J’ai découvert dans l’Atlas de Paris au Moyen-Âge une petite gravure représentant l’hôtel de Vauvert au cœur de Paris, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le Jardin du Luxembourg. Vauvert est une autre forme de « Val Vert », indiquant clairement un endroit boisé et plutôt agréable. L’expression « aller au Diable Vauvert » remet cette image idyllique en cause. En cherchant l’origine de cette expression, j’ai trouvé autant d’explications que de sources, toutes différentes quand à sa signification et son origine, un grand n’importe quoi auquel je ne veux pas donner caution. Toutefois, si la linguistique nous emmène sur des chemins hasardeux, l’histoire, elle, semble être d’accord avec les faits et nous raconte une histoire qui si elle ne nous laisse aucune certitude, nous donne une idée de l’origine des mots.
Sous les premiers Capétiens, le sud du jardin du Luxembourg était planté de vignes. La faible déclivité du terrain lui conférait le nom de Val Vert qui fut plus tard déformé en Vauvert. Au Xe siècle, le Roi Robert II épousa Berthe fille de Conrad duc de Bourgogne. La Reine était parente du roi au quatrième degré si bien que le pape Grégoire V les excommunia et jeta l’interdit sur le royaume. Mais le Roi ne voulut pas céder. En cette période de foi ardente les foudres pontificales impressionnaient fortement le peuple. Alors un concert de lamentations s’éleva dans l’entourage du Souverain qui, pour avoir ta tranquillité, fit construire un manoir hors de Paris au lieu dit Val Vert où il s’établit. Pourtant, il n’occupa cette demeure qu’un court laps de temps avant de se retirer à Melun. De guerre lasse il répudia sa femme et s’éteignit en 1031. Le château Vauvert fut voué à l’abandon. Construit par un excommunié, il fut le lieu de toutes les maléfices. Le diable y avait dit-on élu domicile et personne n’approchait ces lieux maudits. Dans le sud de la France, Saint Bruno et ses disciples fondèrent l’ordre des Chartreux vers 1086. S’étant fait conter l’histoire de cet ordre St Louis décida de faire venir des religieux de cette congrégation à Paris. Ainsi Jean de Josserand du Diocèse de Valence arriva à la capitale avec quatre religieux en 1257. D’abord installés à Gentilly, les pères demandèrent à occuper le château de Vauvert en 1258. Jean et sept frères “vinrent sans crainte aucune et entrèrent dans la maison de Vauvert le jour de St Colombin abbé, 21 novembre de l’an 1258, où ils furent trois jours et trois nuits continuellement en prières, faisant procession par ledit hôtel et priant notre seigneur que, par l’intercession de la Benoiste Mère, luy plust d’icelui lieu chasser tous les mauvais esprits”.
Puis, les Chartreux s’employèrent activement à la réfection du manoir. En 1260, la chapelle étant trop exiguë, il fut décidé de construire une église. Pour cela, les pères firent ouvrir deux carrières de pierre à bâtir à l’intérieur de l’enclos. L’église ne fut définitivement achevée qu’en 1325. A la fin du XIVe le couvent possédait deux cloîtres et de multiples dépendances. Pendant cinq siècles, ils ont bénéficié des faveurs des souverains. A la veille de la Révolution c’était un des plus riches couvents de la capitale. II possédait des vergers, des pépinières, des jardins, des vignes et un moulin à vent. Lorsqu’éclata la Révolution, 31 religieux vivaient au sein du couvent. Sur ordre de l’Assemblée Nationale le prieur Félix-Prosper le Monant fit l’inventaire des revenus qui s’élevaient à 152 471 livres. Le couvent fut fermé en 1790. Le 6 juin 1792 tous les biens de valeurs furent enlevés. Le citoyen Barthélémy établit une fabrique de poudre dans les locaux désaffectés. A cet endroit furent notamment fondus les canons qui servirent à la bataille d’Austerlitz. Puis la Convention transféra le siège du gouvernement au palais du Luxembourg. Pour agrandir les jardins, la partie nord de l’enclos fut détruite. Puis des rue furent percées sur la partie sud du couvent. Si bien que maintenant, seuls subsistent les souterrains situés sous l’école des Mines et la faculté de pharmacie, vestiges des carrières creusées au XIIIe siècle..
Extrait d’un tract édité le 3 décembre 1993 à l’occasion du bicentenaire de la disparition de Philibert Aspairt ci-devant portier du Val-de-Grâce (Source).
La présence connue sous la Chartreuse de carrières et de souterrains a également certainement alimenté la légende. Au sud du lieu, on retrouvera d’ailleurs la mauvaise réputation des lieux concrétisée dans le nom de la rue d’Enfer, plus connue aujourd’hui sous le nom de Boulevard Denfert-Rochereau, sur lequel on trouve l’ancien octroi nommé la Barrière d’Enfer, par laquelle on accède aujourd’hui… aux catacombes de Paris.
1ère partie
2ème partie
4ème partie
Merci pour ces billets sur Paris au moyen-âge , grâce à toi je découvre plein de choses sur l’histoire de cette ville .
Attends, c’est pas fini 🙂