Au cœur de la mahāprajñāpāramitā (प्रज्ञापारमिता), le corpus des œuvres littéraires du grand véhicule, mahāyāna (महायान), se trouve un des sūtras les plus connus du bouddhisme, à l’origine des grandes idées du courant chan et zen.
Après avoir entendu le Sūtra du Diamant, Huìnéng (惠能) se rend au monastère du mont de la prune jaune (黄梅山) et est assigné dans la cuisine, où il demeure six mois.
Un jour, Shénxiù (神秀), moine érudit et assistant du patriarche, écrit un poème sur un mur :
身是菩提樹, Le corps est l’arbre de l’Éveil,
心如明鏡臺。 L’esprit est comme un brillant miroir dressé.
時時勤拂拭, À chaque instant je l’époussette,
勿使惹塵埃。 Et n’y laisse aucune poussière.
Illettré, Huineng se fait lire le poème, et puis il y répond par ces vers qu’il demande à quelqu’un d’écrire à côté du précédent :
菩提本無樹, Il n’y a aucun arbre dans l’Éveil,
明鏡亦非臺。 Le miroir n’est pas dressé.
本來無一物, Puisque fondamentalement rien n’a d’existence,
何處惹塵埃。 Où de la poussière pourrait-elle se déposer ?
(source Wikipedia)
L’importance du Vajracchedikāprajñāpāramitāsūtra réside dans la symbolique du diamant, la pierre la plus dure mais aussi la plus tranchante qui soit, capable de couper toutes les autres pierres, qui, lorsqu’elle est pure peut avoir la transparence de l’eau, et fait référence à la doctrine de la vacuité qui elle, transperce toutes les autres doctrines substantielles, représente l’absence de caractère fixe et inchangeant de toute chose. Bouddha y converse avec son disciple Subhuti de la vacuité, de la préciosité du diamant qui malgré sa pureté empêche le sage d’atteindre l’éveil.
L’exégèse du sūtra demeure compliquée du fait que les traductions du sanskrit se sont diffusées dans le monde bouddhiste, jusqu’au Gandhara et au Khotan, et notamment en chinois simplifié. C’est une de ces versions que Sir Aurel Stein a découvert nichée au cœur des magnifiques grottes de Dunhuang. Si le manuscrit trouvé n’avait été qu’un simple manuscrit, il n’aurait pas été si célèbre. C’est aujourd’hui le seul manuscrit rapporté par Aurel Stein qui soit exposé au public dans les salles de la British Library, et pour cause, il est daté de 868 et se trouve être le premier document retrouvé imprimé de l’humanité, six cents ans avant les premières impressions de Gutenberg, ce qui ne renseigne absolument en rien sur les procédés utilisés à l’époque, mais peu importe, la réalité est là, il a bien été imprimé et porte aujourd’hui la cote Or. 8210/p.
Le plus célèbre manuscrit issu de la masse encombrant la pièce est sans aucun doute le Soûtra du Diamant. Sa renommée n’a rien à voir avec le texte lui-même, dont il existe d’innombrables exemplaires (il y en avait plus de cinq cents, complets ou non, qui faisaient partie du seul butin de Stein à Touen-Houang). Celui-ci semble être le plus ancien livre imprimé que l’on connaisse, fabriqué il y a plus de mille ans à partir de blocs d’impression en bois. Dans un ouvrage chinois contemporain ayant pour thème l’histoire de l’imprimerie et publié en 1961 par la Bibliothèque Nationale de Pékin, ce texte est ainsi décrit : « Le Soûtra du Diamant, imprimé en l’année 868 […], est le plus ancien livre imprimé qui existe au monde ; il est fait de sept bandes de papier jointes les unes aux autres, comprenant sur la première page une gravure d’un grand talent. » L’auteur ajoute : « Ce célèbre rouleau fut volé il y a plus de cinquante ans par l’Anglais Ssu T’an-yin [Stein] ; cet acte fait encore grincer les dents des Chinois, qui lui vouent une haine acharnée. » Ce livre est maintenant exposé au British Museum, à quelques pas du célèbre ouvrage occidental : la Bible de Gutenberg. Le rouleau de Touen-houang, qui mesure quatre mètres et huit centimètres de long, porte la date exacte du 11 mai 868 ainsi que le nom de l’homme qui le commanda et le diffusa. Cela fait de lui non pas le plus ancien imprimeur connu, ainsi qu’on le prétend parfois, mais le plus ancien éditeur.
Peter Hopkirk, Bouddhas et rôdeurs sur la route de la soie
Picquier poche
L’histoire détaillé du manuscrit sur le site du International Dunhuang Project.
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