une vache, tan­dis qu’une petite musique hip­pie locale finit d’en­dor­mir tous ceux qui font la même chose que moi, c’est-à-dire rien, rien d’autre qu’at­tendre. Attendre ici est une dimen­sion dif­fé­rente de ce que peut signi­fier l’at­tente dans une gare ou à un arrêt de bus chez nous, moment qui me paraît tou­jours inter­mi­nable et fas­ti­dieux. Je ne sau­rais dire si c’est la cha­leur ou l’am­biance, ter­ri­ble­ment décon­trac­tée, qui fait que ces moments de pure oisi­ve­té deviennent à la fois pré­cieux et consis­tants. Une femme qui vend des billets pour une tra­ver­sée est vau­trée dans une chaise longue, n’at­ten­dant qu’une seule chose, qu’on la dérange. Une grosse peluche de télé­tub­by pen­douille sur une chaise en bois à ses côtés. De l’autre côté du quai, des car­tons de mar­chan­dises attendent sous un toit en tôle près d’un bateau en bois sur lequel sont peints en gros les mots Sura­t­tha­ni-Koh Phan­gan. Sur la cabine peinte en blanc et rose est écrite une ins­crip­tion ondu­lante : N. San­dee­ma­ne­thrup 5. Le nom du pro­prié­taire ? Sur son pont, des dizaines de sacs de pommes de terre et d’autres légumes indé­fi­nis­sables, expo­sés en plein soleil. C’est sur ce quai que je quitte l’île, où le temps s’est éti­ré comme un vieux che­wing-gum col­lé à mes semelles.

6 - Carnet de Thaïlande - 08 - Port de Thong Sala

6 - Carnet de Thaïlande - 11 - Au large de Ko Phangan

6 - Carnet de Thaïlande - 12 - Au large de Ko Phangan

Je monte sur le bateau qui crache une épaisse fumée noire et m’ins­talle sur le pont arrière, com­plè­te­ment décou­vert, le soleil en pleine face. Un dra­peau thaï flotte dans le vent tan­dis que le port de Thong Sala dis­pa­raît dans la lumière de cette fin de jour­née un peu magique. Quelques pages lues, assis par terre, arrivent à trom­per le doux ennui dans lequel je me drape, entre deux bou­chées d’un sand­wich au thon presque sans saveur. Samui arrive en ligne de mire et le débar­que­ment se fait dans un joyeux bor­del et tout le monde monte dans les vans cli­ma­ti­sés qui font le tran­sit jus­qu’à l’aé­ro­port à moins de dix minutes de route. L’aé­ro­port est un lieu coquet, affu­blé d’une allée imi­tant le luxe sur­fait d’une ave­nue digne de Sin­ga­pour ou de Kua­la Lum­pur où se suc­cèdent bou­tiques de luxe et res­tau­rants. La salle d’at­tente est vaste et confor­table ; le mur des toi­lettes est un immense aqua­rium où végètent d’é­normes pois­sons rouges aux yeux glo­bu­leux. Je m’ins­talle dans la salle d’at­tente pour un bon moment, j’ai trois heures d’at­tente pour mon vol, qui n’est même pas encore affi­ché. Je dévore les pages de mon livre d’un air dis­trait tan­dis que les ATR-72 décollent et atter­rissent sans dis­con­ti­nuer, dans un vacarme de tur­bo-pro­pul­seurs que per­sonne ne semble plus remar­quer. Je me rends compte à quel point le temps n’a plus la même valeur, et pen­dant ces quelques jours ici, j’ai l’im­pres­sion de m’être lais­sé désar­mer par une ambiance où le temps s’est affais­sé. C’est cer­tai­ne­ment ça le sens du mot “se repo­ser”. Je me sens incroya­ble­ment bien ici, sans pré­su­mer de ce que je vais trou­ver à Bang­kok et qu’à ce moment-là je m’i­ma­gine comme étant une capi­tale de pro­vince, douce et calme. Je suis un gros naïf.

6 - Carnet de Thaïlande - 18 - Aéroport de Ko Samui

6 - Carnet de Thaïlande - 19 - Dans l'avion pour Bangkok

Dans l’a­vion, les gens sont bruyants. Der­rière moi, deux Ita­liennes doivent se croire dans leur salon. Les deux hôtesses sont magni­fiques, un phy­sique d’une finesse toute thaï, une d’elle a les yeux très bri­dés et fins, l’autre porte un ber­mu­da court, les che­veux cou­pés au car­ré et un sou­rire cra­quant. Il y a cinq jours, un avion du même type s’est écra­sé dans l’in­té­rieur de la Thaï­lande, sur la même com­pa­gnie (Bang­kok Air­ways), mais le mien se pose sans encombre sur le tar­mac de Suvar­nabhu­mi. Je récu­père ma valise sur laquelle un ban­deau jaune a été col­lé ; Secu­ri­ty che­cked. Je ne sais pas trop si elle a été ouverte ou non. J’at­trape un taxi qui roule comme un dingue jusque dans le centre de Bang­kok. Il faut payer un péage en plus de la course, déjà chère. Le chauf­feur, un type d’une qua­ran­taine d’an­nées veut abso­lu­ment m’emmener le len­de­main voir des tigres dro­gués à 250km de là et un mar­ché flot­tant “typi­cal”. Je suis obli­gé de lui dire que je repars demain pour qu’il arrête d’es­sayer de me vendre sa soupe tiède. La ville que je tra­verse me donne l’im­pres­sion d’être dans le quar­tier de La Défense, juste à côté de Paris, à cette dif­fé­rence près que ça semble s’é­tendre sur des dizaines de kilo­mètres. Juste avant d’ar­ri­ver à l’hô­tel Gol­den Tulip (qui n’existe plus aujourd’­hui sous ce nom), c’est un quar­tier de petites rues sans per­sonne. Wisut­ka­sat Rd est une artère pas­sante où la route passe sur deux étages. Il est temps pour moi de poser ma valise. Un 7/11 encore ouvert alors qu’il est minuit et demi me per­met de me res­tau­rer d’un fan­ta, un paquet de chips et d’un bol de nouilles déshy­dra­tées que je me pré­pare avant de ten­ter de m’en­dor­mir ; la chambre donne sur la pis­cine dans laquelle bar­botent en braillant de jeunes Russes pleins de bière que per­sonne ne rabroue.

Bang­kok est là, sous mes pieds, mais je sens d’ores et déjà que ce ne sera pas la même his­toire que Phangan…

Voir les 19 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

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⚓ Mu Ko Ang Thong : un enfer vert et bleu ⚓

⚓ Mu Ko Ang Thong : un enfer vert et bleu ⚓

Mu Ko Ang Thong (อ่างทอง, bol d’or) est un parc natio­nal marin, accro­ché à un cha­pe­let d’îles pour la plu­part inha­bi­tées. Situées à mi-che­min entre Ko Phan­gan et le conti­nent, c’est un petit para­dis dans lequel on ne peut se rendre que sur des bateaux de for­tune dont le tirant d’eau ne per­met même pas de s’ap­pro­cher suf­fi­sam­ment pour accos­ter. 42 îles sur une super­fi­cie de 102 km2, dont seule­ment 18 sont des terres. Le reste ce ne sont que rochers affleu­rant. Seule­ment 20 habi­tants. C’est tout ce qu’on peut dire de cet émiettement.

5 - Carnet de Thaïlande - 03 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 04 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 05 - Mu Ko Ang Thong National Park

Le taxi qui m’emmène à Thong Sala n’est en réa­li­té qu’un pick-up sans bâche où l’on doit se tenir à des barres de métal pour évi­ter de se retrou­ver pro­je­té sur la route. Avant d’ar­ri­ver au port, il ramasse une amé­ri­caine d’une cin­quan­taine d’an­nées, sim­ple­ment vêtue d’un short de boxe thaï et d’un tee-shirt fluo sur lequel éclatent les mots full moon par­ty. Ça donne tout de suite le ton. Elle a la peau des joues grê­lée, une voix nasillarde avec une hor­rible accent amé­ri­cain et le teint frais de la fêtarde qui ne sait pas s’ar­rê­ter. En arri­vant au port, le taxi avance jus­qu’au bout de la jetée. Il a à peine la place de pas­ser, mais il insiste et repart en marche arrière comme si de rien n’é­tait. Le bateau qui attend là est une coquille de noix constel­lée d’é­toiles blanches peintes à la main, baché de sacs à patates en guise de pare-soleil. On nous sert  un café déshy­dra­té trop fort avec des tranches d’a­na­nas et de pas­tèque et des donuts bai­gnant dans leur huile de fri­ture, de quoi se vider avant le départ en mer. Ne sachant pas réel­le­ment ce qui m’at­ten­dait ce jour-là, j’es­pé­rais sim­ple­ment que le che­min ne serait pas trop long, car mon­ter sur ce genre de rafiot tient plus du sui­cide que de la belle excur­sion en mer.

5 - Carnet de Thaïlande - 11 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 14 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 16 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 24 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 28 - Mu Ko Ang Thong National Park

Il met les gaz et me voi­là par­ti pour une heure et demie de navi­ga­tion sur une mer un peu agi­tée, sous un soleil de plomb se réver­bé­rant sur une eau d’un beau bleu uni, me mor­dant la peau dès les pre­miers rayons. Le bateau fait un arrêt devant les rochers d’une des îles les plus au nord, Ko Wao Yai, un bout de rocher sans rien autour. Il paraît qu’i­ci c’est un des plus beaux spots de plon­gée du coin. J’en­tends la chaîne cou­ler sur la fonte de l’é­cu­bier et se ficher dans la roche marine, à une quin­zaine de mètres si je cal­cule bien. A peine le bateau arrê­té, tout le monde plonge du pon­ton, masque et tuba fiché sur la tête. En ce qui me concerne, je reste un peu cir­cons­pect. Le bateau bouge pas mal et les cou­rants semblent fort, mais tous n’hé­sitent pas à un seul ins­tant à plon­ger dans l’eau tur­quoise. Appré­ciant la nage en mer autant que si j’al­lais me faire cir­con­cire, je des­cends dou­ce­ment dans l’eau qui tient ses pro­messes, les cou­rants sont forts et m’an­goissent déjà. En plon­geant sous l’eau, je me rends compte que j’a­vais rai­son ; il y a effec­ti­ve­ment une quin­zaine de mètres d’eau sous mes pieds. C’en est trop pour moi, je remonte à la sur­face et m’ac­croche au bateau, pris d’une panique incon­trô­lable. En bon des­cen­dant de Bre­tons, je pré­fère ample­ment me trou­ver sur l’eau que dedans, a for­tio­ri si les fonds ne sont pas à por­tée de mes pieds. Je n’ai jamais aimé ça, je me l’é­tais confir­mé en nageant dans les eaux trans­pa­rentes de la baie de Keko­va, dans le sud de la Tur­quie. Ces conne­ries ne sont pas pour moi… Je pré­fère regar­der l’ho­ri­zon qui s’ouvre devant moi. Quelques bateaux de pêcheurs de cala­mars sont amar­rés sur les bas-fonds.

5 - Carnet de Thaïlande - 31 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 32 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 34 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 36 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 41 - Mu Ko Ang Thong National Park

La pro­chaine étape est une île sur laquelle le bateau fait escale, Ko Mae Ko. On trouve ici une curio­si­té géo­gra­phique puis­qu’a­près avoir gra­vi quelques che­mins bien raides pen­dant une bonne demi-heure, entou­rés de roches vol­ca­niques cou­pantes comme des rasoirs, on arrive face à un lac d’eau de mer, d’une cou­leur d’é­me­raude étin­ce­lante, le Thale Nai. Per­ché bien au-des­sus du niveau de la mer, c’est à n’y rien com­prendre. Com­ment cette eau salée a pu se retrou­ver encer­clée ain­si et sur­tout à une telle hau­teur ? Entou­rée d’es­car­pe­ments de cal­caire, on ne peut pas y des­cendre, on ne peut que s’ap­pro­cher de la sur­face écla­tante de l’eau dans laquelle on peut voir des petits pois­sons sans cou­leur s’é­battre. Là encore, le mys­tère en entier. Com­ment sont-ils arri­vés jus­qu’i­ci ?… De l’autre côté, on a une vue impres­sion­nante sur l’ar­chi­pel qui s’é­tend aux pieds de l’île. En redes­cen­dant du lac, je prends le temps de me bai­gner dans une petite crique à l’eau calme, où je peux voir mes pieds tou­cher le sol, ce qui est à peu près la seule chose ras­su­rante pour moi… Je me vautre dans cette eau d’une cha­leur incroyable où de tout petits pois­sons viennent s’en­qué­rir de ma présence.

Le bateau repart tran­quille­ment sur une mer d’huile, pro­té­gée par la proxi­mi­té des autres îles. Il s’ar­rête à bonne dis­tance de la côte et les gar­çons de bord nous donnent des sacs étanches pour mettre nos affaires… je ne com­prends pas trop ce qui se passe et je com­mence à avoir peur qu’on nous invite à rejoindre l’île à la nage… En réa­li­té, des bateaux à moteur, les fameux long-tail boats (เรือหางยาว, Ruea Hang Yao), viennent nous cher­cher pour accos­ter. Le tirant d’eau n’est pas suf­fi­sant pour que le gros bateau puisse s’ap­pro­cher. Le pro­blème, c’est que les long-tail boats n’ar­rivent pas non plus à s’ap­pro­cher de la plage, et c’est là que je com­prends l’in­té­rêt des sacs étanches. Il faut plon­ger dans l’eau jus­qu’à la tête pour arri­ver sur l’île… Un peu spor­tif et sur­pre­nant, mais ça ne manque pas de charme. Me voi­ci enfin sur la der­nière île, la plus grande, Ko Wua Ta Lap.

5 - Carnet de Thaïlande - 42 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 43 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 45 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 46 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 47 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 49 - Mu Ko Ang Thong National Park

Mon genou me fait souf­frir et l’in­vi­ta­tion à mon­ter au som­met de l’île pour aller admi­rer l’ar­chi­pel n’est plus de mise, mais ce que je vais décou­vrir ici aura lar­ge­ment com­pen­sé le spec­tacle pro­mis. En effet, au pied de la mon­tagne, à quelques mètres au-des­sus de moi, vivent des petits singes arbo­ri­coles abso­lu­ment pas farouches. Ce sont des « Dus­ky leaf mon­key » ou Lan­gur (Tra­chy­pi­the­cus obs­cu­rus, Sem­no­pi­thèque obs­cur) qui se déplacent en famille. Je reste à les admi­rer pen­dant de longues minutes, m’a­mu­sant de leurs cabrioles et facé­ties, pen­dus par les pieds, ou mor­dillant leur queue…

5 - Carnet de Thaïlande - 52 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 54 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 56 - Mu Ko Ang Thong National Park

La jour­née touche à sa fin. Pen­dant que le reste de la troupe est par­tie trek­ker dans les hau­teurs, je m’al­longe à l’ombre des pal­miers, dans un calme ori­gi­nel et je pro­fite pen­dant de longues minutes d’une plage déserte cachée du soleil, le temps de repo­ser ma peau de la mor­sure du soleil et de pro­fi­ter d’une eau plus chaude que tout ce que j’ai connu jus­qu’i­ci. Le res­sac des vagues me donne l’im­pres­sion d’une Bre­tagne trans­plan­tée sous les coco­tiers, sous des franges d’é­pi­phytes sau­vages et de fou­gères ruis­se­lantes d’eau. Ce sont des moments rares, où le temps n’a plus d’im­por­tance, où l’on se retrouve seul avec l’im­pres­sion que le monde est à nos pieds. Ma peau me brûle ter­ri­ble­ment mais mon esprit est empli d’une séré­ni­té que seul l’é­loi­gne­ment de tout  per­met. Il est des bouts du monde qui ne se laissent appri­voi­ser à moins d’a­voir lais­sé tom­ber quelque chose en chemin.

5 - Carnet de Thaïlande - 62 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 63 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 65 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 66 - Mu Ko Ang Thong National Park

Le bateau retourne à pleins gaz vers Ko Phan­gan, après m’être contor­sion­né pour remon­ter sur le long-tail boat, met­tant mon genou à rude épreuve. Au début de la course, je m’a­muse de voir les vagues tra­ver­ser le pont et les bor­dées frap­pées par les creux que nous pre­nons de côté. Mais le Golfe de Thaï­lande n’a d’i­dyl­lique que le nom. C’est en réa­li­té un enfer capri­cieux qu’il faut tra­ver­ser avec l’es­to­mac bien accro­ché. Dans une belle lumière de fin de jour­née, le bateau laisse entendre des cra­que­ments effrayants de bois pour­ri. En attar­dant un peu mon regard sur la struc­ture du bas­tin­gage, je m’a­per­çois qu’il y a des fis­sures par­tout et c’est fina­le­ment la cabine entière qui semble accro­chée à un fil au-des­sus de nos têtes. La tra­ver­sée n’en finit pas. Cer­tains sont malades et le par­quet de bois brut finit macu­lé de vomis­sures. A l’ar­rière, je me rends compte que deux des gar­çons de bord ont ouvert la cale où se trouve le moteur et écopent avec une belle ardeur l’eau qui s’in­filtre par­tout. Je manque de tour­ner de l’œil en me disant que si le moteur finit noyé, nous allons devoir res­ter là une bonne par­tie de la nuit avant qu’on vienne nous cher­cher. Mais dans l’é­qui­page, per­sonne ne semble inquiet.

Je suis fina­le­ment ren­tré entier à Ko Phan­gan, mais on ne m’y repren­dra pas. La mer n’est pas un jeu et embar­quer sur un bateau comme celui-ci est tout sim­ple­ment irrai­son­nable. J’en ris main­te­nant, mais je n’ai jamais été aus­si angois­sé sur la mer. A croire que c’est à prix-là qu’on accède au para­dis… ou à l’enfer…

Voir les 66 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

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Mario Kart à Ko Phangan

Mario Kart à Ko Phangan

Je l’ai déjà dit plu­sieurs fois, Ko Phan­gan est une petite île du Golfe de Thaï­lande, iso­lée du reste du monde bruyant. Petite île donc, mais peu pra­ti­cable à pied. Il vaut mieux ici se dépla­cer en taxi ou à scoo­ter. Tous les ans, des conduc­teurs impru­dents perdent la vie sur cette île, d’ailleurs répu­tée pour cela, parce que les routes y sont étroites, mal entre­te­nues, les conduc­teurs sou­vent alcoo­li­sés et la pré­sence poli­cière nulle, parce que beau­coup de per­sonnes ne font pas atten­tion, doublent n’im­porte com­ment. Je crois que le pire, c’est de se trou­ver nez-à-nez avec un occi­den­tal qui a, l’es­pace de quelques ins­tants, oublié qu’on roule à gauche en Thaï­lande. Mais ne par­lons pas de ce qui pour­rait arri­ver ou de ce qui n’est pas arri­vé, mais bien plu­tôt de l’ex­pé­rience inté­res­sante que pro­cure le scoo­ter sur cette petite île avec ses mon­tées et des­centes ver­ti­gi­neuses, ses routes par­fois sans aucun revê­te­ment, les branches de pal­miers qui tombent sur la route et les chiens qui vous regardent d’un air débon­naire tan­dis que vous les klaxon­nez pour qu’ils se poussent. C’est cer­tai­ne­ment le meilleur moyen de prendre le temps de voir l’île comme on le sou­haite, de s’ar­rê­ter là et quand on veut, sans être dépen­dant des caprices d’un taxi qui roule sou­vent trop vite.

Je me suis donc amu­sé à prendre cette petite vidéo, depuis le centre de l’île jus­qu’à l’hô­tel, avec une bande ori­gi­nale pour le moins locale puisque chan­tée par Luk Phrae Urai Phon (cli­quez pour voir la vidéo ori­gi­nale, à tous les sens du terme), une vraie star Thaï.
Met­tez votre casque, chaus­sez vos lunettes pour évi­ter les bes­tioles et c’est par­ti pour cinq minutes de course folle sur les route thaïlandaises !!

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Haad Cha­lok­lum, Tsu­na­mi hazard zone

Haad Cha­lok­lum, Tsu­na­mi hazard zone

Haad Cha­lok­lum. Petite sta­tion bal­néaire tout au nord de Ko Phan­gan, der­nier point sur la route ouest de l’île. Pour conti­nuer à l’est, trois pos­si­bi­li­tés ; il faut reve­nir sur Thong Sala par la route, c’est-à-dire tout au sud, ou alors prendre un taxi-boat pour rejoindre les plages plus à l’est. Der­nière solu­tion, tra­ver­ser la bar­rière mon­ta­gneuse qui découpe l’île en deux sur sa par­tie la plus sep­ten­trio­nale, quitte à affron­ter une forêt inhos­pi­ta­lière et dense que, par­tout, on vous décon­seille for­te­ment de péné­trer. C’est dire si Cha­lok­lum fait figure de bout du monde. Un bout du monde bat­tu par le vent char­gé d’eau qui se déverse en trombes sur cette petite anse où les pêcheurs de cala­mars ont élu domi­cile pour leur activité.

4 - Carnet de Thaïlande - 01 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 03 - Haad Chaloklum

Sur la côte, on vous pré­vient gen­ti­ment que vous êtes dans une zone sou­mise aux tsu­na­mis et qu’en cas de pro­blèmes, un sys­tème de sirène vous alerte et vous enjoint de rejoindre à toute vitesse les hau­teurs. Le décor est plan­té. On est ici sou­mis au dan­ger de la mer, de la nature toute puis­sante dans un décor de rêve, à l’ombre des coco­tiers et sur le sable fin, dans une eau qui frise les 30°C.

4 - Carnet de Thaïlande - 05 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 07 - Haad Chaloklum

Cha­lok­lum, c’est deux ou trois rues bor­dées de com­merces tenus dans des cabanes en tôle ondu­lée, des épi­ce­ries qui ne disent pas leur nom, des baraques de pêcheurs, quelques petits res­tau­rants qui ne paient pas de mine et au milieu de tout ce petit monde, un temple, le Wat Cha­lok­lum. Impres­sion­né par les lieux de ce petit endroit sans pré­ten­tion, je n’ai même pas osé entrer ; cer­tai­ne­ment parce que j’é­tais trem­pé comme une soupe, rin­cé par une averse qui sem­blait ne jamais vou­loir s’ar­rê­ter. C’est aus­si la pre­mière fois que je suis confron­té de plein fouet à cette reli­gion que je connais mal et qui adore, en plus d’un Boud­dha omni­pré­sent, des mil­liers d’êtres spi­ri­tuels aux qua­li­tés pas toutes recommandables.

La mer a cette tris­tesse des len­de­mains de jours d’ex­cès, lorsque la pluie revient ; la plage garde les stig­mates d’une nuit trop agi­tée, à la limite de la nau­sée. Une simple balan­çoire accro­chée à un pal­mier pen­ché au-des­sus du sable semble attendre qu’on joue avec elle, comme une petite fille aban­don­née. L’a­gi­ta­tion de la houle empêche visi­ble­ment les bateaux de sor­tir, alors que tout sem­blait si ani­mé lorsque je suis pas­sé ici avant de rejoindre l’hô­tel. Pour­tant ici, le sol sèche vite après la pluie, mais l’a­gi­ta­tion de la mer tra­hit que la nature est bien plus per­verse qu’une simple ondée, qu’elle est bien plus per­ni­cieuse qu’il n’y paraît.

4 - Carnet de Thaïlande - 08 - Haad Chaloklum

Sur le front de mer, des claies sont sus­pen­dues à un mètre du sol sur un ter­rain où rien ne pousse. Si je ne les avais pas vues la veille, je n’au­rais jamais su ce qu’on y fai­sait ; ce sont en fait des cadres de bois sur les­quels on tend des filets de pêche tout fins et sur les­quels sèchent les cala­mars frai­che­ment péchés et salés. Une odeur de mort flotte dans l’air. J’i­ma­gine par­fai­te­ment les pauvres petites bêtes sécher au soleil tor­ride de Thaï­lande, leurs sucs gout­tant dans le sol meuble au fur et à mesure de leur lente des­sic­ca­tion pour finir sur les mar­chés ambu­lants de Bang­kok, fins comme des cartes à jouer trans­lu­cides, cro­quants comme des chips de pomme de terre.

4 - Carnet de Thaïlande - 09 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 34 - Haad Chaloklum

Assise sur le rebord en béton, une femme que la soixan­taine a cueillie plus rapi­de­ment qu’elle ne l’a­vait ima­gi­né, a lais­sé ses chaus­sures der­rière elle pour regar­der la mer cla­po­ter sous les pon­tons, à l’ombre d’un jac­quier impo­sant mena­çant de lais­ser tom­ber ses énormes fruits aux mil­liers de petits piquants. Elle semble si triste et si sereine à la fois qu’elle attire inévi­ta­ble­ment sur elle une ombre de sympathie.

4 - Carnet de Thaïlande - 32 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 13 - Haad Chaloklum

Dans une petite épi­ce­rie au bord de la route, j’a­chète des petits citrons verts qu’on appelle ici manao (มะนาว, Citrus auran­tii­fo­lia), des feuilles de com­ba­va (มะกรูด, Citrus hys­trix) et des ciga­rettes de tabac rou­lé qu’on appelle che­roots. On trouve de tout et de rien dans ce petit han­gar sur­char­gé d’é­ta­gères, de la cas­se­role en fer blanc au paquet de mou­choirs, en pas­sant par des fruits et légumes à l’as­pect pas tou­jours reconnaissable.

4 - Carnet de Thaïlande - 16 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 23 - Haad Chaloklum

Dans l’en­ceinte du temple, il com­mence à pleu­voir des trombes, l’a­verse bat son plein tan­dis que les mon­tagnes envi­ron­nantes s’en­tourent de nuages épais aus­si sta­tiques que des boud­dhas endor­mis. Je trouve refuge sous un abri qui est en réa­li­té une salle de mas­sage en plein air. Un vieux bon­homme avec un balai à la main m’in­vite à me mettre à l’a­bri dans son antre autour de laquelle sont accro­chés par des fils de fer des épi­phytes logées dans des petits pots en alu­mi­nium, don­nant au lieu un air aérien et tro­pi­cal. Tout autour de l’en­ceinte du temple sont dis­po­sées des niches où reposent les sou­ve­nirs des ancêtres accom­pa­gnés le plus sou­vent d’une petite pho­to enca­drée, fai­sant pla­ner une onde de res­pec­ta­bi­li­té sur les lieux, déjà empreints de la quié­tude qui sied aux lieux de croyances. Un moine replet passe tran­quille­ment sous son para­pluie pour aller fer­mer les volets du temple avant de retour­ner tout aus­si tran­quille­ment de là où il est arri­vé, pas­sant à côté d’un kiosque où dorment de mau­vais gar­çons mous­ta­chus accom­pa­gnées de chiens tout aus­si mau­vais qui semblent faire la révé­rence à l’homme habillé de safran. Le vieux du salon de mas­sage me parle en me mon­trant la pluie, sem­blant me dire que ça ne s’ar­rête pas. Effec­ti­ve­ment, ça ne s’ar­rête pas et je me décide enfin à retour­ner à l’é­pi­ce­rie où je trou­ve­rai un pon­cho plas­tique fabri­qué au Vietnam.

4 - Carnet de Thaïlande - 24 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 27 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 20 - Haad Chaloklum

Dans un des petits res­tau­rants d’une autre rue, je m’at­table pour déjeu­ner d’un tom kha kaï et d’un pad thaï pré­pa­rés dans une cui­sine de for­tune à côté de la chambre du bébé, une chambre aveugle et chao­tique. Le fils qui n’a pas cinq ans va ache­ter des fruits à l’é­pi­ce­rie d’en face, tan­dis que la petite fille, plus jeune encore, s’ex­ta­sie devant un karao­ké qui passe à la télé. A la fin du repas, le père me pro­pose de me rame­ner à Haad Salad avec sa voi­ture pour un prix tout à fait modeste.

4 - Carnet de Thaïlande - 29 - Haad Chaloklum

Le temps s’é­tire à Haad Cha­lok­lum tan­dis que la plage attend sage­ment les ravages d’un tsu­na­mi. Il n’y a rien à faire ici à part regar­der le temps pas­ser et la pluie s’é­cra­ser en grosses gouttes sur les feuilles d’un beau vert tendre des bana­niers. De temps en temps, on entend les noix de coco tom­ber dans un bruit sourd de toute leur hau­teur dans l’herbe grasse où paissent des buffles gras. Même les chiens s’en­nuient ferme, l’œil à moi­tié fer­mé pen­dant qu’ils dorment sur le bord de la route, et par­fois même au beau milieu des car­re­fours. Il va fal­loir que j’ap­prenne à goû­ter de ce temps qui ne s’é­coule pas d’une manière connue.

4 - Carnet de Thaïlande - 36 - Haad Chaloklum

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