Jun 28, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Rescapés des intégrismes et des pogroms, libertaires par essence, atypiques par leurs croyances, les alévis ne sont pas beaucoup aimés du reste de la communauté musulmane, a fortiori parce que leur foi a pour origine la branche mal-aimée de l’islam ; le chiisme. Le mot alévi lui-même signifie adepte d’Ali, le gendre du prophète, celui par lequel le chiisme a fait dissidence.
Au cours de mes péripéties, j’ai pu moi-même me rendre compte que si les alévis sont regardés de travers, considérés comme des illuminés, voire comme des fous (pas au sens fanatiques) et malgré leur liturgie peu orthodoxe, ils n’en sont pas moins respectés, même si par le passé, cela ne fut pas toujours le cas. Absolument pas minoritaires en Turquie (1 Turc sur 4 est alévi, les statistiques officielles faisant plutôt état de 10 à 15% de la population), un musulman sunnite vous accompagnera tout de même volontiers au tekke ou à la cem evi le plus proche si le cœur vous en dit, mais il n’est pas dit qu’on vous propose d’assister au sema avec vous, il ne faut tout de même pas exagérer.

Arbre à souhaits alévi (dilek ağacı). Photo © Son Tilki
Voici un extrait du livre de Sébastien de Courtois (Un thé à İstanbul, récit d’une ville) nous en apprenant un peu plus sur ces religieux d’un autre genre qui pratiquent leur foi dans un étrange syncrétisme. Rencontre avec Mehmet.
Si les alévis de Turquie sont considérés comme des « musulmans » par l’office des cultes, leurs pratiques rituelles n’ont rien à voir avec l’islam orthodoxe, ni même avec l’islam tout court étant donné qu’ils n’en respectent aucun des piliers. Ils ne vont pas à la mosquée, m’explique Alberto, spécialiste de la question, ne lisent pas le Coran et, au pèlerinage de La Mecque, ils préfèrent celui plus proche de Haci Bektaş, une saint homme de Cappadoce. De même, les cinq prières quotidiennes ne leur sont pas familières, comme le jeûne du ramadan qu’ils ne respectent pas, et — comble d’hérésie — ils n’hésitent pas à jurer sur la tête du Prophète. Le portrait d’Ali, le gendre du Prophète, trône dans leurs maisons de prière, les cem evi, à côté du saint cappadocien et d’un Atatürk représenté en odeur de sainteté. Une étrange trinité chamanique qui n’est pas pour me déplaire tant elle est surréaliste. Il faudrait plutôt voir dans l’alévisme turc — qui concerne près de 25% de la population, tout de même — un maintien de croyances présislamiques liées au parcours des peuples turcs en Asie, avec une touche d’influence chrétienne, comme des réminiscences de cultures plus anciennes.

Costume traditionnel de cérémonie alévi. Photo © Sol Portal
Mehmet est fier de sa religion. Une identité qui fait de lui un être à part dans la société turque, comme l’ensemble de ses congénères. Digne descendant de ses aïeux, il conspue régulièrement toute forme d’autoritarisme religieux et reste un fervent défenseur de la laïcité et du sécularisme. « Chacun chez soi, me dit-il souvent, les imams à la mosquée ! » Aux dires de certains observateurs — dont je suis —, si la Turquie n’a pas encore basculé dans le camp de l’obscurantisme, c’est grâce à cette minorité de râleurs nés. Les quartiers alévis ne se mélangent pas avec ceux des sunnites, les deux groupes se regardant en chien de faïence et suspectant l’autre d’un mauvais coup. Ils aiment la musique, la transmission des cultures locales, dont celle des bardes, les aşık, qui ont porté jusqu’à nous des siècles de mémoire orale.
J’ai compris la spécificité des alévis en assistant à leur culte dans une cem evi située au dernier étage d’un immeuble moderne du quartier de Yenibosna. Rien de bien attractif en apparence — une tour vitrée près d’un périphérique —, mais je découvris là le terrain d’une magie secrète bercée par les chants, les danses où hommes et femmes se meuvent pour des rituels qui me semblaient sorti du journal d’exploration d’un découvreur de campagnes turques au Moyen-Âge.
Un autre genre de voyage dans la ville, celui des sectes, confréries et ordres mystiques. Mehmet m’avait introduit dans cet univers de signes et de symboles. Le dede, le maitre spirituel, était l’un de ses parents éloignés. Il m’avait placé au premier rang, en signe de respect pour l’invité, dans une sorte d’amphithéâtre miniature. Je découvrais un autre aspect de mon ami, celui d’un homme respecté dans sa communauté pour ses ascendances familiales car, dans la croyance alévie, on croit à la transmigration des âmes — la réincarnation, pour être précis —, et son lignage était honorable. « On ne parle pas de mort », me dit-il, mais plutôt de « passage », ce qui aidait à dédramatiser le terrible accident de son frère.
Sébastien de Courtois, Un thé à İstanbul, récit d’une ville
Le Passeur éditions, coll. Chemins d’étoiles, 2014
Photo d’en-tête © Utku Kaynar
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Jun 21, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |

Le clergé catholique au service de l’Antéchrist (« Unterscheid zwischen der waren Religion Christi und falschen Abgöttischenlehr des Antichrists in den fürnemsten Stücken »)
Gravure sur bois en deux parties de Lucas Cranach l’Ancien (1472 – 1553), 1ère moitié du XVIe siècle (reproduit dans : The German Single-Leaf Woodcut : 1550 – 1600, ed. Max Geisberg, New-York, 1974, vol. 2, p. 619)
J’ai trouvé dans le livre de Fatih Cimok (Anatolie Biblique, de la Genèse aux Conciles) une légende faisant appel à la fois au Déluge, aux peuples Hourrites et à un des mythes de la Bible les plus inquiétant ; celui de l’Antéchrist.
Dans la légende du Déluge, que ce soit celui des Chrétiens ou celui dont j’ai déjà parlé lorsqu’il était question du Mont Ararat, il est question au travers de cette épiphanie d’un moment de purification du mal sur Terre par l’eau, ce que l’on peut traduire dans une certaine mesure comme une métaphore à une différente échelle du baptême. Mais après le déluge ? Non, il n’est pas question ici de l’aphorisme de Madame de Pompadour, « Après moi, le déluge… » mais bel et bien de ce qui s’est passé après que la Terre fut envahie par l’eau, que Noé se retrouva perché sur Ararat et qu’il repeupla la terre par sa progéniture (Table des Nations) en la personne de ses fils, Sem, Cham et Japhet et de leurs enfants.

Dans les croyances populaires, des monstres sont nés du déluge, comme en témoignent les Chroniques de Nuremberg écrites en 1493 par l’humaniste Hartmann Schedel. Il est d’autre part question dans l’Ancien Testament, d’un passage peu connu (l’Ancien Testament est de toute façon trop peu connu, les Chrétiens préférant s’extasier sur la vie parfaite et tragique du Christ) du Livre des Nombres. Dans ce livre, il est question d’une race de géants appelés les Nephilim (הנּפלים: géant) :
27 Voici ce qu’ils [les chefs des douze tribus envoyés par Moïse en mission de repérage] racontèrent à Moïse : « Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. À la vérité, c’est un pays où coulent le lait et le miel, et en voici les fruits.
28 Mais le peuple qui habite ce pays est puissant, les villes sont fortifiées, très grandes ; nous y avons vu des enfants d’Anak.
29 Les Amalécites habitent la contrée du midi ; les Héthiens, les Jébuséens et les Amoréens habitent la montagne ; et les Cananéens habitent près de la mer et le long du Jourdain. »
30 Caleb fit taire le peuple, qui murmurait contre Moïse. Il dit : « Montons, emparons-nous du pays, nous y serons vainqueurs ! »
31 Mais les hommes qui y étaient allés avec lui dirent : « Nous ne pouvons pas monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous. »
32 Et ils décrièrent devant les enfants d’Israël le pays qu’ils avaient exploré. Ils dirent : « Le pays que nous avons parcouru, pour l’explorer, est un pays qui dévore ses habitants ; tous ceux que nous y avons vus sont des hommes d’une haute taille ;
33 et nous y avons vu les nephilim, enfants d’Anak, de la race des nephilim : nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles.
Nombres, 13, 27–33

Albrecht Dürer — Révélation de Saint-Jean (12) Le monstre des mers et la Bête à cornes d’agneau
Les Nephilim, personnages pour le moins mystérieux ont été assimilés, dans certaines interprétations, à des anges déchus, que le passage du Déluge aurait eu pour mission d’exterminer en tant que tel. L’hébreu nephel désigne qui celui qui tombe (ליפול). Dans cette ambiance inquiétante apparait un personnage qu’on retrouve dans nombres de récits ésotériques et eschatologiques, souvent intégré aux théories complotistes ; l’Antéchrist. Ce personnage est considéré comme un double néfaste du Christ, ayant pour fonction de détourner l’œuvre christique et par son imposture d’infléchir la marche de l’histoire pour que celle-ci prenne un mauvais tournant. Je me garderai bien ici de commenter quoi que ce soit sur cette histoire que les Chrétiens connaissent à la lecture des Épîtres de Jean et qu’on retrouve aussi dans la mythologie juive sous le nom d’anti-messie et dans les hadîth musulmans sous le nom de Masih ad-Dajjâl (le faux messie). L’origine de ce type de figure peut toujours paraître un peu obscure, mais il faut regarder dans la longue histoire de la religion juive pour en retrouver des traces et c’est ici qu’intervient un autre personnage ; Armilus ou Armillus, ארמילוס (Armilos) en hébreu. L’origine de ce nom est inconnue, bien qu’on en retrouve des traces dans le Sefer Zerubbabel, dans l’Apocalypse du pseudo-Méthode ainsi que dans le Midrash Vayosha où il apparaît sous la forme d’un roi qui verra son avènement à la fin des temps. La plupart des sources qui citent Armillus prennent leurs sources dans des textes mésopotamiens ou syriaques, et pour cause, puisqu’on suppose qu’il est un double d’une autre histoire, plus ancienne encore et c’est dans cette niche qu’intervient le mythe de Teshup (Teshub) au sein du Chant d’Ullikumi, un chant provenant de la civilisation hittite (centrée sur l’Anatolie), qui s’est elle-même réapproprié une vieille légende hourrite.
Le peuple des Hourrites trouve son origine deux millénaires av. J.-C. dans le bassin mésopotamien et parlait une langue réputée être la plus ancienne langue indo-européenne connue. C’est dans ce recoin de l’histoire que prend forme la légende d’Armillus auprès d’un personnage nommé Teshup, roi des dieux du panthéon hourrite qui complote pour prendre la place de son père, le dieu Kumarbi, dont le chant éponyme a été repris en partie par Hésiode dans sa Théogonie. C’est dans cet acte de vouloir prendre la place de entre le père et le fils bilatéralement que le parallèle se fait entre les deux légendes et se forge dans le temps jusqu’à nos mythes fondateurs au travers d’un phénomène étrange ; la substantiation dans la pierre et la vénération des pierres, comme on peut le voir dans les religions anté-islamiques. Voici ce qu’en dit Fatih Cimok :
La légende eschatologique juive de Armillus, l’Antéchrist semble avoir été inspirée par l’épopée hourrite du « Chant d’Ullikummi ». Le sujet de ce mythe hourrite est la tentative du dieu de l’orage, Kumarbi, de détrôner son fils Teshup, qui l’avait lui-même évincé. Kumarbi féconda « le sommet d’une grande montagne » qui enfanta Ullikummi, un monstre aveugle et sourd fait de diorite. Teshup grimpa au sommet du mont Hazzi, à l’embouchure de l’Oronte pour observer ce monstre de pierre poussé hors de la mer, aujourd’hui le golfe d’İskenderun. A la fin de l’histoire, les dieux entrèrent en guerre contre le monstre et semblèrent l’avoir vaincu. Le thème de la naissance à partir de la roche semble avoir été rapporté par les Hourrites du Nord-Est de la Mésopotamie. Cette idée était familière aux Sémites occidentaux qui révéraient des rochers animés, pouvant êtres considéré comme les mères symboliques des êtres humains. Ainsi Jérémie (2:27) reproche à ses compatriotes de suivre des étrangers qui disent au bois : « Tu es mon père ! » et à la pierre : « Toi, tu m’as enfanté ! ». On rencontre ce concept plusieurs fois dans la Bible, par exemple dans Isaïe (51:1–2), Abraham et Sarah sont comparés à des rochers qui ont donné naissance au peuple d’Israël : « Regardez le rocher d’où l’on vous a tirés… Regardez Abraham votre père et Sarah qui vous a enfantés ». De même on retrouve cette image dans l’évangile selon Saint Matthieu (3:9) lorsque Jean le Baptiste dit « Dieu peut, des pierres [de l’hébreu abanim] que voici, faire surgir des enfants [de l’hébreu banim] à Abraham », et répétée dans l’évangile selon Saint Luc (3:8). Selon la légende de Armillus :
Il existe à Rome une pierre de marbre, et elle a la forme d’une jolie fille. Elle fut créée durant les six jours de la Création. Des gens sans valeur venus des nations viennent et l’abusent et elle devint enceinte et à la fin des neuf mois elle éclate et un enfant mâle en sort de la forme d’un homme dont la hauteur est de douze cubes et dont la largeur est de deux cubes. Ses yeux sont rouges et tors, les cheveux de sa tête sont rouges comme de l’or, et les empreintes de ses pieds sont vertes et il a deux crânes. Ils l’appellent Armillus.
Fatih Cimok, Anatolie biblique, de la Genèse aux Conciles
A Turizm Yayınları, İstanbul, 2010
Une histoire tout à fait surprenante qui fait appel aux mystères originels de la Création et aux mythes de la Destruction. L’Α et l’Ω en somme.
Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant.
Εγώ ειμι το Αλφα και το Ωμεγα, λέγει κύριος ο θεός, ο ων και ο ην και ο ερχόμενος, ο παντοκράτωρ.
Apocalypse 1:8

Sources :
Image d’en-tête : Rencontre de la procession des dieux menés par le Dieu de l’Orage du Hatti/Teshub (à gauche) et la procession des déesses menées par la Déesse-Soleil d’Arinna/Hebat (à droite). Dessin d’un bas-relief de la Chambre A de Yazılıkaya par Charles Texier.
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Jun 17, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Le mythe du Déluge tel qu’on le connait traditionnellement dans les écrits prend très certainement racine dans l’épopée de Gilgamesh, tandis que tardivement dans notre histoire relativement récente une brèche s’est ouverte dans le détroit du Bosphore qui fut à l’origine de la création de la Mer Noire. Si pour les Juifs et les Chrétiens il ne fait aucun doute que l’Arche de Noé s’est échouée sur les hauteurs du Mont Ararat (Ağrı Dağı), un volcan éteint en réalité formé de deux sommets (le grand Ararat — Büyük Ağrı — et le petit Ararat — Küçük Ağrı) dont la situation isolée au milieu d’une vaste plaine ne pouvait que faire de cette montagne un lieu prédestiné à de grands desseins, il n’est fait mention nulle part dans le Coran du nom de la montagne qui se limite à Al judi (جبل جودي Jebel Ǧūdī — les hauteurs) qu’on situe dans le sud de la Turquie (Jazirat ibn Oumar, l’actuelle Cizre).

Arche de Noé — Manuscrit peint — fin XVIè — Zübdetü’t Tevarih — Musée des arts turcs et islamiques d’Istanbul
La particularité de la forme de cette montagne pourrait laisser imaginer quelque chose comme une forme de bateau, en ayant beaucoup d’imagination et de soi disant fouilles archéologiques auraient mis à jour la présence d’un immense bateau enchâssé au creux de cette montagne, dont la présence se manifeste par des éléments comme des « planches », des « rivets », une « ancre »…, de la même manière, des découvertes récentes sur le Mont Ararat « auraient mis à jour » les restes de l’embarcation du patriarche. Des interprétations un peu farfelues qui ne remettent bien évidemment pas en cause cette belle histoire à peine exagérée.

Photo © …
Certains font appel à des fouilles et à des sources un peu plus sérieuses…
La localisation, la forme et la taille de l’Arche semblent avoir préoccupé les hommes depuis la nuit des temps. Le « bois résineux » (GN 6:14) à partir duquel est fabriqué l’Arche n’est pas mentionné ailleurs dans la Bible, et nous ne savons pas exactement à quoi il correspond. Les spécialistes l’ont souvent interprété comme étant du roseau qui, enduit de « bitume en dedans et en dehors » devenait étanche. Cette matière aurait été retrouvée sous forme fossile sur le Mont Ararat. […] Certains auteurs de l’Antiquité, tel l’historien juif du Ier siècle de notre ère Flavius Joseph, prétendent que ceux qui escaladaient la montagne en rapportaient des restes de bitume de l’Arche qu’ils utilisaient comme amulettes.
Fatih Cimok, Anatolie biblique, de la Genèse aux Conciles
A Turizm Yayınları, İstanbul, 2010
La légende du Déluge est recensée sous plus de 500 formes différentes, dont une connue sous le nom de déluge de Deucalion, popularisé par Ovide dans les Métamorphoses. Un peu moins connu, le déluge d’Apamée (Dinar) trouve une origine un peu plus locale et adaptée. Quelques uns de ces mythes donnent une version dans laquelle l’eau ne vient pas du ciel mais de la terre, par des inondations souterraines remontant à la surface. Ce phénomène géologique est endémique des régions volcaniques qui font émerger des lacs souterrains lors de séismes, nombreux dans cette région d’Anatolie. A noter que le mythe de Deucalion donna son nom à la ville anatolienne de Konya (où se trouve enterré le Mevlâna Djalâl ad-Dîn Rûmî) ; il y est question d’images de boue avec lesquelles Promethée et Athéna repeuplent la terre. Image en grec, c’est eikon (εικόν), qui donne son nom à l’icône. Ikonion n’est ni plus ni moins que l’ancien nom grec de Konya.
Photo d’en-tête © Brigitte Djajasasmita
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Mar 29, 2014 | Livres et carnets |
Si un jour vous allez à Istanbul, vous pourrez voir à quel point les Turcs musulmans ont été respectueux des lieux de prière chrétiens en les convertissant en mosquées lorsqu’en 1453 ils conquirent la Rome d’Orient, en répandant sur le sol de l’eau de rose et en badigeonnant d’une simple épaisseur de chaux blanche les représentations non conformes à l’esprit de la religion. Mohammed Aïssaoui, dans L’étoile jaune et le croissant, nous parle de l’Algérie qui accueillait des Juifs et en particulier d’Oran où se trouve une des plus grandes synagogues d’Afrique du Nord ; si elle fut confisquée en 1972, elle fut simplement convertie en mosquée, dans le respect des confessions, ce qui laisse l’auteur songeur sur ces lieux qui n’ont pas de mémoire et qui auraient vocation à rapprocher les Hommes.

Synagogue d’Oran
Ainsi, cette grande synagogue d’Oran a été transformée en mosquée sans aucune retouche. Ça ne remonte pas à si longtemps — c’était en 1975. Je croyais que les lieux avaient une âme, un esprit. Qu’ils pouvaient être purs, ou impurs. Je suis étonné de voir le vendredi une foule de musulmans entrer dans cette synagogue… pardon, dans cette mosquée. Ainsi, les lieux n’auraient pas de mémoire. Une synagogue peut devenir une mosquée, et ça n’a l’air de gêner personne — alors que vous n’arrivez pas à faire manger un musulman dans une assiette déjà utilisée par un Juif. Et vice versa.

Intérieur de la synagogue d’Oran
La légende dit que l’on aurait amené dans cette synagogue des pierres de Jérusalem. On y met les pieds, on prie, on espère. Des Juifs y ont prié, espéré… Puis, des musulmans y ont prié, espéré. Et pourquoi pas alors un lieu où pourraient se retrouver des Juifs et des musulmans ? Parfois les hommes me sidèrent.
A Alger aussi, des synagogues ont été transformées en mosquées.
Dans les documents retrouvés aux archives d’Oran, je lis des phrases qui surprendraient aujourd’hui, et je souris. Un exemple, déniché dans une sorte d’atlas de l’époque : « En 1938, la France compte 25 millions de sujets musulmans. » Ça me fait sourire, parce que les nostalgiques de l’ancien empire colonial n’y avaient pas pensé. « La France compte 25 millions de musulmans », la phrase effraieraient certains aujourd’hui…
Mohammed Aïssaoui, L’étoile jaune et le croissant
Gallimard, 2012
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Mar 18, 2014 | Architectures, Sur les portulans |
Dans l’ancienne capitale de l’empire Perse Shiraz se trouve la très belle mosquée de Nasir-ol-Molk (Nasir al-Mulk, مسجد نصیر الملك), une mosquée chiite inaugurée en 1888. La particularité de ce monument est que la salle de prière principale est ornée de superbes mosaïques et de vitraux hautement colorés que la lumière crue du soleil iranien vient frapper. L’illusion colorée créée à l’intérieur est tout simplement magique, dans des dominantes de lumière rose.
Voir d’autres images superbes de la « Mosquée Rose » sur Bored Panda.

Mosquée Nasir-ol-Molk, Shiraz — Iran
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