Au hasard des sai­sons, je prends avec moi le temps de répondre aux ques­tions qu’il me pose du haut de ses sept ans. La faim nous mène dans le quar­tier Saint-Séve­rin qui, déci­dé­ment, ne livre guère le meilleur en matière de gas­tro­no­mie. Il fut un temps où je sor­tais sou­vent le soir dans ce coin, un quar­tier qui ne sen­tait pas encore la mau­vaise graisse et dans lequel on pou­vait se pro­me­ner sans se faire rabattre comme si on était un tou­riste amé­ri­cain. Le quar­tier pue la sale affaire et l’attrape-nigaud…

Il reste encore quelques anciennes mai­sons qu’on recon­naît à leurs murs pen­chés, aux toits à pré­sent recou­verts de zinc et à leurs hautes che­mi­nées mas­sives. L’âme du vieux Paris médié­val se trouve dans les hau­teurs de ces immeubles sans âge.

Au 17 rue de la Harpe, au car­re­four de la rue Saint-Séve­rin, se trouve un endroit qu’il fau­drait s’in­ter­dire de fré­quen­ter, mais les cou­leurs et les odeurs qui se dégagent de cette petite échoppe sont comme un piège qui se referme sur le pas­sant. Fina­le­ment, le lou­koum au citron aura rai­son de ma bonne volonté.

Autre­fois, au pied des futs des colonnes de la Concier­ge­rie, on voyait des pigeons chier sur la pierre. Aujourd’­hui ce sont les camé­ras de vidéo sur­veillance qui rongent le cal­caire. Au fond, la Tour de l’Hor­loge, déla­brée à un point inima­gi­nable. Elle fut la pre­mière hor­loge publique du Royaume de France, ins­tal­lée en 1371.

Apprendre à regar­der l’ar­chi­tec­ture pari­sienne. Ici le détail d’un pilastre du Tri­bu­nal de Com­merce de la Seine. Une pierre jaune agréable au tou­cher, propre.

De fines sculp­tures à por­tée de main, devant les­quelles per­sonne ne s’ar­rête, comme si la rare beau­té de ce Paris deve­nait trans­pa­rente aux pas­sants dont les regards sont atti­rés par les grands axes.

Les dorures du por­tail du Palais de Jus­tice de Paris, les énormes piliers du fron­tis­pice, les sta­tues posées sur les balus­trades et les impo­sants toits d’ar­doise. Toute la lour­deur des ins­ti­tu­tions de la Répu­blique concré­ti­sées dans ce bâti­ment cen­tral de l’Île de la Cité.

On pour­rait croire que la Concier­ge­rie, c’est une énorme ensemble de bâti­ments, que sa fonc­tion de pri­son de la Répu­blique doit faire appa­raître les reli­quats de quar­tiers péni­ten­tiaires tra­dui­sant une ambiance froide et mor­bide sur des dizaines et des dizaines de mètres, qu’on doit y sen­tir l’ombre de la mort des pri­son­niers de la Révo­lu­tion, mais les par­ties visibles ne sont pas très éten­dues ; elles se can­tonnent à la salle des Gens d’arme et à quelques autres par­ties rela­ti­ve­ment exi­guës. Le reste a été annexé au Palais de Justice.

Der­rière le Tri­bu­nal de Com­merce, le Mar­ché aux fleurs et au milieu des car­tons, des entas­se­ments de pou­belles et des voi­tures mal garées, une des rares sta­tions de métro pari­siennes qui ait été condam­née. Métro Cité.

Place Louis Lépine, il faut lever un peu les yeux, regar­der vers le ciel pour com­prendre qu’i­ci, des Pari­siens habitent encore sur l’Île de la Cité. Tout n’a pas été inves­ti par le pou­voir judiciaire.

Croi­sées d’o­give et voû­tains imbri­qués. Le tra­vail est colos­sal et s’é­tend à perte de vue.

Un bel esca­lier sur le flanc nord de la salle donne accès à ce qui était autre­fois les cuisines.

La Seine est arri­vée jus­qu’i­ci. Je me dis avec un peu d’é­mo­tion que mine de rien, c’é­tait il y a cent ans. J’i­ma­gine les consé­quences qu’au­raient aujourd’­hui un tel événement.

Un nom qui parle, même s’il est plus géné­ra­le­ment asso­cié à un des fleu­rons de la gas­tro­no­mie fran­çaise. Pas très gla­mour. Ici, nous sommes juste à son pied.

Ce n’est pas moi qui le dis mais Wiki­pe­dia: Cette salle est excep­tion­nelle (le plus grand ves­tige de salle civile médié­vale d’Europe) : longue de 64 mètres, large de 27,5 mètres et haute de 8,5 mètres à la clé, elle fut édi­fiée en 1302 et 1313 par Enguer­rand de Mari­gny. Elle ser­vait de réfec­toire aux très nom­breux per­son­nels (envi­ron 2 000 per­sonnes) employés au ser­vice du roi.

La petite cha­pelle Royale ou Cha­pelle des Giron­dins, ornée de ses ten­tures noires déco­rés des armoi­ries de la royau­té, cou­sues au fil d’argent.

Le jar­din des femmes, lieu de vie social pour les der­niers ins­tants des condam­nées. Au fond, mon fils, très content d’être là et pas for­cé­ment conscient de ce qui se pas­sait ici.

Un der­nier regard en arrière sur un lieu émouvant.

Le Tri­bu­nal de Com­merce et son dôme. Je pour­rais pas­ser des heures à regar­der ce qui se passe en l’air.

Vue d’en­semble de la place Louis Lépine, la Sainte-Cha­pelle, le Palais de Jus­tice, et la fin de jour­née qui clôt cette escapade.

La cité der­rière, les quais rive gauche devant. La jour­née touche à sa fin.

La Concier­ge­rie sur Google Maps.

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