Nov 10, 2010 | Arts |
A Bâle se tient en ce moment une expoÂsiÂtion retraÂçant l’axe artisÂtique de cette pĂ©riode bĂ©nite penÂdant laquelle, tanÂdis que tout ce que l’EuÂrope compÂtait de peintres se rasÂsemÂblait Ă Paris ou Ă BarÂbiÂzon, la penÂsĂ©e artisÂtique euroÂpĂ©enne s’est construite dans la capiÂtale autriÂchienne. Quatre noms resÂsortent de ces cimaises : GusÂtav Klimt, Egon Schiele, Oskar KokoÂschÂka, KoloÂman Moser. Si Klimt est en rupÂture avec l’aÂcaÂdĂ©Âmisme et entraĂ®ne avec lui les autres dans une nouÂvelle avenÂture symÂboÂliste en fonÂdant l’Art NouÂveau et en prĂ©ÂfiÂguÂrant le mouÂveÂment expresÂsionÂniste alleÂmand et sans audace aucune la peinÂture de Matisse, il avoue peu son hĂ©riÂtage. En effet, lorsque Klimt, lors de l’exÂpoÂsiÂtion de la SĂ©cesÂsion vienÂnoise en 1898, dĂ©couvre l’œuvre du peintre symÂboÂliste belge FerÂnand Khnopff, toute son Ĺ“uvre en sera proÂfonÂdĂ©Âment changĂ©e.
Quand on regarde les aquaÂrelles de Khnopff, ses payÂsages et ses femmes rousses Ă la mâchoire carÂrĂ©e et Ă la cheÂveÂlure vapoÂreuse, on croiÂrait voir du Klimt…



Le cataÂlogue de cette expoÂsiÂtion est un superbe pavĂ© conteÂnant près de 300 reprĂ©ÂsenÂtaÂtions. Un traÂvail de titan.
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Dec 6, 2009 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Tahir Shah au cours de sa quĂŞte iniÂtiaÂtique renÂcontre Mr KriÂshÂnan qu’on lui dĂ©signe comme Ă©tant l’homme le plus riche du monde. ÉviÂdemÂment, dit comme ça, ça peut prĂŞÂter Ă souÂrire car on ne s’atÂtend Ă©viÂdemÂment pas Ă trouÂver ce perÂsonÂnage Ă©miÂnent dans les bas-fonds de BanÂgaÂlore. Tahir va donc Ă la renÂcontre de cet homme le plus riche du monde, une homme ridĂ© d’à peine un mètre soixante enveÂlopÂpĂ© d’une couÂverÂture beige rapiĂ©ÂcĂ©e, un milÂliarÂdaire sans le sou.

PhoÂto © NZ Dave
Mr KriÂshÂnan raconte alors sa terÂrible hisÂtoire Ă Tahir Shah. NĂ© dans une famille de ferÂmier, on lui apprit très tĂ´t qu’il Ă©tait en fait desÂcenÂdant des rois de VijayaÂnâÂgaÂra, et afin de vĂ©nĂ©Ârer la mĂ©moire de ces ancĂŞtres, on vouait un culte Ă quelques vieux objets entasÂsĂ©s dans une pièce spĂ©Âciale de la maiÂson et qui se transÂmetÂtaient de gĂ©nĂ©ÂraÂtion en gĂ©nĂ©ÂraÂtion. Mr KriÂshÂnan Ă©pouÂsa la carÂrière terne de juriste et se maria, eut quatre enfants et au terme de trente-deux ans d’acÂtiÂviÂtĂ© dut mettre un terme Ă sa carÂrière en raiÂson d’une sanÂtĂ© fraÂgile. Peu porÂtĂ© sur les choses de la reliÂgion, Mr KriÂshÂnan avait mis au rebut son butin ancesÂtral et sur les injoncÂtions de sa femme, se dĂ©ciÂda Ă faire don de ses objets Ă de bonnes Ĺ“uvres reliÂgieuses, mais devant les traÂcasÂseÂries admiÂnisÂtraÂtives que cela engenÂdrait, il se rĂ©soÂlut Ă tout garÂder. Enfin, un soir, il s’inÂtĂ©ÂresÂsa d’un peu plus près Ă quatre linÂgots de forme oblongue, recouÂverts de suie et de crasse, se disant que c’éÂtait peut-ĂŞtre de l’or. Alors il se mit Ă gratÂter, Ă frotÂter, Ă rĂ©cuÂrer et dĂ©couÂvrit des objets de couÂleur vive. PenÂdant deux ans, l’homme Ă©tuÂdia la minĂ©ÂraÂloÂgie et la gemÂmoÂloÂgie de peur de se faire rouÂler par le preÂmier marÂgouÂlin Ă qui il demanÂdeÂrait une estiÂmaÂtion. Il en vint Ă la concluÂsion que les linÂgots Ă©taient en fait trois Ă©normes rubis roses et un saphir absoÂluÂment colosÂsal qui avaient traÂverÂsĂ© les âges sous leur Ă©paisÂseur de crasse. La posÂsesÂsion de ces Ă©normes pierres ne fit qu’agÂgraÂver l’éÂtat de sanÂtĂ© de l’homme dĂ©jĂ malade mais il fit tout de mĂŞme tailler les pierres par une perÂsonne de confiance, et finit par en rĂ©vĂ©Âler l’existence.
Le preÂmier rubis faiÂsait 215 carats, le second 650, taillĂ© dans une pierre qui Ă l’oÂriÂgine en faiÂsait 1125. Le troiÂsième, une fois taillĂ© s’anÂnonÂçait Ă 2475 carats. Le volume et la rareÂtĂ© de la pierre fit porÂter l’esÂtiÂmaÂtion de son prix Ă plus de 24 milÂliards de livres sterÂling. Le saphir quant Ă lui, faiÂsait 1370 carats et son estiÂmaÂtion atteiÂgnait les 3 milÂliards de livres.
B. KriÂshÂnan allait marier ses filles et vivait dans un apparÂteÂment Ă cent cinÂquante rouÂpies par mois, mais d’argent il n’aÂvait point, car si la somme colosÂsale qu’il posÂsĂ©Âdait par devers lui faiÂsait de lui un homme bien plus riche que le sulÂtan du BruÂnei ou Bill Gates, perÂsonne au monde ne peut s’ofÂfrir la plus petite de ses pierres, ce qui ne lui perÂmet pas de payer la dot de ses filles.

PhoÂto © Susanne Stoop
A l’autre bout du monde(1), en BelÂgique se trouve une rue, le long de la voie ferÂrĂ©e aux abords de la gare d’AnÂvers, une petite rue sombre et pousÂsiĂ©Âreuse, sans charme, porÂtant le doux nom de PeliÂkaansÂtraat. C’est le quarÂtier des diaÂmanÂtaires dont la pluÂpart sont des hasÂsiÂdims ou des Indiens. Mine de rien, c’est la rue la plus chère du monde. Ici l’argent tient Ă peu de choses et le chiffre d’afÂfaire annuel s’éÂlève Ă plus de 28 milÂliards de dollars.
Le mois derÂnier, Arte a difÂfuÂsĂ© un docuÂmenÂtaire appeÂlĂ© le trĂ©Âsor de la famille Atkin(2), difÂfuÂsĂ© après MonÂsieur Klein(3). C’est le genre d’hisÂtoire sur laquelle on tombe un peu par hasard et qui sĂ©duit tout de suite par le ton sur lequel l’hisÂtoire est raconÂtĂ©e. Mark Atkin arrive Ă Lodz en Pologne, et retrouve la proÂpriĂ©ÂtĂ© de son grand-père, un indusÂtriel qui a fait forÂtune dans le caouÂtchouc. En 1939, il est obliÂgĂ© de quitÂter sa maiÂson Ă cause des nazis et enterre dans son jarÂdin, dans une baiÂgnoire, quelques uns de ses plus beaux objets. Dans sa maiÂson, il cache son argent, des objets de valeurs dans les parÂquets, dans les murs…

PhoÂto © Stan BaransÂki
Il confie ce secret Ă son fils qui le confie lui-mĂŞme Ă son fils, Mark, lequel revient et retrouve la maiÂson. Il offre le voyage Ă son père et comÂmence Ă creuÂser le jarÂdin de la proÂpriĂ©ÂtĂ©. Mais l’arÂmĂ©e dĂ©barque et menace de les faire enferÂmer. La maiÂson du grand-père de Mark est dĂ©sorÂmais sous le contrĂ´le de l’arÂmĂ©e poloÂnaise qui y a insÂtalÂlĂ© ses laboÂraÂtoires secrets. Autant dire que l’acÂcès en est imposÂsible, alors comÂmence le bal des dĂ©marches admiÂnisÂtraÂtives car Mark aimeÂrait ne serait-ce que pouÂvoir entrer dans la maiÂson. Il arrive Ă faire interÂveÂnir le maire, en vain…
C’est une incroyable chasse au trĂ©Âsor qui s’enÂgage au beau milieu des traÂcasÂseÂries admiÂnisÂtraÂtives d’un pays qui semblent encore vivre Ă l’éÂpoque du rideau de fer… Tout semble perÂdu face Ă l’arÂmĂ©e lorsque l’aÂvoÂcat de Mark lui apporte une bonne nouÂvelle ; la famille est touÂjours proÂpriĂ©Âtaire de la maiÂson. Sa famille et lui pourÂront pĂ©nĂ©Âtrer dans la maison…
Tahir Shah est un drĂ´le de perÂsonÂnage. EthÂnoÂlogue, fils de Sayed Idries Shah, le jeune Tahir passe une parÂtie de son enfance avec un Afghan, Hafiz Jan(4), un grand type Ă la peau brune parÂcheÂmiÂnĂ©e, ne quitÂtant jamais son turÂban, un perÂsonÂnage sombre dont la malle contient toutes sortes de poudres, de philtres et d’insÂtruÂments et qui intriguent l’enÂfant. Les deux hommes deviennent comÂplices et Tahir supÂplie Hafiz de lui apprendre la sorÂcelÂleÂrie, comÂment avaÂler un sabre ou marÂcher sur des braises, ou encore donÂner l’imÂpresÂsion qu’un couÂteau traÂverse la peau sans que la moindre goutte soit verÂsĂ©e. Le jeune Tahir fait alors son apprenÂtisÂsage de jeune sorÂcier, d’illuÂsionÂniste (JadooÂwalÂla) avec le vieil homme jusÂqu’au jour oĂą une dĂ©monsÂtraÂtion tourne mal et manque d’enÂvoyer les deux hommes au royaume des ombres. Hafiz Jan fait alors sa malle et dĂ©cide de retourÂner dans son pays.
Des annĂ©es plus tard, Tahir prenÂdra la route et ira retrouÂver le vieil Afghan pour lui demanÂder de terÂmiÂner son Ă©duÂcaÂtion de magiÂcien, mais celui-ci refuÂseÂra, garÂdant en mĂ©moire l’éÂvĂ©ÂneÂment qui faillit les tuer, et lui donne le nom de celui qui lui a tout appris, le terÂriÂfiant Hakim Feroze. L’apÂprenÂti sorÂcier raconte cette iniÂtiaÂtion dans un pays, l’Inde, oĂą posÂsĂ©Âder des dons de magiÂcien, oĂą illuÂmiÂner les foules par des exploits fonÂdĂ©s sur l’illuÂsion est une quesÂtion de pouÂvoir. Hakim Feroze est un perÂsonÂnage très Ă©trange, aveÂnant, chaÂrisÂmaÂtique et très cultiÂvĂ©, et Ă parÂtir du moment oĂą Tahir Shah aura rĂ©usÂsi Ă le convaincre de reprendre du serÂvice pour mener Ă bien son Ă©duÂcaÂtion d’illuÂsionÂniste, il se monÂtreÂra d’une exiÂgence friÂsant la tyranÂnie, d’une cruauÂtĂ© qui ne souffre aucune incarÂtade. Le derÂnier stade de l’apÂprenÂtisÂsage de Tahir consiste Ă sillonÂner l’Inde Ă la recherche de ces «choses excepÂtionÂnelles» qui sont l’arÂrière-cour de ce pays que nous ne connaisÂsons pas sous cet angle. Un livre incroyable dans lequel on dĂ©couvre les mĂ©tiers les plus improÂbables parÂmi lesÂquels de cruels Thugs, des netÂtoyeurs d’inÂtersÂtices de lames de planÂcher, des loueurs de bĂ©bĂ© et de terÂriÂfiants KonÂkalÂwalÂla — des voleurs de cadavres qui les font bouillir, les netÂtoient puis vendent les squeÂlettes pour les cours de biologie.
L’apÂprenÂti sorÂcier, Tahir Shah,
EdiÂtions de Fallois
Notes:
(1). Je ne penÂsais pas un jour pouÂvoir me rapÂporÂter Ă une chroÂnique du Point.
(2). Qu’on peut encore voir sur le site interÂnet d’Arte.
(3). Peut-ĂŞtre le seul bon film d’AÂlain Delon, avec Ă©gaÂleÂment William WilÂson, de Louis Malle, dans les hisÂtoires extraÂorÂdiÂnaires.
(4). Hafiz Jan est le garÂdien du tomÂbeau des ancĂŞtres de Tahir Shah.
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