Bonne année kamikaze
Ou comment souhaiter ses bons vœux avec des avions “suicide”, datant de 1937, via Pink Tentacle sur le site du Museum of Fine Arts de Boston.
Read moreOu comment souhaiter ses bons vœux avec des avions “suicide”, datant de 1937, via Pink Tentacle sur le site du Museum of Fine Arts de Boston.
Read moreDes femmes, du Japon, du sexe, du sexe au Japon, du Japon traditionnel, du noir et blanc et beaucoup d’autres choses encore, dans une ambiance à la fois torride et intimiste. Tokyo Undressed. Tout est dans le titre.
Read moreC’est assez étrange de se dire qu’en lisant pas mal de livres et surtout arrivé à 35 ans, on en arrive à lire des mangas. Il faut dire que ceux-ci, que j’ai découvert il y a quelques semaines sont d’un genre tout particulier, à la fois inspiré par l’esprit d’Osamu Tezuka (手塚 治), la finesse du trait de la Ligne Claire et la simplicité de la rythmique des films de Yasujirō Ozu (小津 安二郎).
Le dessin de Jirō Taniguchi est d’une pureté qu’on pourra trouver parfois trop rigide pour ce type d’œuvre car il est d’une incroyable précision et plutôt que de rechercher l’originalité de ses personnages, ceux-ci ont souvent les mêmes traits et ne montrent guère leurs émotions, c’est la quête de réalisme d’un Japon tel qu’il existe que l’auteur cherche à faire passer, sans excès de folklore, ni de fantaisie d’ailleurs.
Les livres de Taniguchi sont des histoires simples de gens simples, certainement autobiographiques, qui n’hésitent pas à flirter avec l’esprit du réalisme fantastique d’un Dino Buzzati inquiété par la mort et la nostalgie de l’adolescence.
Œuvre en deux tomes, Quartier lointain raconte l’histoire d’un homme allant sur ses cinquante ans. Salary-man terne et fatigué, déçu par la vie et la sienne tout particulièrement, il n’en attend plus rien et n’a plus rien à apporter à sa femme qu’il délaisse et ses enfants qui ne voient pas vraiment en lui un père présent. Un matin, tandis qu’il part en déplacement professionnel, il se rend compte qu’il n’est pas dans le bon train. La gare où il descendra n’est autre que celle de la ville où il a grandi et puisqu’il est là, il se dit qu’il va se rendre sur la tombe de sa mère. Un moment de faiblesse, de fatigue, il s’endort et se réveille au même endroit, mais dans le passé, et dans la peau de celui qu’il était à 14 ans, exactement à l’époque à laquelle son père les a abandonné, lui et sa mère. Il se demande s’il n’est pas revenu dans le passé pour faire en sorte que cela n’arrive finalement pas, ou tout au moins tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. Les scènes où le narrateur se retrouve dans sa famille disloquée des années en arrière sont terriblement poignantes.
Un homme apprend la mort de son père qu’il n’a pas vu depuis 15 ans et se rend dans son village natal. Il rencontre là toute la famille de son père avec qui il n’a plus eu de contact depuis bien longtemps non plus, notamment son oncle qu l’a aidé à traverser une période difficile de sa vie, le divorce de ses parents. En l’occurrence, sa mère est partie, l’abandonnant avec son père et c’est toute la vie de celui-ci qui refait surface, un homme simple mais bon qui n’a jamais vraiment su dire les choses et que son fils redécouvre avec regrets. Une œuvre triste, émouvante sans être larmoyante, d’une parfaite intensité, réglée au millimètre près.
Ce livre est une pure merveille qui se passe quasiment de dialogues. L’homme qui marche est simplement le récit d’un homme qui redécouvre joyeusement le bonheur de marcher dans la ville, d’aider des enfants à décrocher leur avion en papier d’un arbre, de patauger dans les flaques d’eau, de se joindre à la marche tranquille d’un vieil homme qui fait sa promenade quotidienne sans parler, de s’allonger sous un cerisier en fleur ou simplement de s’extasier sur les lumières de la nuit. Une promenade en ville, un livre sur le bonheur d’être en vie.
Ces trois livres sont disponibles aux éditions Casterman.
Read moreDe la belle photographie japonaise, émouvante, colorée, d’une incroyable finesse.
Read moreRyuichiro Utsumi est un presqu’inconnu — il l’est en tout cas pour moi — et il s’en est fallu de peu que je passe à côté. Si je l’ai trouvé, c’est que son nom était accolé à celui d’un dessinateur dont je me suis entiché, Jirō Taniguchi. Lui au dessin, Utsumi au scénario, c’est un mélange exquis, même si la force tragique de Taniguchi s’en trouve renforcée par des histoires d’une sublime clarté.
Les bandes-dessinées, et a fortiori les manga, sont un genre particulier qui, si l’on y regarde de près, permet de traiter des sujets graves, ou plus simplement des histoires où intercèdent des tragédies personnelles fondues dans le non-dit. Même si on n’est plus dans le roman ou la nouvelle et que les visages et les corps ne sont pas dans le champ de l’imagination, on est comme happés par ce dessin réaliste et cette finesse dans les temps, les courts et les longs comme des notes de musiques parfaitement maîtrisées. On est loin de Dragonball Z, et sous les traits de plumes fins de Taniguchi, L’Orme du Caucase prend une dimension terrifiante tellement ces histoires prennent vie sous nos yeux avec une intensité qui, personnellement, n’est pas loin de me faire frémir autant que dans le roman.
Dans cette œuvre intime, intimiste, ce qui est exploré, ce sont ces étapes de la vie dans lesquelles on se trouve confronté à des écueils, des événements insurmontables, comme la perte d’un être cher et la soudaine réalité de l’absence venant tout submerger, ou la répétition des traumatismes de l’enfance.
Ce qui frappe une fois que l’on a fermé l’album, c’est cette sagesse qui résonne comme un chant interminable, mais qui n’hésite pas à explorer les tabous d’une société aussi rigide que celle du Japon.
Jirō Taniguchi & Ryuichiro Utsumi
L’orme du Caucase (Keyaki no ki), éditions Castermann