Épisode précédent : La rose et la tulipe, carnet de voyage à Istanbul 14 : sur les quais d’Eminönü, Yeni Camii, Sirkeci, Mısır Çarşısı
Café turc et lokoum en terrasse, sous le soleil de Kuzguncuk
Rien de plus facile que d’aller en Asie. A Eminönü, trouvez le quai où l’on voit écrit en gros Üsküdar, mettez deux pièces d’une lire turque dans le jetonmatik, passez le tourniquet et… embarquez. A quelques encablures de cette rive se trouve l’Asie, celle qu’on appelait autrefois Mineure… Une immense péninsule qui s’engouffre jusqu’à l’Iran. Sur cette rive, qui à l’arrivée sur le quai d’Üsküdar semble bruyante, touffue, ramassée, l’air n’est pas le même qu’en face.
[audio:istanbul16.xol]Faisons l’effort de s’avancer en dehors de la ville pour prendre un car, je pointe sur la carte un endroit où semblent se trouver quelques églises orthodoxes, un nom qui se dit Kouz-goune-djouk (Kuzguncuk) et je demande à la dame du point information, foulard sur la tête, l’air un peu renfrogné, comment s’y rendre. Elle m’indique la gare routière en face et de gros cars rouges qui pétaradent et fument à l’envi avant de partir parcourir la rive. Au guichet, je demande mes billets au préposé qui m’envoie balader en gesticulant “no inglis, no inglis !” — bourru ! — et je tente ma chance avec un autre qui tente avec un peu de mal de m’expliquer que le ticket magnétique est un aller et retour. L’idée est de s’éloigner de la ville, de l’Istanbul bouillonnant pour prendre un peu le large, voir ce que les touristes ne vont pas voir, et s’arrêter quelques heures ici… C’est plutôt gagné, je demande au chauffeur de s’arrêter à Kuzguncuk et nous laisse à un petit carrefour en face du Bosphore et d’une rue qui remonte, ombragée par les marronniers.
Üsküdar
Üsküdar s’appelait autrefois Scutari, puis quelques centaines d’années avant encore, Chrysopolis, la ville d’or… Un peu plus au sud, à l’emplacement actuel de Kadıköy se trouve une autre ville marquée par l’histoire où furent menés des débats importants pour la chrétienté, Chalcédoine. On dit aujourd’hui que cette rive est plus traditionaliste que la rive de Sultanahmet, l’éloignement en est certainement la raison. Les touristes, ici, n’affluent pas. C’est un endroit calme, qui vit au rythme des flots agités du Bosphore.
Kuzguncuk
A la recherche des églises orthodoxes… j’en trouve une à côté d’une petite mosquée ; rien n’indique qu’elle soit ouverte. Qu’à cela ne tienne, je vais me reposer quelques instants dans le petit jardin face à l’entrée de la mosquée, tellement petite que je n’ose entrer. Alors je m’assieds sur le banc, dans le jardinet. Le vieux monsieur qui s’occupe à biner les massifs fait signe à mon fils de lui apporter la flûte qu’il ne quitte plus, le bout de chou lui apporte, désormais habitué, et le vieux joue un air tonitruant et rigole parce qu’il ne sait pas plus en jouer que lui. Une petite place donne sur le bras de mer, sur la terrasse d’un restaurant, Ismet Baba Restoran et de l’autre côté de la rue monte İcadiye Caddesi. Une autre église orthodoxe se trouve dans cette rue, mais elle est aussi fermée que la première. Le petit jardin qui l’entoure ne manque pas de charme. La rue est une succession de maison ottomanes colorées sous les frondaisons des marronniers d’où partent de petites rues encombrées de voitures et sur la droite grimpent sur une colline pentue. Le quartier a de faux airs de bord de mer du Maine ou du Massachusetts.
Nous nous arrêtons à l’angle d’une rue, un tout petit restaurant avec une terrasse au bord du trottoir, aux tables cachées derrière de petits buissons de buis ; aucune voiture ne passe, un vent frais me caresse l’échine. Chicken kebap, ayran (yaourt dilué d’eau et salé), Menemen (omelette brouillée avec oignon, tomate et poivre vert) café et thé font l’essentiel du repas. C’est un moment de repos pendant lequel je prends le temps de prendre quelques notes, un moment calme. En repartant, j’achète une bouteille de Sirma (soda au citron) et le commerçant offre un esquimau glacé à mon zouzou qui n’en revient pas.
Nous reprenons le bus après cette incartade loin de tout pour nous retrouver dans le tumulte d’Üsküdar, son marché couvert qui a sa petite réputation, les épices, les fleurs d’hibiscus séchées, les piments rondelets et les fleurs de lotus embrochées ensemble et accrochés au-dessus des étals, des fromages tubulaires larges comme des gueules de canon encore emmaillotés dans la peau poilue de l’animal qui en est l’origine, des éponges marines énormes, et surtout, presque inconcevablement dans ce pays à majorité musulmane, une triperie dont la vitrine déborde à ras-bord de pieds de cochon…
Yeni Valide Camii, nouvelle mosquée de la sultane
Nous rentrons ensuite dans l’enceinte de la Yeni Valide Camii, une mosquée récente datant du XVIIIème siècle, où se prélassent des Maine Coon longilignes dans les parterres d’herbe. Dans la cour, autour de la fontaine à ablutions commencent à s’agiter quelques hommes pressés par la prière toute proche. J’entends le micro qui s’ouvre et la voix du muezzin s’élever sous le soleil, pour un des plus beaux appels que j’ai entendu à Istanbul, encore un moment plein de grâce qui s’envole dans l’air marin et vers le bleu profond du ciel. Je ne visite pas la mosquée, c’est bien comme ça. Certains moments méritent de ne pas trop déborder d’émotions.
http://youtu.be/zqoAI_bFhD0
Il est temps de retourner en Europe par le prochain ferry et nous regagnons la vie trépidante du dock.
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Tags de cet article: Istanbul, mer, mosquée, Turquie
oh le petit chapeau sur la tasse de café noir !
Oui ! Tasse ottomane !