Dans les années 20, un pay­san découvre un bel objet de jade en labou­rant son champ. Puis, plus rien. Ce n’est qu’en 1986 que deux fosses ont été décou­vertes dans la pro­vince de Sichuan à proxi­mi­té du champ, dans la ville de Guan­ghan, sur le site de San­xing­dui. Les objets qui y furent trou­vés ont per­mis de dater que cette culture remonte à une période allant de 2800 à 800 av. J.-C., soit une période de 2000 ans, mais sa pré­sence a posé énor­mé­ment de pro­blèmes aux archéo­logues dans le sens où, contem­po­raine de l’âge de bronze de la dynas­tie des Shang, elle pré­sen­tait une manière tout à fait dis­tan­ciée d’abs­trac­tion par rap­port à ce qui était connu alors. Ce fait est d’au­tant plus étrange que dans les textes, il n’est fait men­tion nulle part de cette culture qui en outre, a dis­pa­ru brus­que­ment en enfouis­sant tous ses bronzes et ses objets rituels en très peu de temps, et sur des lieux très concen­trés. Ce qui est d’au­tant plus trou­blant, c’est qu’ayant côtoyé pen­dant quelques siècles la culture de la dynas­tie Shang, dis­tante de quelques cen­taines de kilo­mètres, celle-ci ne soit pas nour­rie des tech­niques de la fonte du bronze, qu’ils maî­tri­saient par­fai­te­ment dans la finesse des détails, mais dans de moindres pro­por­tions que dans cette culture de San­xing­dui puisque les plus grosses pièces trou­vées font près de 180 kg, ce qui néces­site des quan­ti­tés consi­dé­rables de mine­rai. Les plus grands masques retrou­vés sont colos­saux et indiquent que la tech­nique de la fonte était hau­te­ment maî­tri­sée pour une époque aus­si loin­taine. En com­pa­rai­son avec l’oc­ci­dent, une telle tech­nique n’est maî­tri­sée que lors de l’âge clas­sique grec. Le site sur lequel furent décou­vert ces objets a fini par être déli­mi­té en 1996 lors­qu’on trou­va les restes d’une enceinte encer­clant une ville de 12km², ce qui en fait la plus grande ville de l’A­sie antique.

En dehors des aspects tech­niques et archéo­lo­giques qui posent encore sou­ci aujourd’­hui, la sty­li­sa­tion des formes des pièces retrou­vée est tout à fait ques­tion­nante. Bien loin des décors de masques tao­tie retrou­vés plus à l’est, les visages de San­xing­dui sont angu­leux, figurent des yeux en amande, sans pupilles, sym­bo­li­sés par une ligne de crête les tra­ver­sant de part en part. La bouche est large, les lèvres fines et pin­cées. Les pom­mettes sont sym­bo­li­sées par une autre ligne de crête et lar­ge­ment mar­quées. Les oreilles sont tan­tôt poin­tues, tan­tôt défor­mées à l’ex­trême. Le nez est tan­tôt poin­tu, tan­tôt camus et les sour­cils lar­ge­ment déli­mi­tés. Quelques objets sur­prennent, comme ce masque aux yeux exor­bi­tés en forme de cylindre, aux yeux dits “ver­ti­caux”, ou cette pièce immense cou­lée en deux mor­ceaux et longue de 262cm, socle com­pris, aux mains déme­su­rées et sem­blant por­ter autre­fois un objet qui pour­rait être une rame, on un bâton rituel, ou encore ces petites têtes d’une seul bloc, recou­vertes d’un masque d’or.
Si la fonc­tion du masque n’a pas été à ce jour vrai­ment com­prise, puisque ces objets sont loin d’être à dimen­sion humaine, et si la culture de San­xing­dui semble gar­der encore quelques uns de ses plus grands secrets, on conti­nue de décou­vrir des sites qui nous per­met­tront peut-être un jour d’é­lu­ci­der ces ques­tions. En atten­dant, on pour­ra se réfé­rer à la maigre lit­té­ra­ture sur le sujet, sur­tout au tra­vers du livre de Danielle Elis­seeff ( Art et archéo­lo­gie : la Chine du néo­li­thique à la fin des Cinq Dynas­ties (960 de notre ère), Paris, École du Louvre, Édi­tions de la Réunion des Musées Natio­naux (Manuels de l’É­cole du Louvre), 2008.)

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