Que voyaient-ils donc ? Qu’es­pé­raient-ils ? Ils mar­chaient dans une robuste eupho­rie, le pas éner­gique. Le divin était tout pour eux, il en deve­nait pal­pable. Que l’on fasse tour­ner un mou­lin à prière, que l’on allume une lampe à beurre, et quelque chose se met­tait en mou­ve­ment. Des aïeuls rata­ti­nés et de minus­cules matriarches appuyaient leurs fronts contre les portes des temples et cares­saient les écharpes votives qui y étaient accro­chées. Le souffle per­pé­tuel de leur prière « Om mani pad­mé hum » exha­lait un sou­pir pareil à un lent bat­te­ment de cœur. Cer­tains se pros­ter­naient de tout leur long dans un grand tin­te­ment de bra­ce­lets, lan­çant leurs corps par terre vers leurs mains éten­dues, puis ils se rele­vaient, avant de s’al­lon­ger encore, fai­sant ain­si par­fois le tour des temples ou du monas­tère entier, les paumes cri­blées d’am­poules, les che­veux macu­lés de boue, dans un état de grâce au-delà des réa­li­tés terrestres.

Colin Thu­bron

L’ombre de la route de la soie — Tra­duit de l’anglais par Katia Holmes , Gal­li­mard, 2006

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