Je lisais il y a peu de temps un article sur le fait que le nombre de contributeurs à Wikipedia — je me souviens également que MSN avait développé une encyclopédie en ligne payante, Encarta, qui semble pour le coup avoir été inhumée en bonne et due forme face à la montée d’audience spectaculaire de Wikipedia(1) — était en baisse constante (une baisse qui se chiffre tout de même à un effectif de 50000 sur 2009). C’est la principale raison pour laquelle le site a mis en test ces derniers mois une version bêta, censée améliorer la navigation et l’édition du texte par les contributeurs, tout en offrant au simple utilisateur une recherche plus fluide. Il est vrai que question design, le texte prenant par nature une place importante (c’est la moindre des choses pour une encyclopédie), on est parfois noyé dans une page un peu stérile et pas réellement fonctionnelle. Les écrans d’aujourd’hui étant particulièrement larges, lire une ligne du début à la fin sur une plage d’environ cinquante centimètres de large, ça devient un sport de compétition pour nos yeux déjà fatigués par plus d’une décennie de travail sur ordinateur. Étant moi-même un fervent défenseur du multi-colonnage à la “feuille de chou” que rend notamment possible CSS3, j’imagine que ça aurait du faire partie des premières améliorations de l’application (je me contrefiche à peu près complètement du reste des changements opérés).
D’ailleurs à mon sens, tout ceci est un faux problème. L’accès à Wikipedia est devenu de plus en plus compliqué pour une raison qui ne tient pas tellement au fait que des contributeurs quittent le navire en cours de route ou que la navigation soit finalement moins aisée que sur certains autre sites, mais le fait est que le nombre d’articles et de corrections (il faut bien distinguer les deux activités du wikipédiste ; rédaction et modération) n’est pas extensible à l’infini va de toute façon rendre la vie difficile au nombre d’entrées restant à créer. Aujourd’hui, on compte 935 223 articles, et pas besoin d’être énarque pour comprendre qu’on ne pourra pas créer des articles à l’infini et que le nombre de modifications va finir par se tasser, comme en témoigne les graphiques des statistiques de visites du site, notamment cette courbe qui montre la répartition du nombre de modifications par jour depuis 2002(2). La connaissance a ses limites, a fortiori parce que cet outil est un outil semi-professionnel qui n’a été missionné par aucun institut d’état ou un quelconque organe officiel. La question de la fréquentation par les contributeurs n’est toutefois pas un problème qu’il faut prendre à la légère car au-delà du fait que le nombre de visiteurs, lui, augmente constamment pour faire de Wikipedia un des acteurs du top 10 des sites les plus visités en France(3), c’est tout le problème du vandalisme (est-il besoin de rappeler que Wikipedia est un wiki, et donc modifiable par n’importe qui ?) et du spam (moins de contributeurs pour vérifier les articles) qui est en question. Le pire toutefois est à mon sens la crainte de voir arriver une aristocratie de l’encyclopédie, une caste supérieure qui tenterait de maintenir sa mainmise sur l’outil, voire sur la connaissance (on imagine aisément la catastrophe mondiale que pourrait être la prise d’otage d’une telle encyclopédie par une entreprise sectaire).
L’activité de Wikipédia n’est pas immédiatement menacée, il reste encore bon nombre de personnes pour s’occuper de cette superbe machine, et c’est dans ce contexte semi-critique que Gallica vient d’annoncer un partenariat entre WikiSource et la Bibliothèque Nationale de France ; 1 400 textes en français tombés dans le domaine public vont être versés au fond de Wikisource. Le blog de la BnF annonce que ces textes ayant été traités par OCR(4), le nombre d’erreurs textuelles lié à des ambiguïtés typographiques risquant d’être important, la puissance de feu de Wikipédia aura pour but avoué de mettre à contribution les collaborateurs pour procéder aux corrections des textes.
Un beau projet collaboratif qui fera à mon sens rayonner les deux entités et qui ouvre la porte, enfin, à la collaboration entre un Wikipédia longtemps décrié, un organe du monde virtuel et une des plus grandes et belles institutions du pays.
Notes:
1- On retrouve d’ailleurs, ironiquement, sur Wikipedia l’article annonçant la fin d’Encarta : En mars 2009, Microsoft a annoncé la fin d’Encarta et la fermeture des sites Web pour le 31octobre 2009, reconnaissant le changement du marché. En effet, Encarta ne représente plus en janvier 2009 aux États-Unis que 1,27 % des visites d’encyclopédies en ligne contre 97 % pour Wikipédia.
2- Il aurait fallu croiser cette courbe avec le nombre d’utilisateurs avec un indicateurs nombres de modifications par jour et par utilisateur, on aurait vu à mon sens également une perte énorme.
3- Le site est vu par 15 millions de personnes tous les mois (sources Médiamétrie//NetRatings)
4- Reconnaissance optique des caractères ou vidéodécodage
ce qui importe, au fond, ce n’est pas tant le nombre d’articles, ni le nombre de contributeurs, mais la qualité et la fiabilité des informations qu’on trouve dans une encyclopédie. On risque de voir apparaître des contenus à double niveau, dirais-je: des informations de base accessibles gratuitement, et des informations plus poussées, enrichies, etc. mais d’accès payant… Non ?
Je suis d’accord avec toi, mais c’est ce qui a plombé Encarta et c’est ce qui plombera les autres également.