Visions sou­ter­raines de Steve Dun­can et autres cir­con­vo­lu­tions fluviales

Steve Dun­can est un doux dingue qui adorent trai­ner ses guêtres dans les sou­ter­rains les plus sor­dides à la recherche de la lumière des pro­fon­deurs. Col­lec­teurs d’é­gouts, rivières sou­ter­raines, pipe­lines et autres tuyaux et cou­loirs désaf­fec­tés n’ont pas de secret pour ce pho­to­graphe des longues expo­si­tions. Un uni­vers suin­tant et magique au creux de nos villes, un rien angoissant…
L’ar­ticle de Paul Hond sur Colum­bia Maga­zine.

A l’autre extré­mi­té des laby­rinthes de pierre creu­sés dans le sol meuble de nos villes, on voit se des­si­ner dans la nature les cir­con­vo­lu­tions des grands fleuves. En l’oc­cur­rence ici sur Pru­ned le fleuve Yukon et la Por­cu­pine River. J’ai sui­vi ain­si sur Google maps plu­sieurs des plus grands fleuves de la Terre. Tous suivent un par­cours qui n’est en rien du au hasard et en ceci la construc­tion des canaux sou­ter­rains s’en rap­proche énor­mé­ment. Si les seconds sont arti­fi­ciels et géné­ra­le­ment rec­ti­lignes ils imitent les rivières et sou­vent les cana­lisent, tentent de les diri­ger et d’en inflé­chir le cours, sou­vent pour des besoins liés au réseau de dis­tri­bu­tion ou d’é­va­cua­tion des eaux usées, et son par­cours a des rai­sons bien par­ti­cu­lières, tout comme le fleuve qui suit les acci­dents de son par­cours en par­tant du point le plus haut et se sou­met­tant par la force des choses à la gra­vi­té, tom­bant vers le point le plus bas, la mer.
L’Homme, en mai­tri­sant le flux des cours d’eau, en le rete­nant pour ses bar­rages, en le déviant pour ses besoins d’ir­ri­ga­tion ou de consom­ma­tion, imite la nature et s’y conforme.
Les caprices de la nature et le catas­tro­phisme qu’elle ins­pire ont don­né lieu à une nou­velle forme de tou­risme : la chasse aux inon­da­tions, une pra­tique éprou­vante pour les nerfs qui consiste à visi­ter les sites les plus tou­chés par le débor­de­ments des lits de rivières. Tou­risme, sport ou voyeurisme ?

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Sous le sol de Padirac

Arri­ver à Padi­rac a quelque chose de folk­lo­rique. C’est un tout petit vil­lage du dépar­te­ment du Lot de 168 âmes au cœur de la Causse de Gra­mat, dans le Quer­cy. Des rochers affleurent par­tout dans ce pay­sage sec, par­cou­ru par les moutons.
La route est une suc­ces­sion de petits vil­lages après Souillac, où le ciel se déchire tout à coup en une immense zébrure blanche, dans un fra­cas assour­dis­sant qui roule par­mi les mon­tagnes envi­ron­nantes. Lorsque nous dépas­sons Padi­rac en sui­vant les pan­neaux d’in­di­ca­tions, nous finis­sons par arri­ver dans une sorte de cul de sac entou­ré de par­kings immenses, me don­nant tout à coup l’im­pres­sion de me retrou­ver à proxi­mi­té d’un centre com­mer­cial. Il fait une cha­leur lourde, vrai­ment assom­mante et se dire qu’on a fait tant de kilo­mètres pour arri­ver dans un parc d’at­trac­tion rajoute à une sorte de décep­tion que la fatigue de la route entre­tient, mais il est tard, 17h30 et ce qui avait dû être une queue digne d’un super­mar­ché sovié­tique laisse pré­su­mer que je n’at­ten­drai pas plus d’un quart d’heure. J’y vais quand même, je n’ai pas fait toute cette route pour aban­don­ner si près du but ; je veux que mon fils puisse voir ça.

Padirac

Un type me donne un tape sur l’é­paule et me tend deux billets qu’il a trou­vé par terre et qui n’ont pas été vali­dés. Je souffle un peu en me disant que je vais tout de même éco­no­mi­ser 18 euros. Je m’a­vance vers le gouffre avant d’y entrer et ce que je vois me donne des sueurs froids. On dit que lors­qu’il fait chaud, on est plus sen­sible au ver­tige. Je suis venu ici quand j’é­tais ado­les­cent avec mes grands-parents, mais éton­nam­ment, j’ai des sou­ve­nirs plus pré­sent des Eyzies ou de Sar­lat ou même Col­longes-la-Rouge que de ce lieu pour­tant unique en son genre.

coupe du gouffre

Nous pre­nons les esca­liers pour des­cendre et tan­dis que nous pro­gres­sons, je suis tout à coup pris d’une atroce crise d’an­goisse, m’i­ma­gi­nant que la tour d’a­lu­mi­nium est en train de se dévis­ser à cause des vibra­tions. Enfin arri­vés en bas, je découvre un monde végé­tal vivant à 70 mètres sous terre, dans l’ombre et l’humi­di­té pois­seuse, et deux grandes ouver­tures béantes plon­geants de chaque côté de cette immense anfrac­tuo­si­té de la terre. La gale­rie prin­ci­pale com­mence ici et l’on se dirige pen­dant une bonne cen­taine de mètres dans une gale­rie à sec où le pla­fond s’é­loigne de plus en plus de la sur­face du sol jus­qu’à un quai dans lequel on embarque pour par­cou­rir le reste par la voie des eaux. La pro­fon­deur varie entre 1 et 5 mètres et la tem­pé­ra­ture de l’eau, même par cette cha­leur de sur­face, ne dépasse pas les 10°C. Nous rejoi­gnons le quai d’ar­ri­vée et nous sommes désor­mais à 105 mètres de profondeur.
La visite se pour­suit avec un spec­tacle de toute beau­té. Un colonne sta­lac­ti­tique de 75 mètres de haut ayant ter­mi­né sa crois­sance, des gours (sortes de bar­rages cal­ci­fiés rete­nant un eau d’une pure­té qua­si­ment abso­lue), un cou­ronne de sta­lac­tites écra­sés comme des crêpes située sous un dôme de 94 mètres de haut (la vitesse de chute des gouttes d’eau explique cette forme éton­nante), et cette sen­sa­tion de gran­deur sou­ter­raine comme on peut en res­sen­tir dans les cathé­drales les plus grandes (au som­met du dôme, il ne reste plus que 9 mètres jus­qu’à la sur­face du sol).
Cette salle du grand dôme est lit­té­ra­le­ment splen­dide, d’une beau­té à cou­per le souffle. J’ap­prends éga­le­ment que dans cette cavi­té natu­relle, dans sa par­tie immer­gée, vit une espèce endé­mique de cre­vette, ridi­cu­le­ment petite et au com­por­te­ment appro­chant celui des êtres abyssaux.

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