Absent sur la photo

Tenzing Norgay plantant le drapeau néo-zélandais au sommet de l'EverestJe n’aime pas écla­ter de joie sur les som­mets. Tu sais qu’il n’y a même pas une pho­to d’Hil­la­ry sur l’E­ve­rest lors de cette pre­mière ascen­sion de 1953 ? Hil­la­ry avait un appa­reil et il a pho­to­gra­phié Ten­zing sur fond de pro­fil mon­ta­gneux, mais il n’a pas deman­dé à Ten­zing de le prendre en pho­to. Ce n’est pas curieux, ça ? Hil­la­ry était là-haut au nom de la col­lec­ti­vi­té, il n’é­tait qu’un repré­sen­tant de l’es­pèce humaine. J’i­gnore s’il a eu la ten­ta­tion de pas­ser l’ob­jec­tif à Ten­zing. Je sais qu’il ne l’a pas fait et pour moi, ce déclic raté est le plus beau de tous, un signe d’hu­mi­li­té qui donne la prio­ri­té à l’ex­ploit, non pas à celui qui l’ac­com­plit. Ce grand écha­las osseux néo-zélan­dais d’un mètre quatre-vingt-douze ne s’est pas fait prendre en pho­to au som­met de l’E­ve­rest. C’est pour moi une leçon.

Nives Meroi in sur les traces de Nives
Erri de Luca, 2005

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